Une mosquée berlinoise face à la terreur intellectuelle (17/07/2017)

Comment est-il possible que le simple fait de cultiver d’autres pratiques que celles des orthodoxes vous expose à la mort? Cet état de fait semble pourtant être entré dans la normalité.

L’islam intolérant sévit sans trêve. Par le radicalisme des idées, par les attentats, par le terrorisme intellectuel. Les réactions d’innombrables musulmans à l’ouverture de la première mosquée progressiste à Berlin illustrent l’imposition d’une violence sourde, constante, qui à défaut de tuer les êtres tente de tuer les âmes.

En islam, seule religion dans ce cas, remettre en question des dogmes suscite la vindicte et le risque de mort. C’est une des richesses apportées dans nos sociétés par l'expansion de ce culte. 

La germano-turque Seyran Ates est à l’origine de la mosquée Ibn-Rushd-Goethe qui accueille tous les musulmans, chiites comme sunnites, alévis comme soufis, homosexuels et transgenres, interdite aux niqab et tchadors. Blasphèmes! Hommes et femmes sont mêlés, le foulard n’est pas obligatoire, critiquer le prophète et le Coran est autorisé. Autres blasphèmes. Et le pire est que des femmes conduisent la prière! Comme d’habitude, les musulmans «intégrés» font référence au conservatisme des catholiques et des juifs pour justifier le leur.

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Ates recevait au moment de l’inauguration le 16 juin 3000 emails par jour emplis de haine, d’insultes, de menaces de mort. Et sur internet, les commentaires venimeux se ramassaient à la pelle. Un post a circulé parmi la diaspora turque d'Allemagne qui montrait la photographie d'un pied planant sur  trois copies du Coran dispersés sur le plancher de la mosquée, placés ainsi par "Ates et ses complices".

La rebelle et sa mosquée –une salle du troisième étage d’une église évangélique- sont protégées par la police. Mais qui s’en étonne encore ? Qui s’en émeut ? La violence et l’intolérance islamiques représentent une sorte d’«acquis» considéré quasiment comme normal. Et il est impensable d’entendre les leaders des associations islamiques s’en indigner. Il faut dire qu’il ne vient pas souvent à l’esprit des journalistes de leur poser la question. Une fois de plus, comme pour les attentats ou les multiples atteintes à la liberté d’expression, les «modérés» bénéficient des effets de l’offensive des extrémistes. Les audacieux y réfléchiront à deux fois avant de créer une telle mosquée ou de la fréquenter.

Cette pression des communautés, toutes ou presque conservatrices, dissuade les adeptes. «Sakine, une Turque alévie de 43 ans, trouve le projet «fantastique», même si elle aurait «bien trop peur» de se rendre à la salle de prière progressiste. «Pourtant, c’est sans doute la seule mosquée d’Allemagne dans laquelle je pourrais me sentir bien, les autres sont totalement contrôlées par le régime d’Erdogan.» Alors que la mosquée était pleine à craquer pour l’inauguration, une semaine plus tard, seule une vingtaine de participants assistaient au culte. Autant que les policiers qui assuraient leur sécurité. Ates confirme d’ailleurs que seuls 20 à 30 musulmans la suivent ouvertement.

Les mosquées d’Allemagne, et pas seulement turques, enseignent le misérable islam mimétique et patriarcal que l’on trouve dans la plupart des mosquées d’Europe. L’activiste observe : «Nulle part je ne me sens plus discriminée que dans une mosquée.» Récemment, un Vaudois converti il y a un an confiait à 24 Heures à propos des mosquées du canton: «On n’y parle pas de spiritualité. J’ai surtout entendu des règles, c’est de l’horizontalité totale (…) «L’insistance sur les règles empêche la masse de progresser dans la compréhension de la religion. Cela nourrit quelque chose de réactionnaire, de rigoriste» (…) «J’ai plutôt senti une police de la pensée influencée d’un côté par le panarabisme et le wahhabisme, et par les Frères musulmans de l’autre.» Il a décidé de se tourner vers le soufisme.

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Abdel-Hakim Ourghi et
Elham Manea

L’université à Al-Azhar, cœur de l’intégrisme sunnite, qui forme tant de «nos» imams, s’est fendue d’une vilaine fatwa. Ankara a réagi aussi : «Les principes fondamentaux de notre grande religion ont été balayés», a dénoncé dans un communiqué la Direction des Affaires religieuses turques (Diyanet). Elle a été remise en place par le gouvernement allemand. Cette prétention des pays musulmans à imposer leur pouvoir sur les communautés d'Occident est intolérable, mais largement tolérée.

Aiman Mazyek, leader du Conseil central des musulmans d’Allemagne refuse prudemment de donner un avis sur la mosquée.  Mohamed Shafiq, directeur général de la Fondation islamique Ramadhan, basée à Manchester: «Les femmes sont absolument essentielles à la vie de la mosquée, mais les prêches doivent être dirigés par un homme. Tenter de changer cela, c’est déformer 1400 ans d’histoire islamique…»

En Suisse, les deux principaux leaders des fédérations de centres islamiques sont au diapason. Le porte-parole de la Fédération des organisations islamiques de Suisse (FOIS) qui regroupe 70% des centres, invoque l'église catholique et la tradition juive pour justifier l'absence de femmes responsables de prière. (Notons que la première synagogue transgenre a été ouverte aux Etats-Unis il y a 40 ans et que les femmes rabbins ne subissent pas insultes et menaces de mort de la part de leurs contradicteurs juifs.) Pour la FOIS, «cette mosquée libérale viole des principes rituels importants (…) Il y a toujours eu une dynamique de réforme en Islam, cependant les réformes ne sont pas une affaire d'interprétation spontanée, mais nécessitent une analyse des sources traditionnelles et un débat entre savants.»

Selon Farad Afshar, leader de l’autre fédération, la condition pour qu'une nouvelle forme d'islam soit reconnue est qu'elle corresponde à la culture locale et qu'elle soit portée par les savants, ainsi que par la population musulmane. «Ces soi-disant libéraux à Berlin se placent au-dessus de l'islam traditionnel en le désignant comme arriéré et conservateur, dit-il, en ajoutant que lorsqu’on se distancie ainsi des principes fondamentaux islamiques, on peut éventuellement prétendre au statut d'une secte, mais pas à l’appartenance à la grande communauté musulmane. Avant de rappeler le résultat d’une tentative récente à la Maison des religions en Suisse: beaucoup de musulmans n'apprécient pas qu'une femme non voilée dirige la prière du vendredi. »

Quant au salafiste «Conseil central islamique suisse», il abonde dans le sens d’Afshar avant de déclarer avec satisfaction que «jusqu'à maintenant, l'islam est resté immunisé contre toute agression anthropologique, grâce à son corpus d'écritures stable et scientifiquement établi.»

Parmi les sept fondateurs de la mosquée berlinoise, la Suisse est cependant bien représentée, par les Zurichoises Saïda Keller Messahli, fondatrice du Forum pour un islam progressiste, d’origine tunisienne, et la professeure Elham Manea, d’origine yéménite. Elle a conduit la prière du vendredi il y a quelques mois dans la seule mosquée progressiste de Suisse, celle de l’imam de Berne Mustafa Memeti. Abdel-Hakim Ourghi, d’origine algérienne et enseignant à Fribourg en Breisgau a lui aussi été particulièrement actif dans cette initiative. Il est très critique sur les associations de mosquées et la pédagogie de soumission qu’elles enseignent. Selon lui, sans une critique courageuse, notamment de la violence présente dans le Coran, l'islam est voué à l'échec en Occident.

Pour en revenir à Seyran Ates, c’est une activiste célèbre en Allemagne. À 21 ans, alors conseillère juridique,  elle défendait les femmes turques et kurdes victimes de violence conjugales. Elle a failliberlin,mosquée progresiste,seyran ates,elham maea terminer là son combat lorsqu’un époux hors de lui a tenté de les assassiner, elle et son épouse. L’épouse  est morte, Ates s’en est sortie. Par la suite, avocate spécialisée dans la défense des victimes de crimes d’honneur, elle abandonnera en 2006 sa carrière d’avocate face à des menaces de mort. Elle la reprendra, puis l’abandonnera à nouveau en 2009 suite aux réactions que provoque la parution de son livre «L’islam a besoin d’une révolution sexuelle». Rebelle très jeune, Ates a fréquenté le milieu de gauche underground des années 70-80.

Son prochain défi : passer un diplôme en théologie islamique afin de devenir imam. Car pour elle, l’islam est «une belle religion». On peine à le croire, mais ses valeurs et son combat suggèrent qu’un autre islam est peut-être possible.

Des mosquées similaires devraient ouvrir bientôt à Fribourg (Allemagne), Cologne, Oslo, ainsi qu’en Suisse. Certain(e)s n’ont décidément pas froid aux yeux. Et ce simple constat montre dans quelle incroyable situation l’implantation de cette religion que l’on nous dit d’amour et de paix a plongé l’Occident.

 

Cet article est paru dans Dreuz Info

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