Le foulard est au cœur de la loi sur la laïcité (07/12/2018)

La loi genevoise sur la laïcité sera soumise au vote le 10 février prochain. L’islam et le voile sont les vedettes du débat... et du combat.

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De gauche à droite: Sabine Tiguemounine, conseillère municipale verte à Meyrin, qui fréquente volontiers l’extrémiste Hani Ramadan, Jocelyne Haller et Pierre Vanek, députés du mouvement d'extrême gauche Solidarités, et Inès El-Shikh, membre du collectif Faites des vagues.

Quelle surprise! Ce soir-là, aucun chrétien portant sa célèbre croix ostentatoire, ni aucun juif sa non moins célèbre kippa ne sont venus quereller les défenseurs de la loi sur la laïcité. Seul l’islam revendicateur et voilé l’a fait. C’est un peu ennuyeux pour l’Association «La laïcité, ma liberté», organisatrice de cette soirée,  dont de nombreux membres tiennent à ne pas cibler l’islam dans la campagne. Las! Malgré ces efforts, joints à ceux des rédacteurs de la loi, les musulmans se sentent stigmatisés. Pour l’imam chiite Vahid Khoshideh la loi est même «raciste et islamophobe».

Mais quels autres dévots que les musulmans posent d’incessants problèmes? Pour les résoudre, la loi offre un pot-pourri de solutions, mais pas d'interdiction de la burqa dans l'espace public, ni du foulard des fillettes à l'école, et la proscription du voile touche une partie seulement des fonctionnaires.

Au centre du texte tout de même, les restrictions au port du foulard. S’il passe, les élues des organes exécutifs, législatifs et judiciaires ne pourront le porter lorsqu’elles siègent. Et pas non plus les fonctionnaires en contact avec le public. Or, de nombreuses musulmanes ne peuvent plus vivre sans foulard, et leur douleur s’exprime, comme ce soir-là, par une émotion intense et une incompréhension totale que nous puissions voir d’un mauvais œil ce symbole d’oppression des femmes.

 Mon foulard, ma pudeur, mon islam… Elles souhaitent à tout prix porter ce souvenir d’une existence totalement contrôlée par les hommes. Une réalité encore bien présente dans les pays soumis à leur religion qui tous, en son nom, discriminent les femmes. Mais pour elles, cette religion reste supérieure à toutes les autres,  quoi qu’elle ait produit, quoi qu’elle produise. Et elles le font savoir par leur cornette islamique.

 

Une ambition dans la vie: rendre visible sa croyance!

 A Genève aussi, comme je l’ai relaté, la jeunesse musulmane a comme principale et parfois seule ambition de nous imposer ses marqueurs. Ce soir-là, la contestation s’est faite par quatre filles voilées, soutenues par une jeune juriste non voilée, mais qui songe à embrasser ce cruel destin. Et par un converti prompt à venir en aide à ses protégées lorsqu’il pense qu’elles ne savent plus pourquoi elles portent cet ostensible couvre-chef. Pourquoi? C’était ma question. «Selon une injonction coranique, répond le fan de ces dames, les femmes doivent se couvrir pour se protéger. C’est une question de pudeur.»  

Oui: lorsqu’on est pudique, on cache ses cheveux. Mais alors, serions-nous impudiques? «Mais non, mais non», m’assure en coulisse une jeune voilée qui précise que jamais elle ne se montrerait bras ou jambes nues. Cette pudeur est donc une spécificité tout islamique dont la définition m’échappe. De même que m’échappe cette dénégation de mon interlocutrice: selon elle, il est tout à fait faux de dire comme je le fais que plus un mouvement est radical, plus il couvre les femmes.

Le pasteur Vincent Schmid et Pierre Conne, député PLR, étaient natacha-buffet2-845x321.jpgchargés du plaidoyer. Le débat qui a suivi a été particulièrement courtois et les musulmanes ont pu en toute liberté exprimer leur désarroi. Natacha Buffet Desfayes, présidente de «La laïcité, ma liberté» a veillé avec subtilité à ces échanges.  

 

Introduire l’islam à l’école?

 

Comme dirait le philosophe Philippe Murray, «laïque ou laquais, il faut choisir». J’ai cru avoir choisi, je suis membre de «La laïcité, ma liberté». Mais il y a quelques jours, le feu a pris au sein du comité de l’Association suisse vigilance islam. Nathalie (pardon  pour les pseudos, mais l’ASVI n’est pas un lieu très vénéré) a attiré notre attention sur l’article 11 de la loi: l’obligation d’enseigner à l’école obligatoire «le fait religieux dans sa diversité» (un sacré défi, puisque 400 communautés communient  à Genève). Des enseignants du DIP seront chargés de cette mission.

Laicité_messe_dessin.jpgPour l’instant, chaque canton en fait à sa tête. En Suisse romande, Genève a la chance quasi unique (avec à peu de chose près Neuchâtel) de ne pas avoir de cours spécifique de religion. Ailleurs, ils se sont implantés lorsque les autorités ont craint que le déchainement terroriste et d’autres manifestations violents laissent croire aux enfants que l’islam y serait pour quelque chose. Il fallait donc agir sur leur ignorance, «favoriser le vivre ensemble», enseigner une «connaissance factuelle sur les grandes traditions religieuses et humanistes», décrire le fait religieux comme une réalité historique «sans jugement et sans prosélytisme».

Un manuel d’histoire destiné aux écoles romandes et tessinoises donne mille fois raison aux adversaires de cette innovation. Il emprunte la description idyllique d’El-Andalus, un chapitre aussi long que celui consacré à l’Empire romain, nous précise l’auteure de l’article: «Cette période-clé de notre histoire, sans laquelle l’héritage égyptien, grec et romain ne nous serait pas parvenu...» Une vision de plus en plus critiquée par des spécialistes pointus. Le débat chauffe même sur Wikipédia. Mais  le journal en ligne socialiste Domaine public n’a jamais entendu parler de ces contestations. Son titre est éloquent: «L’islam entre dans les écoles, enfin, et sans faire de bruit».

Même sans loi, Genève échappera-t-elle à ce genre de manipulation?

 

Débat interne

 

Nathalie qui s'oppose à  l'introduction de ce fait religieux, et aussi au voile, a «l'impression de devoir choisir entre la peste et le choléra» . Elle craint que cet enseignement soit une occasion de plus pour les chrétiens de battre leur coulpe  en s'excusant des actes de leurs ancêtres coupables des croisades et de l'inquisition, quand du côté de l'islam on évitera toute remise en question «pour ne pas offenser nos concitoyens musulmans que l'on considère toujours comme incapables de faire le chemin qui a été demandé au christianisme».  

Le débat interne prend son envol, et Nathalie gagne à sa cause  Steff, Henri, Jeannine, Camille et Patrice. Ce dernier se demande si  «cet enseignement islamophile et christianophobe ne risque pas de poser un plus grand problème à long terme que celui du foulard, déjà pratiquement interdit pour les fonctionnaires en contact avec le public». Une moitié du comité ne se prononce pas, un ou deux soutiennent ma position.

L’ASVI va rediscuter du sujet. Une possibilité: soutenir la loi, mais se promettre une stricte surveillance de l’enseignement, et un passage à l’offensive si nécessaire. Avec l’appui des animateurs de «La laïcité, ma liberté», bien sûr.

C’est mon avis, car voter non à cette loi, ce serait s’unir aux complices de la pensée fossilisée et puritaine de l’islam: le clergé «féministe» islamique, les oulémas des syndicats, la gauche et l’extrême gauche dévotes, les disciples du prophète et les Verts, toujours enthousiasmés par l’islam orthodoxe. Tous sont réunis sous le label «Genève multiculturelle», et ils ont pour slogans de campagne: «Non à une loi qui exclut, discrimine, une loi liberticide, qui bafoue des droits fondamentaux». On aura compris que le foulard est bien la vedette de cette rébellion. J’aurais de la peine à laisser le champ libre à ses protecteurs, mais la démocratie règne aussi à l'ASVI.

Notons que dans l’inventaire à la Prévert qu’ont voté les députés, on trouve la gestion des contributions religieuses volontaires par l’État, des restrictions de manifestations sur la voie publique, l'aumônerie financée par les pouvoirs publics, mais pas dans sa partie "cultuelle". Pas de quoi enflammer les citoyens... et pas non plus l’enseignement de la religion, contrairement à la question du foulard.

Si le peuple accepte la loi, la question ne sera cependant pas résolue: les Verts et le Réseau évangélique déposeront un recours à la Cour constitutionnelle.

16:18 | Tags : loi laïcité | Lien permanent | Commentaires (26)