Hansjörg Schmid, créateur et directeur du Centre suisse islam et société (CSIS)
Snif snif! Le CSIS ne me cite pas. Ne me croit pas. Ne me lit pas ?
C’est dur pour mon ego, moi qui me penche sur ce centre depuis qu’on l’a déposé dans son berceau en 2015; qui le surveille comme le lait sur le feu et lui ai consacré 25 contributions et une brochure d’une cinquantaine de pages.
Cette ignorance est aussi dommageable pour le CSIS: il se prive d’une belle moisson d’informations! Témoin sa nouvelle étude: «Swiss Muslim Communities in Transnational and Local Interactions: Public Perceptions, State of Research, Case Studies» ("Les communautés musulmanes suisses dans les interactions transnationales et locales: perceptions du public, état de la recherche, études de cas". En anglais, car plutôt destinée aux pairs universitaires et européens qu’aux petits Suisses).
L’étude comprend près de 100 pages, mais pour nous, lecteurs ordinaires et pas forcément anglophones, un communiqué suffit. Les médias, «as usual», en reprennent docilement la substantifique moelle.
Les auteurs, Hansjörg Schmid, Noémie Trucco et Federisco Biasca nous confirment qu'en Suisse, les Frères musulmans, l’Arabie saoudite ou les Ahbash ont joué un rôle important dans la création et le développement d'associations et de mosquées. Mais que cette influence n’a pas été aussi grande que dans d'autres pays et que ces tendances «ont perdu de l'importance ces dernières années». Eh oui, tout n'allait déjà pas trop mal, et tout va de mieux en mieux.
Jai lu le passage consacré au "case study" du Centre islamique de Lausanne (CIL), qui préfère l'appellation Mosquée de Lausanne. Je la connais bien. Je me suis battue pour rendre publique sa vision de l'islam, sans conteste la plus haineuse de Suisse si l'on excepte Abu Ramadan.
Dans la description du CIL, on apprend que l’imam de la Mosquée, Mouwafac Al-Rifai, a été attaqué et blessé en 2004 par un musulman. L’imam est décrit tantôt comme dénonciateur des extrémistes, opposant véhément au wahhabisme, et tantôt comme formant lui-même des extrémistes. Ce que retiennent les auteurs de l’étude, c’est «la tension entre une position contre l'extrémisme et le discours rigoureux avec lequel le centre fonctionne de son côté.» Bref en langage non universitaire, il a tendance à enseigner ce qu’il dénonce.
Un article signale que le CIL était par le passé très lié aux autorités cantonales. C’est un des éléments centraux du message. Les chercheurs rappellent que lors de la création de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM), le CIL n’a pas voulu en faire partie.
Nous apprenons en vrac: quand le centre a été créé, par qui, son succès, le besoin de nouveaux locaux, leur inauguration…
En résumé, un texte brouillon et un choix d’informations à la logique mystérieuse (hors ce qui doit correspondre au message).
La Mosquée de Lausanne était donc un interlocuteur privilégié des autorités vaudoises, mais avec la création de l’UVAM, elle a progressivement perdu ce rôle, remplacée (c’est moi qui précise) par les amis du CSIS (membres de l’UVAM) et le CSIS lui-même qui est proprement obsédé par l’extension de ses liens et de ceux de ses protégés avec les pouvoirs publics. Le succès est d’ailleurs au rendez-vous: le bailleur de fonds de cette étude est le Département des affaires étrangères et d’autres services de l’administration fédérale financent (ou ont financé) le CSIS: Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation, Secrétariat aux migrations, Service contre le racisme, Office fédéral des assurances sociales, Police fédérale...
Cette recherche fait une tentative de description du courant Ahbash auquel appartient la mosquée, comme une demi-douzaine d’autres en Suisse. Elle conclut que «en dehors de leur position anti-wahhabite, l'identité des Ahbash est très difficile à définir». S’ils m’avaient lue, les chercheurs auraient pu poursuivre sur la doctrine. Rappel très succinct.
Comme son imam, le porte-parole du CIL Bassam Degerab, élu vert du Conseil municipal de Montreux, ne serre pas la main du sexe opposé «signe de respect pour les femmes (…) conforme au comportement de tous les prophètes».
Un article du site de la mosquée (supprimé depuis) interdisait aux musulmans de souhaiter les fêtes de Noël aux «mécréants» et se terminait par «Évitez les ennemis de Dieu durant leur fête.»
Une plainte est déposée en 2011 contre l’imam pour avoir publié un texte en arabe qui rappelle diverses sanctions de la charia, dont l’injonction à battre les enfants et tuer les adultes qui ne font pas la prière. Quelques enregistrements on été fournis, dont cette phrase à l’intention de Tariq Ramadan: «Mémorisez ça bien: celui qui cherche à plaire aux chrétiens et aux juifs, il s’attire la Colère de Dieu!»
Al-Rifai a été acquitté, il a droit comme tout le monde à la liberté de culte.
Je me suis battue contre le CIL à propos d’un lien de son site qui invitait ses adeptes à découvrir l’islam. Ahurissant d'obscurantisme, de haine des non-musulmans et de mépris des femmes! J’ai alerté des confrères, des politiciens, les autorités vaudoises. Ils n’ont pas été intéressés. Le CSIS non plus. Et puis, enfin, une dénonciation au procureur par notre avocat Charles Poncet a conduit une journaliste de 24 Heures à se saisir du sujet et à appeler la mosquée. Après avoir bredouillé une défense, le porte-parole a supprimé le lien conduisant à cette démentielles description de l’islam.
De tout cela, le CSIS ne dit mot.
Les chercheurs m’ont tout de même appris une ou deux choses. Par exemple que la mosquée a une capacité de 500 à 600 fidèles et que c’est l'un des centres les plus fréquentés de Lausanne et du canton de Vaud. Qu’il dispose d'espaces séparés pour les hommes et les femmes. Que l’imam est assisté par une dizaine d'enseignants qui «font office d'imams secondaires». Que le centre enseigne l’arabe et l’islam aux enfants dans son école qui «compte 40 professeurs».
Même éloigné des autorités, le succès ne se dément pas. Mais qu'en est-il de la doctrine?
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