Comment distinguer l’islam de l’islamisme ? Exercices pratiques (09/09/2015)
Pour d’innombrables analystes, il est simple comme bonjour de différencier l’islam de l’islamisme et les musulmans intégrés des extrémistes. A l’expérience, c’est plus complexe.
Qu’est-ce alors qui distingue l’islam de l’islamisme ? Un internaute répond : «Tout vient de la confusion dans l'esprit des gens entre islamiste et musulman. Pour clarifier: un musulman est quelqu'un(e) qui est guidé(e) par le Coran, la Sira (biographie de Mahomet) et les Hadiths. Tandis qu'au contraire, un(e) islamiste suit plutôt les Hadiths, la Sira et le Coran. C'est simple, non? »
Les journalistes sont toujours effarés que l’Association vigilance islam et moi ne distinguions pas l’islam et l’islamisme et donc ceux qui les représentent. Le dernier en date est le journal de gauche Jet d’encre. Pour mes collègues, la différence est lumineuse. J’ai tenté de vérifier.
Quel instrument utiliser? Jeu de l’Oie, règle métrique, graphiques? J’ai opté pour la simplicité: une échelle numérotée de 1 à 10.
Le numéro 1 est attribué au musulman parfaitement intégré. Il adhère à nos valeurs. Il se débrouille avec ses textes sans revendiquer, sans signe ostentatoire. Il se conforme comme les autres confessions à la pratique privée de sa religion.
Le musulman perché sur l’échelon 10 est l’islamiste. Il ne colle aucune date de péremption sur ses traditions, il adopte l’islam en bloc avec ses barbaries, son intolérance et ses discriminations. Est-il partisan de la violence ? Disons que son littéralisme la favorise.
Je laisserai de côté Nicolas Blancho, spécimen connu et reconnu de radicalisme, pour me focaliser sur des personnalités volontiers considérées comme intégrées, sauf le premier du casting.
Exercice no 1 : quatre imams
Le radicalisme de Hani Ramadan pour lequel le Coran et la charia sont parfaits, est connu. Il campe sur l’échelon 10. Une question majeure concerne sa fonction de président de l’Union des organisations musulmanes de Genève (UOMG) qui représente la grande majorité des musulmans du canton. Il défend les Frères musulmans, appelle au djihad, exprime une haine paroxystique d’Israël et des Etats-Unis et attribue à l’Occident tous les maux de la planète. C’est un expert en théories du complot. Qu’en pensent les musulmans genevois? Aucune réaction, pétition, protestation contre cette présidence. Seule une organisation a discrètement démissionné, la Ligue musulmane genevoise pour la paix confessionnelle.
Alors, les musulmans de Genève ? Intégrés ou islamistes? C’est un grand mystère.
Avril 2015. Trois imams sont interrogés par la TSR (j’exclus le quatrième, Nicolas Blancho), dont deux appartiennent aux plus grands lieux de culte de Suisse romande. Ils sont priés par le journaliste de répondre à cette question : êtes-vous pour ou contre la lapidation?
Mehdi Tonnerieux, de la grande Mosquée de Genève répond le sourire patelin: « joker ! ». Abdelwahed Kort, imam du Complexe culturel des musulmans de Lausanne, le plus grand site musulman du canton de Vaud, et Fatih Özkam du Centre islamique turc de Lausanne: «Impossible de répondre par oui ou par non».
Et la polygamie, pour ou contre ? poursuit l’audacieux journaliste. Nous n’avons la réponse que de Tonnerieux: il réclame un deuxième «joker».
Du niqab, il ressort de propos flous qu’aucun n’est favorable à son interdiction. Conclusion du journaliste: sur tous ces sujets, impossible d’obtenir une réponse claire.
Sur quel échelon placer ces partisans d’un châtiment barbare et de discriminations avérées? A priori, 7 ou 8. Mais la Tribune de Genève du 28 août révèle que Tonnerieux est encore trop bas perché: il est l’un des deux imams de la grande mosquée genevoise soupçonnés de favoriser le djihadisme. Il rejoint la plus haute place du podium : 10.
Mais l’imam Kort? Ce partisan de la lapidation, nous assène sans transition le journaliste, promeut «une réforme radicale qui rende compatible l’islam avec notre société et notre époque…» Bonne pâte, je le fais passer de 8 à 6.La suite du reportage ? Un débat dans son centre sur «la violence attribuée à l’islam» et «le vivre ensemble», montre une assistance où hommes et femmes sont séparés. Et pas une n’a la tête nue. La «réforme radicale» n’inclut pas la suppression de la ségrégation.
Donc lapidation (9), niqab (8), sexisme (6), réforme (3)… On fait la moyenne ? 6,5.
Exercice no 2 : les communautés suisses et leurs représentants
Gottfried Locher, récemment nommé à la tête du Conseil suisse des religions a mis à l’agenda du dialogue interreligieux: «pouvoir quitter librement sa religion».
Ah bon, en 2015 en Suisse, la chose n’est pas acquise ? Non, et le débat sera chaud sur l’apostasie, observe le journaliste, «car renier sa foi dans l’islam n’est pas une sinécure.» Mais Locher insiste : «… on doit pouvoir quitter librement sa religion en Suisse, et il faudra trouver une position commune.»
Dans ce conseil siège Montassar BenMrad, président de la plus grande fédération d’organisations islamiques de Suisse (FOIS, environ 150 centres). Ce cadre d’IBM entend «faire entendre la voix du milieu, la voix de la modération». Il s’oppose à la création d’un organe de contrôle et de supervision des mosquées avec les autorités suisses craignant un «risque de délation gratuite». Contre la tentation radicale, «donner des bases, des connaissances de la religion, est un bon vaccin».
Farhad Afshar, président de la Coordination des organisations islamiques suisses (COIS) est un autre membre de ce conseil. Il s’est dit en 2008 favorable à l’introduction d’un peu de charia dans le droit suisse afin d’aider à l’intégration. «Des parents musulmans qui désirent favoriser leur fils dans l’héritage peuvent le faire en utilisant la part non réservataire. (…) En revanche, ils ne peuvent pas le contraindre à assumer la contrepartie prévue par le droit musulman : la responsabilité financière de sa sœur. Il y a là une marge où une forme de justice communautaire pourrait apporter des avantages.» Il estime aussi «inhumain» de ne pas créer des cimetières musulmans dans toutes les communes.
Puisqu'au sein du Conseil, c’est eux qu’il faut convaincre d’adopter la liberté de croyance, je les place sur l’échelon 6.
Mais qu’en est-il des croyants des multiples centres et mosquées qu’ils représentent ? Je m’énerve, la tête me tourne. Je laisse fondre quelques granules de fopastigmatizer sous la langue.
Exercice no 3 : deux imams arrimés au VIIe siècle
Mouwafac El-Rifai imam de la Mosquée de Lausanne, qu’affectionnent les médias s’affirme très modéré. D’ailleurs, il voue régulièrement aux gémonies les wahhabites. Ce jour-là, une journaliste empathique recueille les plaintes de musulmanes: depuis les assassinats de Paris, elles sentent le regard accusateur des passants, elles ont peur. On leur donnerait Allah sans confession. Mais au même moment, le site de leur mosquée propose un texte à propos des fêtes de fin d'année intitulé « Il n’est pas permis de célébrer les fêtes des non-musulmans ». S’il le faisait, le musulman tomberait dans la mécréance, «le plus grave des péchés», Coran dixit. Un musulman peut tuer, égorger, torturer, ce sera toujours moins grave que faire partie des non-croyants à l’islam.
Le texte se conclut par : «Évitez les ennemis de Dieu durant leur fête».
El Rifai atteint 9 sur l’échelle.
Et les fidèles qui fréquentent sa mosquée, dont les musulmanes victimes du 7 janvier, modérées aussi? J’avale un comprimé de padamalgam…
Youssef Ibram était imam dans une mosquée de Zurich. En 2004, il refuse de condamner la lapidation et doit quitter le canton (oui, à l’époque, ces propos n’étaient pas acceptables). La grande Mosquée de Genève l’accueille quelques années, puis il rejoint une autre mosquée zurichoise où il prêche aujourd’hui. Radical patenté, il est co-auteur d’un Recueil de fatwas délirant d’intolérance religieuse et de misogynie. Ibram déclare entre autres : « C’est parce que la péninsule arabique (réd. l’Arabie saoudite) n’a jamais été colonisée qu’elle est restée au plus proche de l’islam. »
Le degré 9 lui va comme un gant.
« Restée au plus proche de l’islam »… Qu’est-ce alors qui distingue l’islam de l’islamisme ? Un internaute répond : «Tout vient de la confusion dans l'esprit des gens entre islamiste et musulman. Pour clarifier: un musulman est quelqu'un(e) qui est guidé(e) par le Coran, la Sira (biographie de Mahomet) et les Hadiths. Tandis qu'au contraire, un(e) islamiste suit plutôt les Hadiths, la Sira et le Coran. C'est simple, non? »
Exercice 4 : trois candidats à l’intégration maximale
L’échelon1 va-t-il enfin recevoir des hôtes ? Trois personnalités sont candidates.
Pascal Gemperli, président de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM) représente la grande majorité des musulmans. Un « bon vaudois » (converti), membre des Verts, si ouvert que les médias aimeraient le cloner.
Mais il est partisan du foulard pour les femmes, du foulard pour les fillettes à l’école, du foulard pour les enseignantes, du foulard dans toutes les professions. Il est opposé à l’interdiction du niqab. Il estime qu’il faudrait supprimer le terme « djihad » du langage, car ce terme signifie « effort sur soi ». Changer ce terme exonérerait l’islam de faire pousser sur son sol ces plantes vénéneuses ?
Progressiste, sexiste, mais pas extrémiste, il occupe l’échelon 4.
Lucia Dahlab est genevoise, féministe, de gauche et défenseure de l’environnement. Conquis, les Verts l’ont couchée à plusieurs reprises sur leurs listes électorales.
Elle porte le foulard et souvent de longues robes informes. Enseignante, elle est allée jusqu’à la Cour européenne de Strasbourg pour exiger de garder son fichu en classe. Elle a perdu.
Depuis des lustres, les journalistes lui tendent de grandes bassines destinées à collecter ses pleurs: elle souffre tellement de ne pouvoir porter son foulard en classe! Ils ont oublié depuis longtemps de lui demander pourquoi sa religion l’exige. Après quelques recherches archéologiques, je découvre sa réponse dans L’Illustré du 23 octobre 1996: « J’ai lu le Coran et c’est devenu une évidence: il fallait que je me couvre. » A ses yeux, précise la journaliste, la règle ne souffre aucun relâchement: elle doit se couvrir devant tout homme pubère, dans la rue et au moment des cinq prières. Et en classe ? «Dans notre école, nous travaillons souvent avec les portes ouvertes. Des hommes peuvent me voir en passant dans le couloir. C’est pourquoi je préfère garder mon foulard sur la tête.»
Notre Verte genevoise est aussi un fervent soutien de la «voie du milieu» dont fait partie pour elle le burkini.
Elle campe toutes voiles dehors sur l’échelon 4 de l’échelle.
L’imam bernois Mustafa Memehti est partisan d’une liberté totale en matière de religion ; il défend la liberté d’expression, même si au théâtre, par exemple, Mahomet devait être décapité ; il est fermement opposé au niqab et aux dispenses scolaires. Il appelle à la transparence des sermons des mosquées et à une collaboration étroite avec les services de sécurité. Il occupe avec des croyants d’autres horizons une Maison des religions. Mais l’ouverture est un grand risque: sa mosquée a été vandalisée, il reçoit des menaces de mort de coreligionnaires.
Nul n’est parfait: il ne remet pas en question ses textes, mais il ne les invoque pas pour imposer des préceptes obscurantistes. On lui pardonne et on le place sans hésitation sur le degré n°1 de l’échelle d’intégration. Enfin !
Memeti compare la Suisse à un paradis. Le paradis pour nous, ce serait que cette exception devienne la règle.
Au final, où placer le grand peuple des mosquées? Islamiste ou intégré? Entre fidélité à des préceptes inacceptables et adaptation à une société laïque et sécularisée, ils tanguent. Le terme «modéré», si souvent utilisé mais jamais défini, et a priori très étrange (on ne parle pas de chrétiens ou de bouddhistes modérés) ne trouverait-il pas là une parfaite application?
En moyenne: 4 à 5 sur notre échelle.
08:38 | Tags : islamisme, mosquées, exercices | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
Bougre, c'est très bien écrit. Je dois le reconnaître. Très bien
Écrit par : Jean Gowrié | 09/09/2015
Que dit le Coran/la Sharia au sujet des femmes qui travaillent?
L'islam permet-il aux femmes, autres que les esclaves, bien entendu, de travailler?
Lucia Dahlab ferait peut-être mieux de rester chez elle.
Autre avantage: ainsi, aucun homme ne risquera de s'égarer à la vue de ses charmes, même voilés.
Écrit par : Arnica | 09/09/2015
Excellent billet.
Je vais me faire prescrire la dose maximum de Pasdamalgam, en comprimés filmés.
Mais la question essentielle est de savoir où l'on place la barre de ceux que l'on accepte et de ceux que l'on pourrait, très poliment bien sûr, prier d'aller nuire ailleurs?
Écrit par : Déblogueur | 09/09/2015
Très spirituel comme d'habitude, ce texte de Mireille.Merci...
A propos de Lucia ..Dahlab....Une question? Ce prénom ...Lucia, Lucie.....ne semble guère halal...
Ste Lucie....donnez -lui la lumière.... Amen
Écrit par : Philippe Boehler | 09/09/2015
Ceux qui ont lu le Coran ne se posent pas de question: un musulman est intégriste ou n'est pas musulman! Il est vrai que j'ai des élèves officiellement musulmans qui sont athées - en silence!! - car le Coran leur semble trop débile et un dieu qui n'arrête pas de menacer ceux qui ne croient pas en lui ou qui ne peuvent le connaître, n'est pas un dieu. Et pour bien connaître l'islam sans lire en entier ce livre indigeste qu'est le Coran, lisez le livre de Majid OUKACHA, Il était une foi, l'islam. Convaincant!
Écrit par : mia vossen | 09/09/2015
Excellent! On dirait les résultats d'un test de "A bon entendeur"... :-)
Écrit par : Bérénice | 09/09/2015
Simple:
Islam = Islamisme = Islamistes!
Le Larousse nous dit:
Islamisme: Synonyme vieilli de islam.
Mouvement regroupant les courants les plus radicaux de l'islam, qui veulent faire de celui-ci, non plus essentiellement une religion, mais une véritable idéologie politique par l'application rigoureuse de la charia et la création d'États islamiques intransigeants.
Écrit par : Patoucha | 10/09/2015
Vraiment! Vous vous posez la question? :)
Écrit par : Patoucha | 10/09/2015
Beaucoup de non-musulmans sont facilement rassurés par les musulmans qui assurent être scandalisés par les intégristes qui attaquent, pillent, violent, réduisent à l'esclavage, fouettent, amputent et lapident au nom de l'islam.
Cependant, rares sont ceux qui pensent à leur demander ce qu'ils pensent des versets coraniques et hadiths qui autorisent la guerre, le pillage, le viol de guerre, le trafic d'esclave, la flagellation, l'amputation et la lapidation (sans parler des textes issus des biographies officielles de Muhammad). Encore faudrait-il qu'ils aient eux-mêmes lu ces textes.
Je considère qu'on ne peut pas être qualifié de musulman modéré si on ne trouve rien à redire au Coran, à la Sunna et à la Sira une fois qu'on a pris connaissance de leur contenu. Faut-il être ignorant pour être modéré? Peut-être.
Je peux croire en la sincérité des musulmans qui connaissent peu les textes fondateurs de leur religion et pratiquent, par habitude, un islam minimaliste limité aux 5 pilier mais je considèrent les autres comme des hypocrites lorsqu'ils prétendent être modérés.
Écrit par : Minona | 10/09/2015
A ne pas manquer ce week-end, à Pontoise, le SALON DE LA FEMME MUSULMANE:
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/09/12/01016-20150912ARTFIG00002-le-salon-de-la-femme-musulmane-a-pontoise-fait-polemique.php
Cuisine, shopping.... On apprendra que la femme ne doit pas sortir sans son mari, ni se refuser à lui.
Bienvenue au VIIème siècle!
Écrit par : Arnica | 12/09/2015
Le Coran est censé être le livre écrit par Dieu contrairement à la Bible. Alors je doute qu'un imam puisse critiquer un passage du Coran.
Je ne connais pas le Coran, mais apparemment, le problème se trouve dans l'interprétation.
Si le Coran "écrit" par Dieu devient critiquable par les croyants, alors l'islam s'effondre puisque basé sur un livre censé être parfait. Voilà le problème des musulmans : réinterpréter sans mettre en doute les textes. Le Coran est la force et la faiblesse de cette religion.
Alors pour ma part, l'islamiste est celui qui n'est pas capable de contextualisé les textes d'une autre époque, mais au contraire essaie / souhaite les appliquer directement sans aucune réflexion.
Écrit par : Glob | 12/09/2015
"Comment distinguer l’islam de l’islamisme ?"
Hani Ramadan y avait déjà clairement répondu sur son blog de la TDG le 08/08/2013 et un article de ce jour m'a donné l'occasion de le rappeler :
http://www.tdg.ch/suisse/enquetes-mpc-propagation-videos-ei/story/15800579
Est-ce que Ramadan qui affiche sur son blog de la TDG à la date du 08/08/2013 le drapeau de l'E.I. en précisant que, somme toute, celui-ci ne porte que la profession de foi de tous les musulmans, ne contribue t-il pas à propager sournoisement et avec la complicité de la TDG la propagande de l'E.I. ?
http://haniramadan.blog.tdg.ch/archive/2014/08/08/quand-le-djihadisme-sert-l-alliance-258618.html
Écrit par : Giona | 04/10/2015