Une pensée pour les chrétiens indonésiens et malaisiens (23/12/2015)

Ce n’est pas seulement au Moyen-Orient que les chrétiens font face à des persécutions. Dans l’immense Indonésie, le plus grand pays musulman, l’intégrisme poursuit son œuvre. En octobre, deux églises ont été attaquées et brûlées dans la province d’Aceh. Et en Malaisie, les menaces se multiplient.

Un lecteur m'a fait observer que je ne parlais jamais des chrétiens d'Asie du Sud Est qui sont eux aussi  confrontés à l'intolérance musulmane. A la veille de Noël, je me rachète un peu avec ce bref tour d'horizon et une pensée particulière pour ces populations qui vivent dans une insécurité croissante qu'une actualité plus sanglante éclipse.

Des églises flambent ou sont détruites

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En Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, on est encore loin des persécutions que vivent les minorités du Moyen Orient. Les groupes islamistes sont à la fois très minoritaires et très puissants. Ils harcèlent et attaquent les membres de minorités religieuses et leurs lieux de cultes. Les chrétiens représentent plus de 10% de la population, soit 26 millions.

Lorsque des églises sont fermées, c'est la plupart du temps une décision du gouvernement local ou régional qui cède aux pressions des radicaux. Certaines églises ne réussissent pas à se faire enregistrer officiellement auprès des autorités, alors même qu’elles remplissent les critères. C’est surtout le cas dans les régions où l’islam est très présent. Même quand une église est en règle, les autorités locales peuvent facilement lui retirer son autorisation.

Le 8 décembre 2013, une foule de 150 musulmans radicaux a fermé de force quatre églises évangéliques sur l’île de Java et les fidèles ont été expulsés. Non seulement la police n’est pas intervenue, mais elle a même aidé à apposer le sceau de fermeture sur les entrées.

Aceh (98% de musulmans), province de la pointe nord de l’île de Sumatra, avait des velléités séparatistes. Une sanglante guerre civile a opposé les guérilleros au gouvernement, mais le tsunami de 2004 a calmé les ardeurs, de même que l’octroi par le gouvernement d’un statut d’autonomie qui permet aux islamistes d’implanter la charia. Pratiquer l’homosexualité, le jeu ou boire de l’alcool sont sanctionnés par des coups de bâtons. Les femmes sont obligées de porter la tenue islamique. Le harcèlement des chrétiens est comme de juste au programme.

Depuis toujours, les permis de construire ou de gérer des églises ne sont jamais accordés aux quelques milliers de chrétiens qui habitent la province. Les demandes restent sans réponses. Les chrétiens se sont débrouillés en s’installant dans des locaux précaires et illégaux.

Le 13 octobre, dans la région de Singkil, plusieurs centaines de jeunes musulmans répondant à l’appel de l’Association des étudiants musulmans d’Indonésie (bonjour le futur!) mettent le feu à Aceh_pleurs.jpgune chapelle protestante. Ils tentent d’incendier un deuxième lieu de culte, mais les chrétiens résistent. Au cours de l’assaut, des coups de feu sont tirés, et l’un des assaillants, 21 ans, est tué et d’autres personnes blessées. Dans la panique, des milliers d’habitants fuient dans la province voisine. «Nous ne cesserons pas de chasser les chrétiens et de brûler les églises. Les chrétiens sont les ennemis d’Allah!», crient les extrémistes.

Sous la pression de ces fous d’Allah, un accord avait été conclu entre responsables chrétiens et musulmans qui prévoyait la destruction de dix lieux de culte chrétiens dans la région de Singkil. Celle qui a été la cible des extrémistes n’y figurait pas. Les opérations devaient commencer quelques jours après, le 19 octobre.

Et effectivement, le lundi 19 octobre, les chrétiens assistent en silence et certains en pleurs, à la démolition de trois chapelles, une catholique et deux protestantes.

Le nouveau président du pays, Joko Widodo, défend la tolérance religieuse -il a fait supprimer au début de l'année la mention de la religion sur les cartes d'identité- et de nombreux mouvements tentent de contrer les islamistes. Mais la capacité de nuisance de ces derniers reste inquiétante.

Interdiction d’utiliser le mot «Allah»

Chez la voisine malaise, 30 millions d’habitants, la situation est plus grave. Bien que les non-musulmans aient en théorie droit à la liberté de croyance, ils sont victimes au quotidien de sévères restrictions. Les musulmans pour leur part n'ont pas le droit de changer de religion. Le crime d'apostasie est très sévèrement puni, la sanction allant selon les États de séjours en prison à la peine de mort.

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Le fait le plus exemplaire de ces dernières années est la longue procédure qui a opposé The Herald, principal journal catholique du pays, à propos du droit d’utiliser le mot Allah (arabe) dans ses colonnes en malais. La Cour fédérale a confirmé l’interdiction de cet usage en juin 2014.

Le 25 juin de la même année, le Conseil des Affaires islamiques de Selangor a affirmé qu’il était en droit de saisir toute bible portant le mot Allah et qu’il n’hésiterait pas à faire arrêter toute personne distribuant une telle bible.

Les deux péripéties qui suivent, parmi d’autres, sont plus révélatrices de l’intolérance qui s’étend que l’incendie d’églises.

En janvier 2014, plus de 300 exemplaires d’une Bible éditée en malais et en langue iban ont été saisies et restituées, après de houleuses péripéties, le 14 novembre. Les responsables chrétiens découvrent alors que tous les volumes sont tamponnés sur les pages intérieures de la mention: «Strictement et uniquement réservé à l’usage de non-musulmans. Ne peut être ni publié ni utilisé où que ce soit dans l’État du Selangor conformément à la section 9 (1) de la promulgation de 1988 sur Les religions non musulmanes (Du contrôle de la diffusion parmi les musulmans)».

Le 5 décembre 2014, le Père Cyril Mannayagam fait porter un recueil de chants à un service de reprographie de Tangkak dans l’Etat de Johor, pour le faire photocopier à une trentaine d’exemplaires en vue de la célébration de Noël. Il est arrêté «pour avoir fomenté des troubles et incité à la haine religieuse» au titre de l'article 298A du Code pénal. «Quand je leur ai demandé pourquoi ils m’arrêtaient, ils m’ont répondu que le mot Allah ne pouvait être utilisé que par les musulmans», rapporte le religieux au Malaysian Insider.

Les défenseurs du Herald perdent la dernière bataille d'«Allah» en 2015. Le 21 janvier, les cinq juges de la Cour fédérale n’examinent pas la question de fond, mais se limitent à vérifier l’existence ou non de vices de forme dans les précédentes procédures. Les magistrats estiment à l’unanimité qu’il n’y en a pas.

La liberté religieuse est assurée par la constitution, mais de moins en moins respectée. «A d’innombrables reprises, le premier Ministre Najib Razak a publiquement affirmé que la religion, en l'occurrence l’islam, l’emporterait toujours sur la politique et il a rappelé que la population devait défendre l’islam, que le pluralisme, et le libéralisme, entre autres, sont ennemis de l’islam et que les Droits de l’Homme ne doivent s’exercer que «dans les limites de ce qui est permis par l’islam».

La population a faim d'islam. La dernière illustration vient de  Rayani Air: son Boeing 737, qui décolle de Kuala Lumpur, vient d'organiser pour la première fois un vol 100% islamique. Les passagers se voient offrir des boissons et un repas halal par des hôtesses coiffées d’un hijab strict. Pas de porc ni d’alcool. La démonstration de sécurité, juste avant le décollage, est accompagnée d’un récital de prières. «Nous sommes la première compagnie de Malaisie à nous soumettre à la charia, nous en sommes très fiers», explique Jaafar Zamhari, le directeur. Il promet que le respect des préceptes religieux sera encore amélioré.

Dans les deux pays, l’excision est très répandue. La lutte est au point mort, notamment parce que les oulémas tiennent farouchement à cette pratique. Faire du prosélytisme pour d’autres religions est interdit et quitter l’islam impossible.

Jusqu’à quand les mensonges?

Quand les musulmans se radicalisent, la présence de chrétiens et d’autres minorités est systématiquement menacée, jusqu’à l’épuration. C’est la règle et elle s’explique.

L’islam est apparu trois millénaires après le judaïsme et six siècles après le christianisme, il n’est donc pas mentionné dans leurs textes. Le Coran et son prophète en revanche peuvent tomber à bras raccourcis sur ceux qui étaient là avant lui. Le «livre saint» ne s’en prive pas, qui les condamne dans des dizaines et des dizaines de versets. Associer une autre divinité à Dieu -Jésus- est un péché majeur, qui ne peut être pardonné.

Les hadiths renforcent cette insondable intolérance. Mais ici comme ailleurs, il est impossible aux religieux de reconnaitre la réalité.

Ce déni comme le refus d’affirmer qu’ils renoncent à ces injonctions les rendent eux aussi responsables des innombrables vexations et persécutions qui frappent les minorités et s’étendent dans la sphère musulmane.

Pour en savoir plus : https://www.portesouvertes.fr et http://eglasie.mepasie.org/

 

12:57 | Tags : indonésie, malaisie, chrétiens | Lien permanent | Commentaires (40)