Vol d’enfants, esclavage et humiliations: les chrétiens sous l’Empire ottoman (01/02/2019)

Les musulmans ont la manie de valoriser le traitement des chrétiens et des juifs dans les pays qu’ils ont occupés. Une participante au cours «Violences et religions» révèle en quoi le statut de dhimmi consistait, notamment dans les Balkans.

Certains d’entre vous se souviennent du post consacré au cours de l’université de Genève, «Violences et religions». Les participants peuvent commenter les présentations dans des Forums de discussion. Une étudiante, Héloïse, s’est élevée avec véhémence contre la manière dont ce cours présente le statut de dhimmi. Ses commentaires m’ont beaucoup appris. Je les avais copiés et j’ai décidé de vous en faire profiter. Vu qu’Héloïse est un pseudo, je fais de même pour les professeurs qu’elle interpelle. Et je rappelle les deux caractéristiques de la dhimmitude: autorisation de pratiquer son culte et paiement d’un impôt spécial, la jizya.

 

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"Prélèvement" d'enfants chrétiens en Bulgarie (palais de Tokapi, 1558)

«Depuis le début de ce cours, «Violences et religions», nous ne pouvons qu’apprécier la capacité qu’ont les professeurs de christianisme à regarder en face ses erreurs passées et à en faire la critique. Je suis interpellée par le fait que cela ne semble pas être le cas des professeurs d’islamologie.

Les hasards de la vie ont fait que je connais un peu l’histoire de l’Europe de l’Est. Or, certains cours, en particulier «Le statut des minorités religieuses dans l’Empire ottoman» sont vraiment très loin de la réalité historique et de la distance historico-critique censée être le fil conducteur de ce cours.

On nous présente à plusieurs reprises le statut de dhimmi comme une «protection». Mais contre qui ces dhimmis devaient-ils être protégés si ce n’est contre leurs occupants? L’emploi de ce mot semble bien être un euphémisme, car une telle «protection» fait surtout penser à la celle qu’octroie la mafia à ceux qui lui paient un tribut. On nous dit également: «Les hindous, les bouddhistes vont également jouir de ce statut de dhimmi», comme si ce statut équivalait à un charmant privilège…

Mais surtout, même si l’on admet du bout des lèvres, qu’outre le paiement d’un impôt élevé, ce statut de dhimmi était un statut discriminatoire, on a passé sous silence les persécutions concrètes auxquelles il était associé.

Dans les Balkans, sous l’Empire ottoman, les familles chrétiennes dhimmies devaient donner certains de leurs fils, âgés de 9 à 15 ans à l’Empire, qui les convertissait à l’islam pour en faire des soldats sanguinaires qu’ils lançaient ensuite contre les populations chrétiennes dont ils étaient issus: ils devenaient des janissaires.

Pour les peuples des Balkans, ce système dit du «devchirmé» a été un traumatisme inimaginable. Il existe d’ailleurs des témoignages écrits de la vie d’un janissaire, par exemple «Mémoires d’un janissaire- Chronique turque» de Constantin Mihahilovic (Editions Anacharsis).

Le cours sur les minorités religieuses dans l’Empire ottoman évoque en passant le statut «prestigieux» de janissaire, mais sans mentionner qu’il s’agissait d’esclaves arrachés à leur familles et convertis à l’islam, qui devaient consacrer leur vie à la guerre et n’avaient pas le droit de se marier ou d’avoir des enfants, car ils devaient rester sans attaches affectives afin d’être totalement loyaux au Sultan. A nouveau, il semble que l’expression «statut élevé» devrait être soumis à la distance historico-critique, car je doute qu’aucun d’entre nous ne désirerait un tel statut.

Mettez-vous également à la place des populations chrétiennes conquises qui devaient donner leurs fils pour qu’ils soient endoctrinés à devenir les bourreaux de leurs parents. Le taux de mortalité de ces jeunes esclaves était d’ailleurs très élevé. Encore aujourd’hui, ce traumatisme n’a pas été oublié en Europe de l’Est, et si ces peuples s’opposent tant au retour de l’islam sur leur terre, c’est peut-être parce qu’ils peuvent constater que l’autocritique semble encore de nos jours un exercice trop difficile pour beaucoup.

On a aussi oublié de nous dire que ceux qui étaient trop pauvres pour s’acquitter de l’impôt de dhimmitude, devaient le faire en nature, par exemple en offrant leurs jeunes filles comme esclaves, le plus souvent esclaves sexuelles, pour les harems.

Peut-être que certains dhimmis pouvaient faire fortune comme nous le dit Claude Cahen, probablement pour nous rassurer, mais c’était loin d’être le cas pour la majorité des peuples balkaniques. Les dhimmis des Balkans n’avaient d’ailleurs pas le droit de posséder leurs terres, ce qui limitait leurs possibilités économiques.

Au Maghreb, ce système de jeunes filles enlevées pour payer l’impôt a d’ailleurs aussi été utilisé par les conquérants, Arabo-musulmans cette fois-ci: un historien originaire de Perse, Balazhuri, a écrit au XIème siècle: «Amrou Ibn al-Ass a précisé dans l'avertissement adressé à la population de Louata, les Berbères de Barka, qu'ils devraient vendre leurs enfants et leurs femmes pour régler la jizya non payée.» (Balazhuri, Fotouh al-buldân 1: 265)

En ce qui concerne Mehemed II, présenté dans ce cours comme un progressiste qui aurait adopté une «véritable politique de tolérance à l'égard de ses nouveaux sujets», c’est lui qui a ouvert le premier marché aux esclaves d’Istanbul dans les années 1460, pour éviter que les marchands d’esclaves n’obstruent les rues avec leur «marchandise». On trouvait d'ailleurs des marchés aux esclaves nommés «esir pasan» dans la plupart des villes.

Vers 1526, un visiteur, Nicolas de Nicolay raconte: «Ils vendent une infinité de pauvres esclavesdhimmitude,balkans,cours,devchirmé chrétiens de tout âge et des deux sexes, de la même façon qu’ils vendent des chevaux. Ceux qui veulent acheter un esclave examinent les yeux, les dents et toutes les parties du corps. Les esclaves sont exposés complètement nus afin que les acheteurs puissent plus facilement déterminer leurs défauts et imperfections. C’est une chose pitoyable à regarder, j’y suis allé trois fois. Une fois, j’ai vu une jeune fille hongroise d’environs 13 ou 14 ans, pas très jolie, qui fut finalement vendue à un vieux marchand Turc pour le prix de 2 ducats.» Nicolas de Nicolay « Les navigations-pérégrinations et voyages faicts en la Turquie » réédité à Anvers, 1956)

Un Anglais, William Lithgow, de visite à Istanbul en 1610 a écrit: «J’ai vu des hommes et des femmes vendus sur les marchés ici, comme chez nous on vend les chevaux et autres animaux. La plupart sont des captifs Hongrois, des gens de Transylvanie, des Carinthiens, des Istriens et des Dalmatiens, ou d’autres endroits…» (William Lithgow «The Total Discourse of the Rare Adventures of the Most Famous Kingdomes in Europe, Asia and Africa», Glasgow, 1906).

Au début de XVIIème siècle, un certain Robert Wilthers écrit: «Les Turcs peuvent acheter toute sortes d’esclaves (…) pour différents usages; certains pour qu’ils soient des aides-soignants, d’autres pour qu’ils soient des domestiques, et d’autres pour satisfaire leur appétits sensuels, pour lesquels ils utilisent des esclaves, car leur sensualité ne peut alors pas être punie par la justice comme elle le serait s’ils se faisaient prendre avec des femmes libres, et particulièrement avec des femmes turques (…) achetant parfois la mère avec les enfants, et parfois les enfants sans la mère, parfois deux ou trois frères ensembles, et parfois un seul en laissant les autres (…) Quand il se trouve une jeune fille vierge qui est belle et claire de peau, elle a une valeur élevée et est vendue pour un prix plus élevé que les autres; et pour l’assurance de sa virginité, le vendeur n’est pas seulement obligé de restituer l’argent (si elle n’est pas vierge) à celui qui l’a acheté, mais il paiera une amende pour cette fraude.» (Master Robert Withers, «The Grand Signior’s Serraglio dans Purchase His Pilgrims, vol IV, Glasgow, 1905).

On est donc loin d’une «véritable politique de tolérance», et entendre notre professeure nous diredhimmitude,balkans,cours,devchirmé que «la seule loi imposée par l’Empire ottoman était celle du pacte de la dhimma» doit choquer n’importe quel historien sérieux, car ce «pacte», présenté dans ce cours comme un «compromis» (nouvel euphémisme), à des gens qui n’avaient le choix que de l’accepter ou de mourir, allait beaucoup plus loin qu’un impôt, même très élevé.

Je me permets également d'émettre des doutes sur la réalité effective de l’égalité juridique des sujets de l’Empire ottoman suite aux réformes effectuées au XIXème siècle. Il suffit pour cela de lire les récits des rescapés du génocide arménien qui ne racontent pas avoir vécu sous un statut égalitaire avant les différentes vagues du génocide, qui

La chercheuse Bat Ye'or a été la première à se pencher sur la "dhimmitude", concept qu'elle a forgé. Ses travaux ont été prolongés par de nombreux historiens.

datent pourtant de plusieurs décennies après ces réformes. On peut lire à ce sujet, entre autres, «L’Arménienne » de Gaya Guérian, qui raconte l’histoire de sa mère et de sa grand mère. Edition XO Documents, 2015.

J’aimerais que notre professeure nous explique comment les non-musulmans qui étaient les habitants premiers de la Turquie avant l’invasion musulmane, ont pu pratiquement disparaître, si leur condition de dhimmi n’était pas si terrible.

L'approche historico-critique n'est pas toujours agréable, mais c'est la règle du jeu et si les professeurs de christianisme en sont capables, je pense que les professeurs d'islamologie devraient avoir à cœur d'en faire de même.

Professeur M:

Merci pour cette réaction. Je demande à l’auteure de la vidéo, de réagir.

Deux compléments en attendant:

  1. a) Bien sûr que la dhimma est un régime discriminatoire, inégalitaire, à tout prendre injuste. Mais si l'alternative, pour un juif de la fin du 15e siècle, consiste à choisir entre l'Espagne où il risque de finir au bûcher et Constantinople où il s'acquittera d'un impôt supplémentaire, il n'y a pas à hésiter trop longtemps.
  2. b) Esclavage: il ne s'agit JAMAIS de justifier, ni d'excuser une abomination par une autre, mais l'on trouvait encore des marchés aux esclaves dans les Etats (chrétiens) du sud des Etats-Unis dans la première moitié du 19e siècle.

Héloïse

Je suis désolée, mais effectivement un crime n'en excuse pas un autre. De plus, les Européens ont reconnu les massacres de juifs en Espagne du XVème siècle, ainsi que l'horreur de l'esclavage auquel ils ont mis fin par eux-mêmes. Ils ont entrepris de nombreuses recherches historiques sur la question, et personne ne nie ces faits en Occident aujourd'hui.

En revanche, cet exercice n'a jamais été fait du côté de l'islam qui se montre incapable de reconnaitre la réalité abominable du statut de la dhimma présenté comme un "compromis", une "protection", quelque chose dont on peut "jouir". Et sans le vouloir, vous en rajoutez une couche avec "à tout prendre injuste".

C'était beaucoup plus que cela. Les Européens de l'Ouest ont peut-être oublié une partie de leur histoire, tout comme les Africains, mais ce n'est pas le cas en Europe de l'Est.

L'économie de l'Empire ottoman était en grande partie basée sur l'exploitation des dhimmis à travers les impôts, mais aussi sur l'exploitation des esclaves. Il y en avait divers sortes:

  1. Les esclaves prélevés par le système du devchirmé dont j'ai parlé. L'historien du XIXème siècle Théophille de Lavallée, estime à 5 millions le nombre d'enfants ou de jeunes arrachés à leurs familles sur trois siècles.
  2. Les esclaves européens capturés en mer ou lors de razzias sur la terre ferme par les piratesdhimmitude,balkans,cours,devchirmé ottomans. Ils étaient vendus sur les marchés aux esclaves d'Afrique du Nord colonisée par les Ottomans . On peut lire à ce sujet: «Esclaves chrétiens, maître musulmans, l' esclavage blanc en Méditerranée, 1500-1800» de Robert Charles Davis qui estime à plus d'un million les victimes de cet esclavage.
  3. Les esclaves africains, capturés lors de razzias en Afrique noire étaient considérés comme de moindre valeur et les hommes étaient castrés pour éviter qu'ils ne se reproduisent et pour qu’ils puissent garder les harems sans risque de relations sexuelles avec les femmes enfermées. C'est la raison pour laquelle, contrairement aux Etats-Unis, il y a si peu de descendants de ces esclaves noirs dans les pays musulmans. La mortalité due à ces castrations était très élevée (environs 70%). Lire à ce propos «Le génocide voilé» du Sénégalais Tidiane N'Diaye. Extrait: «Si l'Occident a reconnu la traite négrière comme étant un crime contre l'humanité, un grand silence règne dans le même temps du côté arabe. D’autant que ces exactions ne sont pas aujourd'hui totalement éradiquées mais adoptent d'autres formes de traite plus contemporaines.»

Alors, à quand l'exercice salutaire d'autocritique sera-t-il accepté par toutes les parties, islam compris?

Professeure L. (elle répond sur ses propos concernant les dhimmis)

(…) J'aimerais préciser une chose fondamentale dans le domaine académique, qui relève de la démarche universitaire, il ne faut absolument pas confondre l'enseignante avec son objet d'étude. Autrement dit, par exemple, l'historien.ne du christianisme ou l'historien.ne de l'islam n'est pas le ou la porte-parole de "la religion étudiée" mais tente de l'analyser avec la distance critique. L'exigence d'une autocritique de la part des professeur.e.s du "christianisme" ou de "l'islam" (certes extrêmement salutaire pour les acteurs théologiques et religieux qui adoptent souvent une attitude apologétique) témoigne de cette confusion du commentaire déposé.

Concernant le concept de dhimma, dhimmî, comme je l'ai précisé dans le cours, il désigne bien dans le lexique juridique musulman ce lien contractuel qui implique protection et obligations (paiement d'un impôt de capitation et reconnaissance de la domination politique de l'islam). Le statut de dhimmîs ("protégés" ou "tributaires") se fonde sur des versets de la sourate 9 qui visaient les polythéistes qui ne respectaient pas "les engagements pris" (dhimma) (cf notamment Dictionnaire du Coran sous la direction de Mohammed Ali Amir Moezzi P.215-217).

Par ailleurs, le mot de "tolérance" ou d'"oppression" (comme le souligne à juste titre le commentaire) à l'égard des dhimmîs s'inscrit dans un cadre pré-moderne religieux instituant le statut inférieur juridique de ces derniers, ce qui peut évidemment choquer les lecteurs et lectrices modernes acquis aux concepts de citoyenneté et d'égalité.

Héloïse

Eh bien, puisque cela choque des gens comme nous, acquis aux principes de citoyenneté et d'égalité, pourquoi ne pas en parler ouvertement? Les professeurs de christianisme nous parlent ouvertement des crimes commis au nom du christianisme, alors pourquoi dans le cas des crimes commis au nom de l'islam et de la sourate 9 devrait-on relativiser les choses en faisant passer ces crimes pour quelque chose de finalement fort sympathique? Pouvez-vous entendre que vu d'Europe de l'Est, ce qui est entendu comme du négationnisme est insupportable?

Je n'ai pas confondu l'enseignante et son objet d'étude, j'ai signalé que ce cours n'avait pas de fondement historique crédible, et qu'il faudrait pour parler du statut de dhimmi, se référer aux sources premières.

Professeur M.

Juste un mot pour dire qu'il n'est pas question à mes yeux de faire l'éloge du statut de dhimmi, qui n'est en rien garantie de liberté, de démocratie ou de laïcité (pas d'anachronisme!) mais de relever, avec Lacorne (cf. doc. complémentaire), que ce statut est dans l'ensemble "vivable" (comme l'est, à Venise, toujours dans l'ensemble, le ghetto, ou plutôt comme le sont les ghettos), et dans tous les cas préférable aux expulsions qu'évoque John Tolan.

Héloïse

Cher professeur, je ne comprends pas pourquoi vous comparez le statut de dhimmi à l’expulsion des juifs d’Espagne. Il s’agit de deux choses différentes: l’expulsion des juifs d’Espagne a eu lieu dans le cadre de la Reconquista, la reconquête de l’Espagne après des siècles d’occupation arabo-musulmane. Il ne viendrait à l’idée de personne aujourd’hui de défendre ou de relativiser cette expulsion des juifs, et tout le monde est d’accord pour la réprouver.

Alors pourquoi mettre cette expulsion sur le même plan que le statut de dhimmi, et la comparer à lui? Le système des dhimmis a duré du VIIème siècle au XIXème siècle, soit largement plus de mille ans, c’est extrêmement long. Même aujourd’hui, les non-musulmans n’ont pas les mêmes droits que les musulmans.

dhimmitude,balkans,cours,devchirméPour les chrétiens d’Europe de l’Est sous l’Empire ottoman, la dhimma et le devchirmé (enlèvement des enfants) étaient liés: le devchirmé était une conséquence de la dhimma. Les juifs n’étaient effectivement pas soumis au devchirmé. C’est probablement pour cela que certains juifs ont pu trouver préférable de se réfugier en Europe de l’Est au moment de la Reconquista, même si en tant que dhimmis, ils y étaient aussi maltraités. C'était juste "moins pire" pour eux que pour les chrétiens d’Europe de l'Est soumis à la dhimma ET au devchirmé. Ces juifs ne sont pas allés dans l'Empire ottoman parce que la dhimma était un système de "tolérance" qui consistait juste à vivre entre soi dans un ghetto, et à payer un impôt.

Mais de toute façon, en quoi les souffrances des uns annuleraient-elles ou relativiseraient-elles les souffrances des autres? Pourquoi les comparer?

Selon les sources historiques, le témoignage d'un dhimmi contre un musulman au tribunal n'était pas recevable, le dhimmi qui tuait un musulman même en cas de légitime défense, était dans tous les cas condamné à mort, mais pas le musulman qui tuait un dhimmi, etc... (la liste des injustices est trop longue). Les juifs et les chrétiens ont été soumis à la dhimmitude durant l'Empire ottoman. Et pour les uns comme pour les autres, ce n'était certainement pas la belle vie "tolérante".

Professeur M.

Plein de choses tout à fait correctes dans votre propos. Mais j'avoue que si j'avais été juif vers 1490, j'aurais préféré vivre à Constantinople qu'à Tolède. Même au prix de l'impôt (inique) à payer... Et comme je ne me sens pas davantage solidaire des Espagnols du 15e siècle que des Turcs de l'Empire ottoman, il n'y a pas l'ombre d'une autocritique dans ce que je dis ici...

Héloïse

Encore une fois, la question n'est pas de savoir s’il était préférable d'être juif à Constantinople ou à Tolède pendant la Reconquista! (…) En plus des impôts et vexations du statut de dhimmi, les chrétiens d'Europe de l'Est devaient donner leurs enfants les plus beaux, les plus sains et les plus intelligents aux soldats janissaires. La "récolte" avait lieu tous les 3 ou 4 ans. Les enfants étaient ensuite habillés de rouge pour qu'ils ne puissent pas s'enfuir sans se faire remarquer. Une fois arrivés à Constantinople, un nouveau tri était effectué: on les déshabillait entièrement et ceux chez lesquels on trouvait des défauts physiques étaient envoyés vers le système d'esclavage domestique. Les autres étaient éduqués à la dure à devenir des soldats sanguinaires les janissaires. (…) Les plus intelligents étaient éduqués pour devenir fonctionnaires. Tous étaient convertis à l'islam. Ce système du Devchirmé a duré infiniment plus longtemps que l'expulsion des juifs de Tolède qui n'est d'ailleurs pas le sujet de cette vidéo. Je ne sais pas pourquoi il revient sans cesse sur le tapis.

Auriez-vous dit à des parents chrétiens victimes du devchirmé durant la Reconquista: «Oui, on a pris votre fils chéri, mais ce n'est pas grave, il vaut mieux être juif à Constantinople qu'à Tolède.»

En Europe de l'Est, il est absolument insupportable d'entendre nier ce que des millions de gens ont vécu pendant des siècles d'occupation ottomane. C'était atroce. Il vaudrait vraiment prendre le temps de se renseigner au lieu de relativiser ce que j'écris et que j'assume totalement: les historiens qui suivent ce cours peuvent et devraient faire des recherches sur le sujet.  

Je m'arrête là, car comme vous pouvez le constater, je suis en train de me mettre vraiment en colère. C'est dommage, car j'aime beaucoup ce cours, et je trouve que toutes les vidéos consacrées au christianisme étaient de grande qualité.

L'islam utilise volontiers des euphémismes pour nier la réalité: la dhimma est appelée «protection», le génocide arménien «guerre civile», et le devchirmé «opportunité». Sous prétexte qu'une toute petite minorité d'enfants ou d'adolescents, repérés comme les plus intelligents, pouvaient devenir non pas des soldats ou des esclaves domestiques, mais des fonctionnaires qui pouvaient grader (tout en restant esclaves), certains présentent le devchirmé comme une «opportunité»...

Le héros albanais Skanderbeg (son nom turc) ou Gjorgi Kastrioti (son nom albanais), était justement un janissaire. Il était le fils d'un seigneur albanais, chrétien comme l'étaient les Albanais à l'époque. Pendant une bataille à Nis (Serbie) où il combattait pour les Ottomans, il a fait défection avec d'autres janissaires (environs 300). Il a rejoint le camp adverse, abandonné l'islam et s'est reconverti au christianisme. Il a combattu les Ottomans pendant plus de vingt ans. Chaque année, les Ottomans lançaient une campagne contre lui, sans succès, jusqu'à sa mort. Douze ans après celle-ci, les Ottomans ont fini par soumettre les Albanais, et une majorité se sont finalement convertis à l'islam pour échapper au statut de dhimmi.

Est-ce que Gjorgi Kastrioti aurait considéré sa «carrière» chez les janissaires comme une «opportunité»?

11:07 | Tags : dhimmitude, balkans, cours, devchirmé | Lien permanent | Commentaires (16)