Djihadistes en Syrie: de l'effroi à l'empathie (03/07/2018)

Après la description des atrocités de l’État islamique, voici le temps de  la compassion envers les pauvres djihadistes retenus sur les terres de leurs crimes.

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Les médias passent avec une vitesse étonnante de l’effroi devant les atrocités de l’État islamique à une empathie de plus en plus marquée pour les djihadistes  emprisonnés. On a appris récemment que trois femmes suisses sont détenues par les Kurdes dans le nord de la Syrie, dont une romande. Un exemple du traitement médiatique: Forum du 29 juin.

Marc Ménichini invité par Mehmet Gultas nous parle d’une «jeune romande» avec «un enfant en très bas âge». On ignore où se trouve son «compagnon». Sa famille et ses  proches sont dans le «désarroi» et «l’incompréhension».

Une connaissance d’une de ces femmes, «Eva», «soulagée de la savoir en vie», est interviewée de façon anonyme. Elle pensait que les autorités suisses allaient «vraiment nous aider» à rapatrier «Sandrine», mais  comme 6 mois plus tard cela n’avance pas, la pauvre femme «perd un peu espoir». En effet,  «Sandrine» aimerait «reprendre une vie normale comme tout le monde», car «elle veut juste une deuxième chance». Elle se dit prête à «assumer les conséquences» de ce qu’elle a fait, mais seulement en Suisse, un pays si ouvert et tolérant qu’on peut lui cracher dessus tout en trouvant naturel d'y  revenir en courant dès que tout va mal. Car  cette pauvre "Sandrine" n’a fait que la petite erreur de rejoindre l’État islamique en Syrie.

Si contrairement à nos journalistes, nous ne  ressentons pas beaucoup de compassion pour cette «jeune romande» avec «enfant en très bas âge» (notez le «très» qui doit toucher notre instinct protecteur), et «proches jetés dans le désarroi»,  nous sommes censés comprendre par nous-même, et insidieusement, que nous sommes probablement des gens au cœur de pierre. D'horribles méchants moisis, indignes de cette société si ouverte, tolérante et aimante, que l'on peut y demander une deuxième chance après avoir soutenu activement un régime qui pratiquait l'assassinat et les décapitations de masse, l’épuration ethnique et religieuse, des attentats meurtriers, l'esclavage et les viols à grande échelle.

Les journalistes n'osent pas encore ajouter que nous aurions tous pu être à la place de «Sandrine», mais on y est presque. Nous devons comprendre à demi-mots que nous sommes tellement semblables à «Sandrine», une «jeune romande» que nous aurions pu croiser à la Migros avec son  compagnon  et son «enfant en  très bas âge».

«Sandrine» qui n’aurait fait que  prendre «le risque» de partir en Syrie,  et y aurait «peut-être» commis des actes « délictueux ».

C’est tout, c’est si naturel, c’est si courant, ce pourrait être nous, vous, votre voisine ou votre fille.

D’ailleurs, il ne s’agit pas de crime contre l’humanité mais juste «peut-être» d’un  «épineux dilemme humanitaire».

On se demande ce qui se passerait si l'histoire se déroulait dans le passé: au procès de Nuremberg, nos deux journalistes  nous parlerait probablement des malheurs des accusés, ces  pauvres pères de familles séparés de leurs enfants,  jetés dans le désarroi et l'incompréhension par la faute de ce procès. Les pauvres Hermann et Rudolf, ne demandant pourtant qu’une deuxième chance pour pouvoir enfin reprendre une vie normale comme tout le monde. Mais comme les autorités semblent trainer un peu les pieds, les proches d’Hermann et de Rudolf perdraient un peu espoir et il faudrait consacrer une page de Forum à cet épineux problème humanitaire.

Tout de même, tout journaliste sait qu’humaniser un ou une  criminelle par le choix de mots renvoyant à la vie personnelle des auditeurs (jeune romande, enfant en très bas âge,  compagnon, famille, proches, désarroi), invite à une identification des auditeurs à l’individu mis en accusation, ce qui est bien loin de l’information que l’on pourrait attendre de nos médias.

Messieurs Menichini et Gultas, vous rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de faire ou êtes-vous tellement conditionnés que cela vous vient tout naturellement?

La  Suisse coupable

En deuxième partie, la RTS interviewe Nadim Houry, de l'ONG Human Rights Watch. Pourquoi une ONG ? Qui représente-t-elle?  Essentiellement le journaliste (et la RTS qui nous abreuve de leurs appels aux bons sentiments). Il sait exactement quel parti elle va prendre, le sien. Et c’est parti pour de nouveaux appels à la compassion!

Que de soucis! Ces femmes sont dans des «camps de réfugiés et n’ont pas le droit de les quitter». Peuvent-elles au moins téléphoner? Oui, ouf! Quelles conditions de vie? «Difficiles… des tentes alors qu’il fait très chaud, peu d’accès aux soins médicaux… un grand vide juridique.» Et tant d’enfants en très bas âge! Des conditions dont ces femmes d’ISIS se sont tellement préoccupées pour les chrétiens d'Orient, les Yézidis, les esclaves, les violées, les assassinés… Que voulez-vous, la compassion c’est une affaire de mécréants, les djihadistes la réclament pour eux, mais ne la ressentent pas.

Plus grave: les Kurdes ne veulent pas les juger et les détiennent tant que leur pays ne vient pas les rechercher. Or, ces femmes ont droit à « un procès équitable». «Et j’oserais croire que la Suisse a les moyens de mener une enquête (facile!). Elles doivent être jugées pour des crimes commis, et si elles présentent un profil dangereux, le système judiciaire et les services sociaux (?) s’en chargeront. »

Enfin, l’argument massue du retour: «Ces gens se sont radicalisés en Suisse, c’est là que le problème a commencé.» Bon sang, mais c’est bien sûr ! L’Etat islamique, le djihad, c’est la responsabilité de la Suisse et des pays européens!

Quelques informations plus tard, arrive le cas Lafarge, la cimenterie française. Un journaliste de Mediapart mène le procès. Et les termes sont autrement plus forts! Dame, l’économie capitaliste, la richesse, les actionnaires sont des cibles plus excitantes que les djihadistes. Lafarge sera jugée pour «complicité de financement du terrorisme et crime contre l’humanité.» «Par cupidité financière, elle a accepté de pactiser avec le diable». Elle a collaboré avec «des gens qui ont été responsables quelques mois plus tard de la pire campagne d’attentats que la France ait connue… Encore une fois, nous parlons du financement direct du terrorisme islamiste qui a ensanglanté la France comme jamais dans notre histoire.»

Un acte beaucoup plus grave que se mettre directement au service de ces sanguinaires... qui devraient autant que Lafarge être accusés de complicité de crime contre l’humanité. Pourquoi tenter au contraire de nous faire pleurer sur leur sort ?

 

«Qui tolère les intolérants se rend coupable de tous leurs crimes.»

                                                                              Helvetius, philosophe du XVIIIème siècle.

 

Auteures: Sophie et Mireille

 

09:51 | Tags : femmes djihadistes, kurdes, human rights watch, forum | Lien permanent | Commentaires (17)