Mallory Schneuwly ou comment évacuer l’islam du radicalisme musulman (03/09/2015)

Présidente du Groupe de recherche sur l’islam (GRIS), Mallory Schneuwly Purdie réagit à la découverte des tendances extrémistes de la grande mosquée de Genève. Comment faire en sorte que la question de l’origine religieuse des événements ne soit pas posée? Démonstration.

Je ne vous apprendrai rien: la Tribune de Genève a révélé le 28 août dernier qu’il se trame des choses bien inquiétantes dans la mosquée genevoise qui reçoit plusieurs milliers de croyants chaque semaine. Pêle-mêle: groupe de jeunes radicalisés, un apprenti djihadiste parti en Syrie, deux imams (sur trois) suspectés d’extrémisme. L’affaire est grave et la défense des responsables bien pauvre.

Purdie.jpgDernier épisode médiatique: notre quotidien interviewe la spécialiste de l’islam Mallory Schneuwly Purdie, sociologue des religions et enseignante au Centre suisse islam et société de Fribourg. Le discours alterne entre  victimisation et revendications, avec un souci majeur: dédouaner l’islam. Le moyen? Faire comme si tout cela n’avait rien à voir avec cette religion.

La spécialiste affirme: «musulmans et non musulmans» se posent des questions sur l’orientation de cette mosquée. Eh oui: rassembler tout le monde dans une grande famille, encore une manière de ne pas introduire l’islam dans le débat. Dans le même genre: «La réalité, c’est que la Suisse a recensé à ce jour 69 départs vers la Syrie. Personne ne peut plus ignorer ce phénomène. Ses responsables doivent s’en préoccuper en tant que citoyens et pas en tant que musulmans.» Surtout pas en tant que musulmans!

Et avant tout, ne jamais poser cette question: mais qu’est-ce qui relie les prêcheurs de haine islamistes, les discours extrémistes islamistes, les assassins qui se réclament de l’islam… à l’islam?

Clou de l’exemption: «Nous devons intensifier les mesures de prévention visant les discours radicaux, mais aussi sur le racisme et les autres formes d’intolérance.» Là, je me sens visée, moi qui m’apprête avec mes complices à commettre un nouvel attentat, puis à partir tuer mes semblables et liquider au nom de Dieu -ou de l’absence de Dieu- ceux qui ne pensent pas comme moi.

D’ailleurs, en fin de compte, pourquoi lie-t-on le djihadisme à des musulmans ? «La radicalisation n’est pas qu’une question musulmane et n’est pas non plus qu’une question liée à l’immigration musulmane. Des milieux notables suisses, des familles de la troisième génération de migrants venus d’Italie ou d’Espagne sont aussi touchés par des départs.»

Victimisation

«Toutefois il n’est pas facile pour les centres islamiques en Suisse de se positionner sur la question de la radicalisation, car ils craignent d’être encore plus montrés du doigt. Le soupçon plane sur eux depuis la votation sur les minarets en 2009.» Mais si la condamnation est ferme, le doigt aurait plutôt tendance à se rétracter? La sociologue douterait-elle du positionnement des «centres islamiques»? Et ne renversons pas l’ordre des choses: c’est bien l’attitude de ces religieux, leurs discours et revendications rétrogrades qui ont conduit à cette interdiction, de même qu’à la montée de l’hostilité de la population. Et la radicalisation se produit dans TOUTES les communautés musulmanes d’Europe… sans vote sur les minarets.

« Malheureusement, ce genre de polémique stigmatise encore plus les musulmans. » Le mot magique est lâché, celui qui exaspère. Comme si le radicalisme musulman ne provenait pas des rangs musulmans. On fait comme si on n'avait pas vu?

Elle poursuit: « C’est l’aspect positif de cette affaire. On reproche souvent aux musulmans de ne pas sortir du bois, mais dans ce cas-là, ils dénoncent et critiquent une façon de fonctionner de la mosquée, même s’ils ne proposent pas encore d’alternative. Sur les réseaux sociaux, musulmans et non-musulmans font les mêmes commentaires acerbes. C’est assez rare dans un débat sur l’islam. » A nouveau la grande famille !

Les revendications et le remède (davantage d’islam)

« Il y a d’autres outils à trouver. Il faut accorder une place au religieux pour éviter que certains ne cherchent des réponses ailleurs. » Parce qu’actuellement, les apprentis djihadistes cherchent leurs réponses où ? Un article parmi mille donne la réponse et l’illustre: dans les textes, dans le Coran et ses satellites (hadiths, biographie de Mahomet).

Il y a tout de même un très léger travail à accomplir dans les mosquées, estime la sociologue: « Au sein des associations musulmanes, il faudrait encourager les projets d’enseignement religieux pertinents par rapport à la société dans laquelle nous vivons. » Il serait donc possible qu'ils ne soient pas "pertinents" aujourd'hui? ?

«Mais qu’attend-on des imams exerçant en Suisse?» interroge la journaliste. « La société suisse attend des imams ce qu’elle attend des prêtres et des pasteurs. Or, les imams ne bénéficient pas encore des mêmes responsabilités communautaires et d’une telle reconnaissance sociale. Car l’histoire suisse s’est construite avec les religions chrétiennes, mais se construit depuis peu avec les associations musulmanes, dont la présence est plus récente. »

Une construction peu souhaitée pour l'heure et qui ne se fera pas si islamologues et islamophiles poursuivent leur insistant travail d’esquive.  

 

 

 

 

18:03 | Tags : imams, mosquée de genève | Lien permanent | Commentaires (7)