Tribune de Genève: un morceau d’anthologie de l’enfumage médiatique (22/10/2015)

Notre quotidien, parfois préféré, nous gratifie d’une enquête destinée à rassurer sur le danger de radicalisation des jeunes musulmans. Elle révèle entre autres que les apprentis jihadistes sont en fait des humanistes.

 

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Après avoir elle-même mis en lumière  les inquiétantes tendances de la grande mosquée de Genève, la Tribune de Genève semble avoir été effrayée par l’enquête du Temps qui montrait une radicalisation alarmante d’une frange des jeunes musulmans genevois. Sans jamais citer son concurrent, l’enquêtrice démonte mot pour mot  ce qu’il prétendait nous apprendre.

Le titre donne déjà une idée du contenu: "Ils rêvent d'aventure et veulent aider le peuple syrien". De vrais Robin des Bois! Une telle légèreté vis-à-vis de jeunes qui veulent ou vont participer à des atrocités fait déjà frémir. Le reste est à l'avenant.

La journaliste s’adresse aux chefs d’organismes de jeunesse, -les chefs, c’est fait pour rassurer- entourés de travailleurs sociaux qui entonnent un refrain identique. Intervenante sociale «hors murs», Sara raconte qu’une convertie, qu’elle voit comme une «Mère Teresa» lui a indiqué que si elle partait rejoindre «la résistance», ce serait «pour aider ses frères et sœurs sur place».

Son supérieur Yan Boggio confirme: «Ce sont souvent des humanistes qui partent. Daech représente une nouvelle forme de «romantisme» idéalisé et caricatural, pour des jeunes qui veulent donner sens à leur vie.» Damned! Comment avons-nous pu imaginer une seconde qu’ils voulaient surtout mettre œuvre le Coran et imiter leur prophète?

Rejoindre la Syrie, parce qu'on aura peut-être ni emploi, ni logement

Claude Deuel, le chef de Point Jeune,rappelle notre responsabilité: «Des personnes en rupture et sans projet qui non seulement ont le sentiment de n’avoir plus rien, mais en plus savent combien il leur sera difficile de trouver un emploi et un logement peuvent aspirer à rejoindre la Syrie pour aider les populations en souffrance.» Logique… l’absence, qui plus est éventuelle, d’emploi et de logement suscite déjà des envies de tuer au nom de l’islam. Et si vous pensez que «les populations en souffrance» sont celles que persécute l’Etat islamique, vous vous mettez le doigt dans l’œil.

C’est qu’en fait, ces jeunes ne sont pas au courant des atrocités commises par cet "État". Uniquement de celles d’Assad. Il suffit donc de les informer, nous apprend Claude Deuel: «Quand les jeunes comprennent que Daesh ne veut pas seulement aider la population syrienne, ils renoncent». Dire qu’on n’y avait pas pensé avant!

Le responsable illustre par ailleurs ces envies de jihad par une comparaison désarmante: «Autrefois, les jeunes se rapprochaient de la Légion étrangère, des Brigades internationales, des blousons noirs ou des skinheads. En manque de repères, ils s’accrochent aujourd’hui à un autre type de famille.» Nous avons tous en mémoire les horreurs que ces groupes ont commises.

Tant de repères... qui ne suffisent pas

Les repères que propose l’islam fascinent décidément les Occidentaux, travailleurs sociaux compris. Un chef: «Certains disent qu’ils fumaient des pétards, buvaient et mataient des filles. En se tournant vers la mosquée et l’imam, ils ont trouvé un modèle positif.» Et son collègue: «C’est pour tous ces jeunes une clé de lecture assez simple du monde, qui leur donne une stabilité physique et psychique; une ligne assez confortable, en résumé.»

Cette antienne pose tout de même une question: pourquoi est-ce uniquement cet islam des repères (et Dieu sait qu’ils sont nombreux!) qui produit tant d’extrémistes-jihadistes, et pas les Occidentaux chrétiens ou athées qui en manquent tellement?

Dans la même veine, pourquoi les ruptures familiales, les décrochages scolaires et professionnelles, le fait de ne trouver aucun sens à sa vie donnent-ils des idées criminelles UNIQUEMENT à des musulmans?

La journaliste nous rassure aussi par les résultats d’une étude: «Les ressortissants du Maghreb et de l’ex-Yougoslavie se déclarent davantage attachés à la Suisse que les Suisses eux-mêmes, alors même qu’ils n’ont ni passeport, ni droit de vote.» Hélas pour nos universitaires, la radicalisation d’une frange de la jeunesse kosovare n’est plus un mystère pour personne. Enfin, sauf pour eux.

Le titre d’un sous-article rabâche la sornette déjà citée, qui vise les méchants islamophobes: «Facteur de risque: la stigmatisation et la discrimination des musulmans.» Mais une fois encore, pourquoi d'autres discriminés, non-musulmans, ne sont-ils pas pris d’une envie irrépressible d’aller commettre des crimes?

Une minuscule discrimination... qui fait oublier toutes les autres

Ne pas oublier dans ce paysage de discriminations-radicalisation le dramatique refus des minarets. On a enfin une preuve de ses dégâts: un converti «ne s’est résolu à une action organisée qu’après cette initiative». On peut espérer qu'il s'est aussi résolu à des "actions organisées" destinées à combattre les innombrables discriminations qu'enseigne et que pratique sa nouvelle religion. Encore une histoire de paille et de poutre…

Dernière faribole: la radicalisation ne se fait pas dans les mosquées. D’innombrables exemples en Europe et même à Genève (grâce à la Tribune) montrent qu’elle se fait aussi dans les mosquées. Mais la source qu’on adore, c’est Internet «où des contenus du Coran sont sortis de leur contexte». Personnellement, même avec les contextes, le Coran et ses injonctions me laissent une sérieuse impression de radicalité.

Enfin, une large part de ces deux pages réconfortantes est consacrée aux abondantes mesures que les cantons et la Suisse en général ont mises sur pied pour contrer cette si modeste menace.

Conclusion : « … contrairement à ce qu’affirment certains (suivez mon regard: Le Temps), on n’assiste de loin pas à une islamisation rampante chez nous

Nous voilà pleinement rassuré... ou parfaitement scandalisé.

15:06 | Tags : tribune de genève, radicalisation | Lien permanent | Commentaires (10)