L’imam payé par l’Arabie saoudite s’oppose au «wahhabisme salafiste radical» (05/11/2016)

La grande mosquée de Genève nous apporte son lot quotidien de péripéties. Dernière en date: la création par un de ses ex-imams reconverti en militant anti-terroriste d’une organisation soupçonnée d’être liée à la Ligue islamique mondiale.

Saïda Keller Messahli, présidente du Forum pour un islam progressiste, est devenue la bête noire des intégristes suisses et de leurs paisibles fédérations. Dans son viseur cette fois-ci: un ex-imam wahhabite et la plus grande fédération musulmane de Suisse. Rappelons que deux imams de la mosquée étaient fichésS en France. On a découvert tout récemment que le chef de la sécurité l’était aussi.

Saïda Keller Messahli a révélé cette information: Ziane Mehadjri, lorsqu’il était encore imam de la mosquée wahhabite de Genève, a créé une association dénommée «Organisation européenne des centres islamiques» (OECI) en décembre 2015 à Genève. Ses buts d? «Maintenance matérielle et logistique des centres islamiques en Europe; participation à la prise en charge de la location, de la construction et de la rénovation des centres islamiques en Europe, évolution du rôle des centres islamiques en Europe au sein de la société; prise en charge de la formation et du financement des prédicateurs et des imams des centres islamiques en Europe, mise en commun des perspectives et des projets visant à faire connaître l'islam et son prophète.» Pas trace de lutte contre la radicalisation et le terrorisme.

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Les autres membres se nomment Abbas Affan, d’Allemagne, Rachid Aiouazi, de Ferney Voltaire en France voisine, et Boualam Bella de Lausanne. Le président Ziane Mehadjri, Algérien résidant à Genève, a été licencié de la mosquée en septembre dernier et sous-entend comme de juste que c’est pour son activité anti-terroriste au sein du lieu de culte. Deux hommes fréquentant le centre étaient partis en Syrie.

Trois nouvelles mosquées wahhabites

Saïda Keller observe qu’en deux ans, trois nouvelles mosquées ont été financée par l’Arabie saoudite en Suisse alémanique à raison de 5 millions chacune. Pour elle, ces mosquées radicales sont «la pointe de l’iceberg» et elle accuse la Fédération des organisations islamiques de Suisse (FOIS) qui regroupe 130 centres de se préoccuper comme d’une guigne des imams salafistes envoyés dans les centres qu’elle regroupe.

Créer une organisation, chercher des fonds, organiser des séminaires sur «la radicalisation», très appréciés des autorités, ça peut rapporter. La nouvelle organisation mitonne donc un congrès international à La Haye à la mi-décembre sur «La prévention de la radicalisation». J’avoue que ce thème traité par des wahhabites me sidère toujours. Mais pas les autorités suisses qui ont donné «un écho positif» à cette initiative, selon le président. L’organisation compte d’ailleurs renouveler l’exercice à Genève avec l’espoir d’un «soutien des autorités cantonales». L’imam y répétera comme dans son interview que «les gens qui commettent des crimes, les terroristes, n’ont aucune relation avec l’islam». Selon Saïda Keller Messahli, l’OECI serait en fait «l’enfant d’une sous-organisation de la Ligue islamique mondiale qui vise à construire des mosquées saoudiennes dans le monde entier».

Ziane Mehadjri dit adhérer à «l’islam sunnite, mais clairement pas le wahhabisme salafiste radical». Mais il ne voit aucune contradiction dans le fait d’avoir été payé comme imam par le royaume wahhabite. Il annonce que l’OECI compte un représentant dans 14 pays d’Europe et bénéficie du soutien de deux imams saoudien, Salah El Moghamsi et Abdullah El Moslih. J’ai découvert que ce dernier porte une titre prestigieux: secrétaire général de l’«Association mondiale des miracles scientifiques dans le saint Coran et la Sunna». Pas étonnant que les deux éminences soient, affirme Mehadjiri, «de renommée mondiale».  L’OECI recherche des fonds «auprès d’Etats européens.» Et Dalil Boubakeur et sa mosquée n’excluent pas d’en devenir membre.

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Légende (traduite de l'arabe): "Le directeur des structures religieuses saoudien reçoit l’imam de la grande mosquées de Genève dans la bibliothèque de la Mecque et lui offre un cadeau."

Les ruses du diable

Mehadjri parle couramment français, affirme la Tribune de Genève. Le seul sermon que j’ai trouvé est pourtant prononcé en arabe, devant un public français, et c’est un collègue qui en fait le résumé dans la langue de Voltaire  (min.30). Je ne résiste pas à résumer ce discours pas radical pour un sou… enfin si, radical pour un gros sou: la condamnation de «l’association».

Un témoignage de pieux délire.

Le diable, nous apprend l’imam, tente de faire trébucher le musulman de la naissance à la mort. «Quand nous sommes nés, nous avons pleuré, hurlé», rappelle-t-il. Eh bien c’était déjà le démon qui s’en prenait au bébé. Et il ne lâche jamais sa proie. Sa première tentative, «la plus grave»: convaincre d’associer quelqu’un à Dieu (réd: par exemple Jésus) ou renier Dieu. Sans succès, le démon tente alors de faire tomber la victime dans un des sept «grands péchés»… quoique des savants en comptabilisent jusqu’à 70. Exemple: l’association (encore) ou désobéir aux parents.

Le croyant résiste? Le diable passe aux «petits péchés, et ils sont nombreux». Il les minimise, fait croire que «c’est pas grave». Et si le vaillant musulman tient bon, le diable utilise une autre ruse: lui faire renoncer aux «bonnes actions» ou «faire en sorte que les bonnes actions soient mauvaises». Exemple: le croyant prie? Le démon chuchote, murmure, tente de le déconcentrer. Dans ce cas, le Prophète conseille comme remède de «postillonner» discrètement.

Saida_GE.jpgUne autre arme du démon est de semer la division entre croyants. «Toute personne qui le fait appartient à l’armée du diable». Ce qui nous ramène à notre mosquée. Saïda Keller Messahli accuse le président de la Fédération des organisations islamiques de Suisse Montassar BenMrad, qui veille à ne pas semer la division, de se ficher éperdument des prédicateurs radicaux de ses adhérents qu’il connait parfaitement. Oui, Montassar refuse absolument de s’occuper des moutons noirs. Et il s’explique, d’abord en ciblant la dénonciatrice: «Madame Messahli est encore dans sa tour d’ivoire, à continuer de parler de théorie du complot.»

 Avez-vous un contrôle sur ce qui se dit dans les mosquées, interroge le journaliste. «Nous n’avons pas de service de Gestapo», rétorque BenMrad. De toute manière, selon un argument confortable, «la radicalisation se fait par internet». Et le responsable de se reposer sur le fait que la question concernerait les autorités et pas lui.

Le dernier acte (provisoire) de cette comédie est l’appel au «spécialiste». Christophe Monnot a rassemblé les travaux d’une douzaine de chercheurs dans «La Suisse des mosquées», un ouvrage d’une rare complaisance vis-à-vis des musulmans. Pas étonnant donc qu’il rassure: «Il ne faut pas confondre ferveur religieuse et radicalisme.» Personnellement, ça me semblerait assez synonyme. Mais Monnot rappelle que tous les responsables et imams des centres musulmans suisses s’attachent à lutter contre l’extrémisme. Et puisque tout-va-très-bien-Madame-la- Marquise, aucun contrôle supplémentaire des mosquées ne s’impose.

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