Comment traiter l’auteure de propos ignobles ? Le choix du Temps (26/11/2014)

Quel genre d’article faire après les propos abjects d’une étudiante sur la victime d’un acte terroriste? Le Temps a choisi: aller demander à son auteure ce qu'elle ressent après avoir été démasquée.

 

Un terroriste fonce avec sa voiture dans un groupe de personnes stationnant à un arrêt de tram. Une étudiante de Genève, après avoir vu la photo d’un bébé de trois mois tué dans cette opération, tweete (anonymement) ceci:

«C’est bon de voir cette petite pute, j’aurais aimé voir sa gueule quand elle est morte cette chienne.»

L’auteure est pro-palestinienne et commentait un attentat commis à Jérusalem. Et dans le genre, elle n'en était pas à son coup d'essai.

Comment traiter journalistiquement des propos aussi ignobles et la personne qui les écrit? Le Temps a répondu: en allant aimablement questionner l’auteure.

Moteur de l’article: le calvaire que subit la jeune femme. Démasquée, son nom révélé, la voilà victime, nous dit Céline Zünd, d’un «déferlement de haine». Elle reçoit des dizaines de courriels d’insultes. Ses parents sont menacés de mort. Sa vie «s’est transformée en enfer».

Faut-il s’en émouvoir… S’en scandaliser?

L’étudiante a été démasquée par un groupe de juifs qui s’attellent à débusquer les propos antisémites sur le Net et, précise la journaliste, «se qualifient de sionistes».

Ils sont responsables de tous les malheurs de «Vanessa» l’étudiante. «La chasse à l’homme est lancée», écrit la journaliste. Et de préciser que les limiers ont averti Migros. «L’effet est immédiat: on lui annonce son licenciement.»

Sniff? Peut-on imaginer une seconde qu’une entreprise quelle qu’elle soit ne licencie pas l’auteure de propos aussi infâmes? Les vilains sont-ils les délateurs? Quant à l’étudiante soi-disant repentie, elle contestera son licenciement.

Car «Vanessa» dit regretter son geste et s’en être excusée; elle devient une victime: «Je suis stressée, j’ai des insomnies», se plaint-elle.

La journaliste relaie les propos de la jeune femme qui affirme s’être davantage intéressée à la cause palestinienne lorsque «l’armée israélienne pilonnait Gaza». Et qui n’a d’autre mobile que «la révolte face à l’injustice».

Que pensent les parents de «la petite pute» de ce genre d’amour de la justice? Ils sont un peu loin et probablement dans un autre état que la tweeteuse pour répondre.

Sur Twitter, les échanges haineux sont monnaie courante, rappelle la journaliste. Et de se plier gentiment au procédé de l’étudiante qui tente de rejeter sa responsabilité sur les haineux de l’autre bord (qui ne manquent pas). «Il y avait des tweets qui se moquaient d’enfants palestiniens morts et souhaitaient en voir plus… » Ça sonne si vrai!

Avec un gramme d’éthique et un grain de morale, Le Temps aurait pu nous épargner ce voyage au pays du vomi. Quel intérêt de donner ce genre de tribune libre à l'auteure de propos aussi immondes? Une information toute de sobriété aurait avantageusement remplacé ce choix.

Mais il me reste une légère interrogation. Madame Zünd aurait-elle tenu à connaître les états d’âme d’un juif genevois qui aurait écrit à propos d’un acte d’ultraorthodoxes que personne n’a oublié:

«C’est bon de voir ce petit salaud, j’aurais aimé voir sa gueule quand il brûlait, ce chien.»

… Et si elle avait tenu à l’entendre, précisons que ce n’aurait pas été le moins du monde plus honorable.

11:51 | Tags : tweet, le temps, attentat | Lien permanent | Commentaires (3)