Formations et formatrice du Centre islam: sexualité, aumônerie et djihad (09/06/2017)

Après le dérapage d’un député UDC à propos d’un article paru ici, échos de deux ateliers de formation et vision d’une formatrice qui promeut les pratiques musulmanes dans l'espace public.

Le député fribourgeois UDC Stéphane Peiry a suscité la polémique par un commentaire à propos d’un texte des Observateurs qu’il a partagé sur son blog: le Centre suisse islam et société est «un centre pour terroristes en herbe».

Comme le signalent le Tagesanzeiger et la Basler Zeitung (mais pas La Liberté qui se contente de parler du « sulfureux » site des Observateurs), cet article est signé Mireille Vallette. Ils mentionnent  brièvement ce que je reproche à ce centre, soit de mêler science, prosélytisme et croyance. Il ne s’agit donc en aucun cas de favoriser le radicalisme et je précise même dans mon texte que l’approche du CSIS est «plutôt novatrice». On notera en passant que le dérapage d’un UDC est infiniment plus passionnant que débattre des reproches faits à ce centre par une (la seule?) voix dissidente.

Puisque ce centre est dans l’actualité, en voici encore quelques échos recueillis par deux membres de l’ASVI.

En fait, quel est le défi majeur du CSIS? Faire éclore chez les imams et autres activistes, à l’aide de nombreuses formations et ateliers, l’islam de paix, de tolérance et d’ouverture que l’on nous vend comme une évidence. En fait, le CSIS tente de convaincre religieux et prosélytes de renoncer à des convictions discriminatoires et misogynes puisées dans leur formation littérale, voire de leur  expliquer qu’ils ont mal lu leurs textes. Mais en même temps assurer à ce public musulman qu’il doit pouvoir pratiquer ses préceptes religieux, vestimentaires et alimentaires en toute liberté et dans l’espace public.

Deux ateliers de formation continue organisés par le centre, de même que le discours de la formatrice en chef du CSIS donnent une petite idée du défi et de la manière de promouvoir des revendications religieuses.

Islam et couples mixtes

Début décembre 2016, «Vacarme», de la radio romande, fait un reportage à l’atelier «Education islamique et pédagogie de la sexualité», organisé et financé par le CSIS.

Il est destiné à des musulmanes engagées comme animatrices dans des centres islamiques. Mallory Schneuwly Purdie, l’une des têtes du CSIS, précise: «Ce sont des femmes en charge de sexualité_livre.jpgcours de valeurs islamiques (…) elles introduisent les jeunes et les enfants aux formules rituelles qu’il faut réciter avant/après manger, avant/après aller aux toilettes, avant/après des relations sexuelles… Tout ce qui se rapporte à la façon dont le musulman va se comporter au quotidien par rapport à son corps, à sa famille, à son dieu.»

Ces femmes disent avoir besoin d’outils pédagogiques pour savoir comment parler de pratiques sexuelles telles que masturbation, homosexualité (interdits par la doxa), sexe oral (je ne sais pas)… ou de ce thème: «Une fille musulmane sort avec un garçon non musulman. »

«Quel message allez-vous donner à cette jeune fille?» questionne la journaliste.

Réponse de la formatrice: «On ne peut pas interdire d’aimer. Par contre, on dit: chez nous, ça ne se fait pas, on ne sort pas avec un garçon. Ma fille, si tu peux patienter, si tu es sûre de la personne, je t’encourage à la connaitre un peu plus… Dans les limites de notre religion. Il faut essayer d’écouter, de comprendre, ne rien interdire… Moi, je vais essayer de [la] dissuader (…) Si tu es sûre, je t’encourage au mariage. (…) J’apporterai le cadre musulman: une jeune fille ne doit pas se marier avec un non musulman. »

Voilà un sujet qui nécessite quelques ateliers supplémentaires… pour les formatrices aussi. Nos lois, rappelons-le, garantissent la liberté religieuse et celle d'épouser qui on veut.

Un autre atelier a réuni une vingtaine d’imams turcs de Suisse alémanique qui œuvrent comme aumôniers dans les hôpitaux ou souhaitent le faire. Les obstacles à l’intégration de ces religieux sont triples: ils sont formés et salariés par le régime islamiste d’Erdogan, ils parlent peu l’allemand et ils ne restent que 5 ans en Suisse.

Le débat de l’après-midi se déroule en turc. Des questions délicates sont posées, par exemple: un imam a-t-il le droit de poser sa main sur l’épaule d’une patiente afin de la consoler ? Non, répond une minorité, les prescriptions religieuses ne permettent ces gestes qu’entre personnes de la même famille. Oui, pense la majorité, le but ultime de la religion est d’aider les gens.

D’autres thèmes sont soulevés: la possibilité de manger halal pour les patients hospitalisés, le problème de la non-maitrise de l’allemand qui empêche le contact avec le personnel soignant, le financement de ces activités d’aumônerie.

Bilal Yildiz, un imam de Zürich, fonctionne comme assistant spirituel dans les prisons et désire étendre son activité aux hôpitaux. Le titre de son travail de mémoire: «Les non-croyants peuvent-ils entrer au paradis?» Oui, a-t-il répondu, «car le pardon d'Allah est plus grand que sa colère.»

Nous voilà rassurés, nous voilà pardonnés. Mais nous mettons quand même Allah en colère. Pourquoi ne pas organiser quelques ateliers supplémentaires au terme desquels le public unanime conclurait que nous pouvons tous entrer dans le paradis musulman? Il faudra dans ce cas oublier les condamnations au feu éternel qui nous sont promises par le Coran.        

C’est aussi Yildiz qui rassure à propos de la dérive du régime turc et de son islamisme croissant : « On ne doit jamais mélanger politique et religion. » On a vu récemment que la conviction de son sultan est exactement contraire. Et la séparation de ces deux domaines est inconnue dans la doctrine comme dans les pays musulmans. Mais rien n’est insurmontable, n’est-ce pas ?

On apprend que la formation d’imams dispensée dans des universités d’Allemagne depuis cinq ans connait un grand succès. Mais parfois aussi des conflits. Un imam moderniste qui enseigne à l’université de Münster (Westphalie), Mouhanad Khorchide est l’objet de vives critiques de la part des organisations musulmanes pour son ouverture.

Qu’est-ce qui mène au djihad ?

C’est un sujet d’une permanente actualité dont Mallory Schneuwly Purdie est invitée à parler par la radio romande: djihadisme et intégrisme. C’est elle qui au CSIS est responsable de la formation des professionnels en contact avec des musulmans et enseigne ce qu’ils doivent penser de cette religion et de ses pratiques.

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A propos d’un départ raté en Syrie, elle «s’interroge» sur le fait que l’on envoie au tribunal quelqu’un qui n’a rien fait, juste pris un billet d’avion pour la Turquie et envoyé-reçu quelques SMS compromettants.  «Il y a des gens qui partent simplement parce qu’ils cherchent un autre projet de société, parce qu’ils ne se retrouvent pas dans les valeurs et ce que la société ici apporte. En cela, ils font allégeance à une société qui crée des monstruosités, mais si eux-mêmes n’en créent pas, est-ce que vraiment ils sont condamnables? C’est dérangeant, certes, mais est-ce que tout ce qui dérange la majorité est condamnable?»

Autre thème de l’interview: pourquoi les musulmans s’expriment-ils si peu après les actes terroristes? Pour la sociologue des religions, les musulmans ne sortent pas dans les rues pour se désolidariser de ces actes, car il n’y a pas de porte-parole de la communauté, parce qu’il y a plusieurs communautés musulmanes, «parce que la foi on la vit en famille de manière intime, on n’a pas l’habitude de participer à des débats publics… »

Le journaliste reprend une thèse de l’UDC: «En Suisse, on pratique la religion comme les Suisses, dans le cadre familial, mais on s’abstient d’exiger de manger halal à l’école ou de demander un congé spécifique pour le ramadan.» Est-ce que vous souscrivez?»

Eh bien non, elle ne souscrit pas. Il faut croire que la foi, question pratiques, les musulmans ne la vivent pas en famille de manière intime. « Pour moi ce sont des aménagements qui peuvent être négociés.» Pour elle, c’est même grâce à l’acceptation de leurs revendications que les musulmans s’intègrent : «…en voulant participer justement, au jeu démocratique, en étant reconnus d’intérêt public, en devenant un partenaire potentiel de l’Etat par rapport aux questions qui les concernent, les musulmans veulent justement prouver leur intégration...»

Le journaliste : « Il y a des musulmans aussi qui disent «Attention, n’accordez pas de dérogations, refusez absolument le halal dans les cantines scolaires, c’est le début de la fin.» 

Mallory Schneuwly: « … je pense qu’il est peut être important de mener certaines réflexions et de réfléchir finalement à certaines pratiques, si effectivement elles mettent en péril l’équilibre démocratique, le vivre ensemble, ou si justement elles ne peuvent pas plutôt favoriser ce vivre ensemble. »

Lorsque notre Cour suprême autorise le voile d’une fillette à l’école, elle écrit dans son blog: «La décision du Tribunal fédéral va dans le sens de cette neutralité confessionnelle. L’appareil professoral doit être neutre confessionnellement, mais l’espace scolaire peut être investi par les signes d’appartenance religieuse des écoliersElle est opposée tant au niqab qu’à son interdiction.

Pourquoi est-ce que l’hostilité à l’égard de cette religion et de ses prosélytes augmente? «La présence des musulmans et de l’islam remet en question certaines façons de faire, tout simplement. (…) On n’est pas habitué à se remettre en question. La présence de l’altérité, de la pluralité, fait qu’il doit y avoir des renégociation des normes.»

Nous avons donc des valeurs si affligeantes qu’elles conduisent de jeunes musulmans  à se muer en tueurs. Nous ne sommes pas habitués à l’altérité (contrairement aux pays musulmans), sinon nous accepterions le halal, les dispenses durant le ramadan, le foulard des femmes, celui des petites filles, le niqab…  Tous facteurs d’intégration prônés par le CSIS.

 

Avec la collaboration de Steff, Dariush et Laurence.

 

La plupart de ces articles (mais pas celui-ci) paraissent dans le site Dreuz info

 

 

18:24 | Tags : csis, ateliers, formation | Lien permanent | Commentaires (45)