Youssef Ibram ou comment les mosquées de Suisse cultivent le radicalisme (12/04/2015)

Après des allers-retours Genève-Zurich-Genève-France, Youssef Ibram officie à nouveau à Zurich. Parcours d’un imam fondamentaliste et antioccidental -ça va de pair- qui propage librement ses convictions.

Le sucré-salé est l’un des beaux-arts pratiqués par les intégristes musulmans qui hantent nos mosquées. Fervents adeptes du wahhabisme ou des Frères musulmans-ou les deux comme dans le cas qui nous occupe-, ils réussissent à se faire passer pour «modérés».

L’insubmersible Youssef Ibram fait profiter la Suisse de ses prêches obscurantistes depuis des décennies. Le 30 mars dernier, il participait à Genève à un «Café Sagesse de l’Humanité (sic !), manifestation interreligieuse consacrée ce soir-là à la liberté d’expression.

 

youssef ibram,portrait


L’imam se veut le représentant de la communauté musulmane qui souffre… non des exactions commises au nom de l’islam, mais des réactions de défiance qu’elles suscitent. «Pourquoi est-ce l’islam qui est toujours ciblé? Je n’arrive pas à comprendre!», larmoie Ibram avec une touchante naïveté… ou plutôt une stupéfiante obscénité. «Les musulmans, ajoute-t-il, pensent que le monde occidental a déclenché une nouvelle croisade».

Où l’on constate que plus les actes odieux commis au nom de l’islam se multiplient, plus les musulmans s’en considèrent comme les principales victimes. Et plus ils sont nombreux à haïr l’Occident. La tendance est générale.

Concernant la liberté d’expression, Ibram interroge: «Pourquoi ne met-on pas de garde-fous«Toucher à Mahomet, mon modèle de comportement, c’est comme toucher à mes parents.» «La liberté d’expression est un droit, mais pas contre la morale universelle, elle ne doit pas inciter au désordre social, s’attaquer aux symboles des religions.» «La critique d’accord, mais pas l’insulte.» Après plus 30 ans sous nos cieux, le religieux n’a pas encore compris ce que signifie liberté d’expression. Il est urgent d’organiser quelques séminaires de formation continue.

Un regard sur ses convictions explique cette incompréhension. D’origine marocaine, Ibram a étudié durant six ans en Arabie saoudite. En Suisse, il n’a pas été dépaysé: durant une dizaine d’années, de 1983 à 1993, il est imam à la grande mosquée de Genève qui reçoit plusieurs milliers de croyants par semaine. Elle est construite et financée par la péninsule qui pratique les décapitations (le lien pointe sur celle, toute récente, d’une femme) et le fouet.

L’imam officie ensuite à la mosquée zurichoise de la Rötelstrasse pour une douzaine de printemps. C’est durant cette période, en 2002, que parait le «Recueil de fatwahs. Avis juridiques concernant les musulmans d’Europe». Il est dû au Conseil européens des fatwas et de la recherche (sic !) où siège un essaim d’imams Frères musulmans d’origine arabe, dont Ibram. Ce livret est encore en vente sur www.muslimshop.fr. 

«Le Conseil considère, nous apprend Wikipédia, que la charia doit être la norme absolue pour tous les musulmans. (… Il) s’est donné pour but d’unifier la jurisprudence islamique et d’édicter collectivement pour les musulmans européens des fatwas qui, selon ses membres, respectent intégralement la charia tout en tenant compte de l’environnement local et du statut de minorité religieuse de leurs destinataires. Il se veut aussi un organe de recherche explorant par quelles voies l’application de la charia inaltérée aux musulmans d’Europe est possible.» Youssef Ibram fait toujours partie de ce Conseil.

Il a donc collaboré à un morceau d’anthologie qui illustre l’impossible intégration de ces pieux musulmans à une démocratie qui garantit l’égalité des sexes et la liberté de conscience. Le recueil, présenté par son président, l’idéologue fanatique de la Confrérie Youssef Al Qaradawi et préfacé par Tariq Ramadan deviendra un best-seller. Je rappelle quelques-unes de ces fatwas qui oscillent entre le fanatisme et le grotesque. 

Voile. «Nous sommes tenus de convaincre la musulmane que le fait de se couvrir la tête est une obligation religieuse (...) Dieu a prescrit cette tenue pudique et ce foulard pour la musulmane afin qu’elle puisse être distinguée de la non musulmane et de la non pratiquante. Ainsi, par sa tenue, elle donnera l’image de la femme sérieuse et honnête, qui n’est ni une séductrice ni une tentatrice, qui ne fait de tort ni par ses paroles ni par un mouvement quelconque de son corps, afin que celui dont le cœur est pervers ne puisse pas être tenté par elle.» C’est une mise en lumière de la fonction du foulard et du masquage du corps.

Mariage. Rappel d'une conduite «absolument illicite, à savoir le mariage d'une musulmane avec un non-musulman».

Coiffeur. «La femme a-t-elle besoin de la permission de son époux si elle désire raccourcir la longueur de ses cheveux?» Réponse: «La femme peut se raccourcir les cheveux de façon imperceptible pour le mari (...) Il existe par ailleurs un autre type de raccourcissement qui modifie l’aspect de la femme et son image pour son mari. (...) Cette coupe visible nécessite une entente préalable entre les époux avant son exécution, afin que perdure l’affection et la concorde entre eux.»

Avortement. L'avortement est interdit par la charia à partir du 1er jour de la grossesse. Après 120 jours, il est «assimilé à un meurtre qui nécessite le versement du prix du sang d'un montant de 500 dirhams ou environ 213 g. d'or».

Supériorité masculine. Le recueil rappelle les versets du Coran disant que «Les hommes ont autorité sur les femmes»" (4.34) et que «les hommes sont à un degré au-dessus des femmes.» (2.228).

Ménage et héritage. Quelle est la part de la femme aux dépenses du foyer? «Sa contribution s'élèvera au maximum à un tiers des dépenses, les deux tiers restants étant à la charge du mari. En effet, si en matière d'héritage celui-ci a droit à une double part, il est normal qu'il supporte le double de sa part en matière de dépense.»

Mirage. Le Conseil cite un verset enjoignant les hommes de bien traiter leurs épouses, car Allah a peut-être pour elles une grande considération: «(…) Et comportez-vous convenablement envers elles. Si vous avez de l'aversion envers elles durant la vie commune, il se peut que vous ayez de l'aversion pour une chose où Dieu a déposé un grand bien.»

Commentaire désarmant des savants: «Si, selon le sens apparent du texte, l'ordre s'adresse aux hommes, en réalité il s'adresse également aux femmes. Car la femme doit faire preuve de patience à l'égard de son mari, en supportant la dureté de celui-ci -avec ce qui en découle comme habitudes et caractéristiques qu'il n'est pas facile de modifier, car l'habitude est une seconde nature.»

Pudeur. «Cette pudeur est une qualité louable aussi bien chez les hommes que chez les femmes, mais elle l’est encore davantage chez la femme et plus conforme à sa nature féminine. C’est cela qui fait que, généralement, elle ne prend pas l’initiative d’adresser la parole aux hommes qui lui sont étrangers (...)» La fatwa précise que la femme a le droit de saluer les hommes qu'elle connaît, sous réserve du consentement du père, du mari et des frères.

Contrôle. Le mari a le droit d'interdire à son épouse la visite d'une autre femme s'il juge cette dernière «néfaste». Il doit en effet préserver sa famille de tout danger «qu'il soit réel ou supposé

Vélo. «Est-il permis à la femme de monter à bicyclette? Qu’en est-il pour les filles vierges, avec le risque qu’elles perdent leur virginité?» Réponse: (…) Quant à l’éventualité de la perte de la virginité pour les filles vierges, il est nécessaire d’étudier la question et de connaître le degré de risque.» Et si le risque est grand, il faudra interdire la bicyclette aux jeunes vierges.

Apostasie. Le châtiment est du ressort de l’Etat musulman. S’il reste discret, l’apostat peut s’en sortir. Maisyoussef ibram,portrait s’il affiche ses convictions et s’oppose à l’islam, sa mort vise à «protéger la religion et la société». C’est l’équivalent de la «haute trahison».

Morale. Est-il permis d'accepter des dons d'origine douteuse pour la construction d'une mosquée? Oui, à quelques exceptions près. Un homme peut-il guider les fidèles s'il est par exemple "débauché (libertin, pervers)…" Oui!

Emploi. Il est interdit d’occuper ceux où l’on vend de la viande de porc ou de l’alcool.

Ce recueil n’éveille l’attention ni de nos autorités, ni des adeptes de la religion de tolérance.Youssef Ibram a tout loisir d’enseigner ces professions de foi discriminatoires et sexistes aux adultes et enfants dont il a la charge, dont il est l’un des prescripteurs. Les sociétés européennes ont laissé se répandre ce genre de poison dont nous payons le prix aujourd’hui.

Les choses se gâtent fin 2004. Dans un article de Coopération, Ibram, logiquement, n’arrive pas à condamner la lapidation. Une polémique s’enflamme, l’imam est contraint de quitter Zurich. Pas de problème: la mosquée wahhabite genevoise, lieu de ses premiers prêches, le recueille. Il devient même «premier imam».

Son deuxième règne à Genève sera aussi court que mouvementé. En 2007, de sombres luttes de pouvoir et d’egos amènent les dirigeants à licencier quatre employés de la mosquée, dont son porte-parole Hafid Ouardiri. Les aventures d’un nouveau directeur et de sa femme qui dénonce sa violence dans une conférence de presse offrent un savoureux vaudeville. Mais personne ne comprend rien. Le directeur est renvoyé, l'Arabie saoudite reprend directement les rênes.

Ibram est dans la tourmente. En 2008, poussé vers la sortie, il démissionne, mais reste à Genève et fréquente encore la mosquée, on ne sait sous quel statut. 

En octobre 2009, la votation sur les minarets approche, les interviews de musulmans se multiplient. Dans L’Hebdo, un journaliste parle des imams qui font une lecture rigoriste de l’islam. «Cette même lecture est proposée à la mosquée de Vevey comme à celle de Genève», observe-t-il. Et d’ajouter : «A s’entretenir avec l’imam de la mosquée du Petit-Saconnex, le Marocain Youssef Ibram (…) on ne peut s’empêcher, avec la meilleure volonté du monde, de ressentir un malaise. Malgré nos questions insistantes, l’imam Ibram ne semble pas reconnaître, par exemple, les chiites comme un courant musulman à part entière…» (29.10.09)

Décembre 2009, les minarets sont interdits. Une journaliste de Protest-Info interviewe quelques personnalités, dont Youssef Ibram. Extrait :

- Ibram: La loi islamique et sa partie charia concernent uniquement les pays musulmans. Mais même parmi ces pays, tous ne la pratiquent pas! Il n’y a que l’Arabie saoudite qui suit plus ou moins ce code.

- La journaliste : L’Arabie saoudite a-t-elle raison de l’appliquer?

- Ibram : Oui (…) elle s’approche le plus possible du Coran et je défends le Coran. (…) C’est parce que la péninsule arabique n’a jamais été colonisée qu’elle est restée au plus proche de l’islam.

Il observe dans la même interview: «Tout le monde aujourd’hui est contre la peine de mort, mais prend-on seulement en considération la personne tuée? (…) L’islam voit les deux et donne un droit à celui qui est mort. Celui qui a tué intentionnellement doit subir le même châtiment.»(1)

Dans un reportage de la TV alémanique diffusé par Temps présent le 20 mai 2010, la journaliste Karin Bauer observe: «Youssef Ibram fustige la décadence occidentale», il affirme que dans notre société «les habits légers sont considérés comme une expression d’élévation». Et intime aux musulmanes: «Si vous ne baissez pas les yeux, vous allez devenir un disciple de Satan!».

Dans son enquête, Karin Bauer nous fait connaître une belle brochette de fondamentalistes, et souligne: «Personne ne sait qui professe quoi dans les 200 mosquées de Suisse. Personne ne sait combien il y a d’imams radicaux en Suisse.» …Et personne n’a envie de le savoir!

Début 2011, Ibram est empêché de faire un sermon à la mosquée de Genève et une échauffourée s’ensuit. L’imam affirme: «Je ne prêche plus le vendredi à la mosquée, mais au consulat d'Arabie Saoudite, seul lieu qui m'accueille à Genève.» Il passera par la suite un an à enseigner et donner des conférences en France avant de revenir récemment à Zurich. 

En Suisse comme ailleurs, le radicalisme poursuit son bonhomme de chemin. Récemment, l’Union des organisations musulmanes de Genève (UOMG), qui regroupe l’écrasante majorité des musulmans du canton, a invité à l’université, avec le soutien du Bureau de l’intégration des étrangers, du Canton de Genève et de la Confédération Nabil Ennasri, un Frère musulman français disciple de Youssef Al-Qaradawi! Il a harangué les troupes lors d’une après-midi consacrée à l’islamophobie et au racisme.  

Pour terminer, je vous recommande vivement l’article ci-dessous. Il qui montre le genre de débris préhistoriques -tellement nombreux!- qui ont fait et font encore le lit du radicalisme et que les politiciens en l’occurrence français font semblant de combattre.

http://ripostelaique.com/m-le-prefet-vous-avez-vu-les-conferenciers-invites-au-congres-des-musulmans-dauvergne.html

(1) Protest’info, 13.12.2009

Article paru d'abord dans Les Observateurs.

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