Une autre vision sur le débat consacré à S. Keshavjee (02/05/2019)

Un lecteur, Gilles Vuilliomenet, m'a envoyé ce texte en commentaire. Vu sa longueur et son intérêt, je vous le livre en billet.

Je trouvais assez fort de tabac que pour démonter le livre de Shafique Keshavjee,  voire démonter l'auteur personnellement, il eût fallu organiser une conférence. Je l'ai déjà dit, ça sentait les procès staliniens. Je m'y suis rendu... Il y avait du monde et beaucoup de participants critiques.

Les premières présentations, celles d'un historien de l'islam et d'un sociologue, m'ont laissé un peu sur ma faim. J'ai davantage été déçu par la prestation du sociologue, j'avais l'impression d'assister à une pure analyse de texte sans profondeur. C'était d'autant plus amusant que justement, on nous serine que, dans le cas des textes religieux (sacrés), il ne faut les pas les prendre au premier degré. Or, voici justement ce qu'a fait Philippe Gonzalez. Parmi ses propos, nous avons eu droit à une sorte de diversion avec les méthodes des évangéliques américains. On peut les aimer ou non, jusqu'à ce jour, ils ne menacent pas de mort les déviants, ni ne les tuent. Ils défendent une vision assez traditionaliste de la vie. Bien sûr, il a fallu rappeler qui étaient les baptistes du sud des USA, leurs relations avec l'esclavagisme (oui, à l'époque, les chefs religieux faisaient des lectures de la Bible assez personnelles), il laissait entendre que les baptistes d'aujourd'hui partageaient la même vision que leurs pères.

Ce sont des procédés assez tordus, mais je passe, car en réalité, étant de formation technique, j'ai assez peu de respect pour ces sciences molles qui sont très souvent orientées idéologiquement et sont plus prisées par des gens de gauche que de droite. Il est vrai que ce sont des "sciences" idéales pour la propagande.

Séparer histoire et mythe

J'ai bien aimé, finalement, la présentation de l'histoire de l'islam par Wissam Halawi. Elle correspond à ce que j'ai pu lire sur l'Histoire de l'islam. L'historien fait bien la différence entre Histoire et mythe, ce qu'il a rappelé à plusieurs reprises. Il est dommage que le temps manquant, il n'ait pas pu parler du jihad, car je pense que c'est là le grand problème avec l'islam. Je dis bien islam, pour moi, il n'y a aucune différence entre islam et islamisme, cette différenciation est une création purement intellectuelle d'occidentaux. Certains propos du petit Iznogoud des Dardanelles nous le confirment. Cependant, pendant la séance de questions, Wissam Halawi a fait remarquer que le jihad n'avait pas toujours été défensif. C'est probablement pour avoir été pris à partie par ce qui me semble être un imam qu'il a réagi assez fermement. Il faut lire le fascicule dédié au jihad écrit par Sami Aldeeb pour s'en convaincre: 

https://www.sami-aldeeb.com/medias/2016/02/jihadamazon-1....  

C'est une étude, paraît-il, qui n'avait jamais été faite auparavant, d'où son intérêt.  

Je passerai sur l'intervention de Sandrine Ruiz, assez fade, une espèce de gloubi-boulga, il était assez difficile de savoir où elle voulait en venir, à part défendre sa religion mortifère dont elle ne connaît pas vraiment les textes selon son propre aveu. Autre aveu de taille: elle n'avait pas terminé le livre de Shafique Keshavjee  (à se demander si ça ne l'ennuyait pas de découvrir une partie de cet islam qu'elle idolâtre), ce qui me semble avoir un peu mis mal à l'aise le modérateur de cette conférence Michel Grandjean. Vous êtes invité pour parler, pour critiquer un livre, et vous avouez que vous n'avez pas tout lu, ça fait quand même assez tache! Cependant, je conseille à Madame Ruiz, et à tous les musulmans convaincus des fables qui leur ont été racontées depuis la petite enfance, d'écouter cette intervention d'une historienne tunisienne qui s'est penchée sur l'histoire de Mahomet et des quatre califes dits bien-guidés.

https://youtu.be/rmZq-VEalP8

Si vous l'écoutez jusqu'au bout, vous découvrirez ce que certains feignent d'ignorer, que l’État islamique ne fait que reproduire l'histoire de Mahomet qui leur a été racontée. Voici qui met à mal les accusations grotesques lancées contre Shafique Keshavjee qui se ferait, si nous les écoutions trop attentivement, presque, le porte-parole d'un Al-Baghdadi. J'en pleure de rire tellement ces accusations sont stupides et démontrent le déni de la réalité chez certains.

Déçu en bien

A l'heure d'aujourd'hui, les musulmans croient davantage la fable que l'Histoire. La raison est apparemment simple, Marie-Thérèse Urvoy nous le rappelle dans le dernier hors-série de "L'homme nouveau"; " Très tôt l’Islam s’est doté  d’une historiographie (biographie  du prophète, récits de ses campagnes,  biographies des compagnons et « suivants  », etc.) de valeur exemplaire.  Peu importe, pour le moment, l’objectivité  de cette historiographie ;  ce qui compte c’est que, comme  disait le sociologue américain Thomas,  «quand les hommes croient une situation réelle, elle est réelle dans ses conséquences »."

Un autre participant m'a déçu en bien (j'étais dans canton de Vaud, autant utiliser les locutions locales) est Michel Kocher, journaliste à la RTS. Disons que lorsque vous connaissez l'étiquette, vous sentez le gaucho-bobo. Qu'ai-je retenu de ses différentes interventions? Contrairement aux autres participants, Monsieur Kocher ne jette pas la pierre sur Shafique Keshavjee. Certains propos tenus dans le livre sont certes maladroits, mais ils questionnent. Il reconnaît que l'islam pose un problème qu'il ne faut pas évacuer d'un revers de main, que ce sujet doit être abordé sur la place publique avec des débats, ce que tous ces affreux islamophobes, ces fléaux de l'extrême-droââââte demandent depuis longtemps. C'est un peu trop facile de calomnier Shafique Keshavjee en l'accusant d'avoir les mêmes arguments que Daech.

J'ai remarqué que personne n'a osé parlé de l’État islamique, non, ils préféraient utiliser DAECH, son acronyme en arabe. Il faut juste rappeler que les membres de l’État islamique se réfèrent non seulement au Coran, mais aussi à la tradition et à la biographie de Mahomet. Sans oublier les exégètes et autres commentateurs du Coran, des juristes comme Averroès, oui, ce brave Averroès qui nous a fait découvrir Aristote par ses commentaires (Aristote était déjà connu depuis 50 ans par les chrétiens d'Occident avant sa découverte par les Arabo-musulmans) qui justifiaient le jihad guerrier, et pas uniquement le jihad dit défensif.

La parole au public

La séance de questions a été assez riche.  

La première question a porté sur les textes islamiques, c'est-à-dire sur les mythes de l'islam. Les questions ayant été posées à Monsieur Halawi, historien à l'UNIL, nous ne pouvions qu'arriver à un dialogue de sourds, car s'opposaient la vision fabulatrice de l'islam, celle racontée à la plupart des musulmans dès leur plus jeune âge et les visions historiques qui, malgré des lacunes, sont plus réalistes. J'aurais aimé que l'historien admette d'emblée cette opposition entre fable et faits historiques et qu'il relève que là est tout le problème que pose l'islam. C'est probablement pour cela qu'une auditrice a dit que deux des participants lui donnaient l'impression de chercher à noyer le poisson, ce dont ils se sont défendus.

D'autres questions et remarques ont été exprimées, mais la plupart du temps, ce sont des gens qui soutenaient Monsieur Keshavjee qui se sont exprimés.
Madame Vallette a cité un auteur intéressant, Abdelwahab Meddeb, un musulman dit réformiste, malheureusement décédé, qui s'est penché sur la maladie de l'islam. Bien sûr, c'est un penseur qui ne peut qu'attirer la sympathie par ses prises de positions, mais comme l'écrit Marie-Thérèse Urvoy dans le dernier hors-série de la revue "L'homme nouveau", faisant allusion au soufisme, "on doit considérer avec prudence les ouvrages ou les thèmes comme « l’islam sans soumission » de Abdennour Bidar, « l’islam religion virile » de Malek Chebel, ou encore « l’islamisme maladie de l’islam » de Abdelwahab Meddeb. Nous présentant un islam aseptisé, ils sont des prospectus publicitaires sans réel impact en terre d’islam, écrits pour rassurer les francophones, ce qui fait les délices de journaliste s« dont la suffisance n’a d’égal que l’insuffisance ».  

Pour conclure, les différentes interventions du public, mais aussi celles de Monsieur Kocher et certaines de celles de Monsieur Halawi ont été un sacré pied de nez au procès lancé contre le livre de Monsieur Keshavjee.

Il serait bien que tous ces débats et conférences, à défaut d'être filmés, soient enregistrés et mis en ligne. Ce serait aussi une manière d'amener le débat dans le domaine public. Je trouve dommage par exemple que le CSIS, la CFR et le Département fédéral de l'intérieur n'aient pas passé une vidéo de l'ensemble du colloque de la honte qui traitait de l'hostilité envers les musulmans, colloque tenu un ONZE SEPTEMBRE.

G. V.

12:27 | Tags : keshavjee, vuilliomenet | Lien permanent | Commentaires (6)