Le succès de Tariq Ramadan? La faute aux médias (13/02/2018)

Le Temps nous apprend que pour certains, ce ne sont pas d'abord les musulmans qui ont célébré Tariq Ramadan… Et il nous conduit à une belle découverte.

Richard Werly du Temps a donné la parole non à des repentis, mais à certains des petits frères de l’inculpé qui ont le même discours. Aujourd’hui, ils voudraient faire croire que le sien n’était pas le leur.

Prenons Abdelaziz Chaambi, président de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie: «Qui l’a fabriqué ? Pourquoi les médias lui ont-il offert les meilleures audiences, les émissions les plus regardées?» C’est vrai, pourquoi ont-ils invité celui qui rassemblait le plus de musulmans à ses prestations? Mais en commettant une faute: avoir confondu prédicateur obscurantiste et expert moderniste.

Chaambi a pourtant un discours bien similaire à celui du prophète déchu. Selon lui,Chaambi.jpg les musulmans sont victimes des «laïcards», de moult discriminations, du néo-colonialisme, voire du «racisme» de la République française. Il voudrait, comme Tariq, remplacer cette vile société par les valeurs humaines que portent les musulmans.

Said Branine créateur du très conservateur Oumma.com : «…pourquoi ne pas regarder les choses en face: ce «Frère Tariq» ne nous a jamais représentés. Il n’était pas notre porte-parole. (…) Pensez au désarroi de pas mal de militants socialistes français après la chute de Dominique Strauss-Kahn, suite aux violences sexuelles commises à New York. DSK n’était pas un prédicateur. Mais il visait l’Elysée. Pourquoi personne ne fait le rapprochement, comme si l’islam était un facteur accru de culpabilité?».

Azouz Begag ex-ministre, centriste. «Prenez un intellectuel musulman «certifié» par son lignage familial (…), et présumé neutre en raison de son passeport helvète. Permettez-lui de dérouler sur les plateaux TV, à heure de grande écoute, son discours d’intellectuel de l’islam en français parfait, sans accent, avec un indéniable talent rhétorique…»

Ne devrait-on pas cesser cet amalgame entre musulmans et Ramadan ?

Houria Abdelouahed est psychanalyste et universitaire, enseignante à l’Université Paris Diderot et férue de philosophie. Au journaliste du Temps, elle déclare : «Tariq Ramadan est le type même du faux intellectuel qui plaît à l’Occident politique. Il n’est pas un intellectuel, mais un prédicateur qui sait jouer de sa séduction.»

Femmes du prophète.jpgJ’ai fait une petite recherche la concernant (j’ignorais son existence) et suis tombée, merci à Richard Werly, sur une interview de Télérama à propos de son livre «Les femmes du prophète». J’en donne quelques extraits, mais la lecture intégrale est recommandée. Et certainement celle du livre aussi.

« … ce qui m'a vraiment interrogée, et mis très mal pendant longtemps, c'est cette incompréhension: comment des interprètes, commentateurs, historiens du texte, aujourd'hui encore, n'avaient-ils fait que répéter, presque à la lettre, les commentaires d'antan? Pour faire mon livre, j'avais énormément d'ouvrages étalés devant moi, j'allais d'une version à l'autre, et je vous assure qu'il n'y avait aucune différence entre le texte du IIe siècle de l'Hégire (VIIIe-IXe siècle) et celui d'aujourd'hui. Je ne comprenais pas comment ces hagiographes avaient réussi à imposer le silence de la pensée. »

Comment l’islam considère-t-il ce qui l’a précédé ? « C'est la «jahiliya», le temps de l'ignorance. Et c'est catastrophique. L'islam s'est vu, s'est dit, s'est exprimé comme le début de la civilisation. On efface la Mésopotamie, Babylone, les Mèdes, les Grecs, les Byzantins, les Egyptiens, c'est la négation même de l'altérité. On sait pourtant que dans le Coran, énormément de termes ne sont pas arabes, et même cela, on ne peut pas le dire. Il y a eu négation non seulement des civilisations d'avant l'islam mais aussi des civilisations existantes en même temps que l'islam, car en Arabie, les juifs et les chrétiens étaient en nombre. Il y a donc un vrai problème avec l'altérité. »

« Comment se fait-il qu'un discours insensé triomphe ? Et comment peut-on en venir à parler de féminisme islamique ? Féministe et musulmane, je veux bien : qu'une femme n'ait pas envie d'ébranler toutes les assises identitaires, je peux comprendre. Mais féministe et islamique, je n'y crois pas. Certains versets se prêtent à interprétations, pas d'autres. Lorsqu'un verset dit: « Battez-les si elles continuent à être insoumises », qu'on le veuille ou non, le verbe battre ne se prête pas à de multiples interprétations. Et lorsque Tabari interprète le verset «Battez-les», il écrit que l'homme peut posséder la femme sans lui adresser la parole. Donc, il peut la violer. »

« Il faut ajouter que la plupart des musulmans cultivés ne connaissent pas ces textes, ne savent pas que le prophète pouvait ordonner la décapitation d'un homme et prendre sa fille en épouse le jour même. Ils peuvent me dire que ce que je raconte dans ce livre n'a pas existé. C'est pour cela que je cite mes sources. »

Que se passerait-il si ces histoires étaient davantage connues ? questionne le journaliste. « Ce serait un choc, certainement. Dans la transmission de l'histoire de Safiya - elle est devenue femme du prophète le jour même où son père, chef d'une tribu juive, et son mari, ont été décapités -, ce qui est bouleversant, c'est que le texte dit: «Elle ne parlait pas», sans jamais interroger ce mutisme, sa dimension mélancolique. Même si on n'est pas psychanalyste, si l'on s'en tient aux informations factuelles des historiens, on constate que Safiya n'a pas transmis de hadiths. Cela veut dire que même convertie, même mariée au prophète et donc mère des croyantes, sa parole n'était pas fiable, parce que juive. Les paroles d'Aisha, de Hasna, sont transmises, pas celles de Safiya. C'est une conception fermée et narcissique. Il n'y a pas d'ouverture possible. » 

« Il faut contribuer à faire connaître cette partie sombre de l'Histoire qui n'est pas très connue et qui nécessite une pensée. Il manque cruellement un travail d'historien, car nos références restent Tabari et Ibn Kathir, des auteurs des premiers siècles de l'hégire qui confondent Histoire et légende. Les Chroniques de Tabari nous apprennent que la religion musulmane s'est imposée par la force et la violence, mais nous n'en faisons rien. Car il n'y a pas de pensée sans liberté d'expression. Pour détisser le linceul, donner des subjectivités, il faut le droit à la parole singulière, il faut la démocratie et la laïcité. L'Occident a énormément gagné avec la laïcité; tant que nous ne serons pas laïcs, nous continuerons à souffrir. Cela ne signifie pas l'abolition de la religion. Mais que chacun puisse être avec sa croyance sans l'imposer à l'autre.»

Et pour en revenir à notre sujet, voici un commentaire de cette interview signée du courageux «Anonyme»:

« Madame Houria, votre avis est absolument biaisé par votre culture et éducation totalement occidentale. Comment pouvez-vous être laïque en étant ouvertement islamophobe? Ce que vous racontez sur le prophète est entièrement faux et je vous invite à débattre avec un théologien, avec un Tarik Ramadan par exemple au lieu de dialoguer avec vous même devant un miroir, je veux dire vous-même et ceux qui partagent vos idées. (…) Ne confondez pas la bêtise humaine de beaucoup d'analphabètes et incultes avec la religion. »

14:17 | Tags : tariq ramadan, le temps, les femmes du prophète | Lien permanent | Commentaires (29)