Mahomet, un Arabe à l'ambition sans limite (06/08/2017)

Une étude critique montre le passage du Mahomet historique à celui, après sa mort, de prophète parfait et inattaquable tel que les musulmans le considèrent aujourd'hui encore.

 Je poursuis cette série historique par un article (l'avant-dernier) paru en septembre 2013 sur une biographie de Mahomet. L'auteur, Tilman Nagel, est un spécialiste de l'islam. Il dessine un personnage correspondant à la culture de son époque, qu’il connait par cœur, mais il puise aussi dans la tradition.

 

Tilman Nagel, biograhie, Mahomet«Mahomet. Histoire d’un Arabe, invention d’un Prophète» a été publié en 2012 aux éditions Labor et Fides. Cet auteur, dont je tire sans mention contraire les citations, est d’une extraordinaire érudition.

Mahomet reçoit une première révélation de Jibril (l’archange Gabriel). 
Œuvre du début du XIVe siècle.

Pour lire cette biographie, il faut s’accrocher: le carrousel des noms arabes, des tribus, des personnages, les subtils examens des sourates et des versets tournent la tête du non-spécialiste. Mais s’accrocher en vaut la peine.

Nagel relie la biographie de Mahomet au texte du Coran et inscrit l’une et l’autre dans leur époque (événements, coutumes, croyances). Il met en lumière l’influence des fidélités tribales et claniques, ainsi que l’importance du lignage dans l’action du prophète, dans l’évolution de sa pensée et des rites et croyances qu’il enseigne.

La vie de Mahomet telle qu'il la décrit montre l’ambition d’un homme convaincu d’être le messager d’Allah, puis son prophète, et qui va réussir à prendre le pouvoir au prix de diverses stratégies qui comprennent les razzias (le butin lui attirera de nouveaux croyants), des assassinats politiques et  l’abandon de règles respectées jusqu’alors par les Arabes.

Très vite s’affirme la prétention de la nouvelle religion à intégrer tous les aspects de la vie. Allah par son prophète qualifie ses adeptes de «meilleure communauté».

A Médine où Mahomet s’installe après avoir été chassé de la Mecque, il conquiert le pouvoir «grâce à des circonstances heureuses et à une portion considérable de froide détermination». Il supprimera par exemple la présence des trois tribus juives qui y vivaient. Il ira jusqu’au massacre des Banû Quraiza qui tombent entre ses mains après trois semaines de siège. Il ordonne et assiste à la décapitation de tous les hommes et jeunes hommes pubères, 600 à 700, une tuerie qui durera de longues heures. Les femmes et les enfants sont vendus en esclavage.

 Le djihad devient une obligation pour les musulmans, de nombreux versets en témoignent. « La nécessité d’étendre la «meilleure communauté» à toute la terre habitée est la conséquence de la position dans l’histoire qu’Allah a assignée à son Envoyé et Prophète. Les circonstances de la vie de Mahomet exigent que cette extension passe -au moins aussi- par l’usage de la violence physique, une manière d’agir qu’Allah apprécie au plus haut point et qu’il récompense; on la désigne par le terme de djihad. » La communauté vivra du butin des combats remportés et du produit des terres qu’elle s’approprie et fait cultiver par les vaincus.

Dans cette communauté «conçue comme une immense tribu», le rang est déterminé par l’ascendance paternelle et par le degré de zèle religieux. «Pour protéger cet ordre tribal de tout trouble, le contrôle total des femmes est indispensable».

Dans un langage qui rompt avec celui de l’historien, on peut dire que les chevilles de Mahomet enflent au fur et à mesure que sa domination s’étend. A la fin de sa vie, «l’identification de son pouvoir souverain avec celui d’Allah est totale». Les sanctions infligées à ceux qui transgressent sont drastiques: mutilation des voleurs, fouet en cas de faux témoignage, de consommation d’alcool, de relations sexuelles hors mariage, lapidation en cas d'adultère. «Tuer, mutiler ou expulser quiconque est soupçonné de ne pas être fidèle à Allah et à son Envoyé, voilà la punition efficace avec laquelle Allah défend sa "frontière"».

 

Les hadiths ou la suppression du droit de penser

Mahomet n’avait pas de fils, il n’a pas désigné de successeur. Sa mort (632) ne marque pas seulement le début d’immenses conquêtes, mais celui aussi de multiples guerres, contestations théologiques, assassinats. Le camp des sunnites en sortira vainqueur.

Le Coran ne répondait pas à de nombreuses questions. Un exemple, lié au riche butin féminin que rapportent les conquêtes: le fils d’un maître conçu avec une esclave a-t-il droit à une part d’héritage? Peu à peu surgissent en guise de réponses des récits d’actions et de paroles de Mahomet, les hadiths. Ils touchent non seulement l’aspect religieux, mais toute la vie profane des croyants.

Les hadiths connaissent une faveur extraordinaire auprès du public au point de concurrencer le Coran. Une méthode est imaginée pour asseoir leur validité: la recherche de la chaîne des  transmetteurs.

Les hadiths accentuent le caractère intransigeant des prescriptions coraniques et sont parfois tilman nagel,biograhie,mahometopposés à elles. Un exemple: le Coran sanctionne les adultères par le fouet alors que Mahomet ordonnera des lapidations. C’est ce châtiment que retiendront les législateurs religieux.

Selon Jean-Marc Tetaz, traducteur et préfacier de Nagel, les hadiths ne sont pas des traditions historiques authentiques, ils ressortissent au contraire d’une «annihilation de l’histoire». *

 

Un homme faillible devient prophète infaillible

Mahomet est promu par le biais de ces hadiths prophète infaillible et modèle éternel. Les textes fondateurs -biographies, par exemple- seront écrits en conformité avec ce présupposé. Quels que soient les méfaits commis par l'Envoyé, ils étaient justes et nécessaires.

La société dirigée par le Prophète à Médine devient la référence ultime de la société parfaite qu’il faut recréer. «L’application inlassable du Coran et de la sunna, en prenant en compte si nécessaire l’avis unanime des compagnons du Prophète, qui vivaient à une époque salutaire où la droite direction divine était immédiate, va faire revenir ce temps, ce qui est le but suprême de toute juridiction et de tout gouvernement musulmans.»

Imiter Mahomet est le socle sur lequel repose l’islam. Il enserre le croyant dans un corset de normes où la peur de l'enfer est omniprésente.

Dans l'islam, la matière religieuse est «énorme, embrouillée, difficile à canaliser d’une façon cohérente», ce qui donne aux «savants» un pouvoir majeur sur les croyants. Ces religieux en arrivent à considérer que critiquer le prophète, même en citant des circonstances historiques, requiert la mort. Les quatre écoles juridiques du sunnisme se rejoignent sur ce point. Les nouvelles normes (fatwas) édictées suite à l’évolution des sociétés et des modes de vie ne doivent jamais remettre en question le caractère intouchable de Mahomet… ce qui n’empêche pas qu’elles se contredisent.

Un courant, celui des mutazilites (VIIIe s.), avait tenté de faire un sort à  cette manière de séparer le Coran de l’histoire et Mahomet de son message. Leur doctrine permettait l’étude historique, par exemple l’explication des incohérences du Coran dont ils contestaient le caractère incréé. Ils eurent une influence importante, mais les «durs» l’emportèrent.

 

L’imposition de la croyance islamique dans les démocraties

Si l’on se rappelle les innombrables polémiques dans nos démocraties sur la lapidation ou l’apostasie, on comprend mieux les contorsions sémantiques auxquelles se livrent les imams et autres porte-paroles qui tentent de faire croire qu'ils sont à la fois fidèles  à nos normes et à celles de l'Islam. Comment dire: «Je condamne ces sanctions, je suis opposé à la mort si l’on quitte l’islam, j'accepte que des musulmanes épousent des non-musulmans, je suis favorable à l’égalité entre hommes et femmes, à la mixité, etc. etc.», sans mettre en cause l’irréfutable Loi divine, sans devenir un apostat?

La vénération de Mahomet se traduit aussi par la volonté d’interdire sa critique dans nos sociétés. Rappelons-nous les caricatures danoises ou la bande-annonce intitulée «L’innocence des musulmans» (à défaut de la réalisation, le titre est si bien trouvé!). Rappelons-nous les innombrables tentatives d’interdire telle production artistique qui remet en question le Beau Modèle et ses disciples.

L’islam a emprunté un chemin "pavé d’interdictions de penser et de critiquer», observe Nagel. Un chemin que beaucoup de musulmans ici voudraient nous obliger à suivre. Un chemin que grâce au concept d’islamophobie, l’ONU, l’Organisation de la conférence islamique (OCI), de même que l’Union européenne imposent. Avec la complicité d’innombrables soutiens qui militent pour l’exonération de l’islam et de ses disciples de ce droit de critique.

 

 

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