Exception dans ce blog: je reprends intégralement l’analyse d'Eric Leser dans Slate.fr. Son titre original: "L’émotion légitime face aux civils martyrisés de Gaza ne doit pas faire oublier qui a provoqué la guerre et qui y a intérêt"
C'est moi qui ai ajouté l'illustration.
Il suffit pour alimenter ce manichéisme d’images, révoltantes et insoutenables, d’enfants et de femmes ensanglantés. Peu importe si l'outrage est sélectif et si les victimes à Gaza comptent mille fois plus que celles de Syrie ou d’Irak. Une disproportion encore plus spectaculaire que celle entre le nombre de morts à Gaza et en Israël.
Mais le plus troublant tient au déni ou à l’oubli de l’enchaînement des faits et des responsabilités. L’amnésie et l'ignorance sont devenues la règle.
Qui a intérêt à la guerre?
Rappelons donc qu’Israël a accepté un cessez-le-feu proposé par l’Egypte dès le 16 juillet, avant l'attaque terrestre, que le Hamas a refusé. Que le Hamas a encore refusé samedi 26 juillet en fin de journée l'extension du cessez-le-feu acceptée par Israël et a recommencé à tirer des roquettes. Israël tente d’éviter les morts civils en prévenant les habitants d’évacuer les zones de combat ce qui met en danger parfois ses propres soldats. Plus facile à dire qu’à faire dans une enclave aussi réduite, aussi peuplée, dans des combats de rues et dans le brouillards de la guerre. C’est indéniable.
Mais plus cyniquement, Israël n’a absolument rien à gagner à tuer et blesser des civils devant les caméras de toutes les chaînes de télévision de la planète. Pour reprendre une expression un peu facile de Benjamin Netanyahou:
«Israël utilise ses missiles pour défendre sa population et le Hamas sa population pour défendre ses missiles».
Venons-en au fond et au fameux «cycle de violence» pour reprendre le cliché journalistique sans cesse asséné. Israël n’a également aucun intérêt à la perpétuation du cycle en question. Le Hamas lui y a un intérêt. Sa seule façon de conserver une légitimité, c'est de faire la guerre. Et si Benjamin Netanyahou est éminemment critiquable, c’est pour s’être laissé entraîner dans ce conflit pour défendre ses citoyens contre les tirs de roquettes… et de missiles.
Car il ne s’agit pas seulement de roquettes à la mode soviétique de la seconde guerre mondiale. Les engins qui ont atteint Tel-Aviv et le nord d’Israël pèsent des centaines de kilos, ont pour nom Fajr-5 et sortent directement de l'arsenal iranien. Tout comme Bachar el-Assad, le dictateur syrien, le Hamas est un client et un obligé des mollahs de Téhéran.
Gaza n'est plus occupé depuis 2005
Tout le monde feint aujourd’hui de l’ignorer, mais la raison d’être proclamée et officielle du Hamas est l’éradication d’Israël et des juifs qui y habitent. Le Hamas, considéré comme un mouvement terroriste par l'Union Européenne et les Etats-Unis, combat l’occupation. Le problème, c’est que Gaza n’est plus occupé depuis près de dix ans!
En 2005, les télévisions du monde entier montraient l’armée israélienne chassant par la force les colons des toits des synagogues des implantations à Gaza, détruisant leurs habitations, expulsant ces citoyens et rendant chaque centimètre de l’enclave aux palestiniens.
Ariel Sharon voulait faire de ce retrait unilatéral le modèle d’une cohabitation future entre deux Etats. Israël avait ainsi transmis aux habitants de Gaza 3.000 serres qui produisaient des fruits et des fleurs pour l'exportation. L’ idée était de favoriser les échanges commerciaux et le développement de Gaza notamment avec l’aide internationale. Il n'était pas question de blocus, au contraire.
On peut ajouter que les précédents «suzerains» de Gaza, les Egyptiens jusqu'en 1967, les Britanniques jusqu'en 1948 et les Ottomans jusqu'en 1917 n’avaient jamais donné une telle chance aux Gazaouis.
Qu’en ont-ils fait? Ils ont détruit les serres et mis au pouvoir le Hamas quelques mois plus tard. A l’issue d’un conflit parfois sanglant avec l’Autorité Palestinienne (113 morts), le Hamas a définitivement imposé sa dictature à Gaza en 2007 et a fait de l’enclave une base militaire impressionnante devenue une menace pour tout Israël du sud au nord et même pour le Sinaï égyptien.
Il y avait près de 1.200 tunnels de contrebande sur les 14 kilomètres de frontière entre Gaza et l’Egypte avant que le Caire ferme hermétiquement sa frontière! A la place d’infrastructures financées par la communauté internationale et notamment l’Europe, des centaines de kilomètres de tunnels bétonnés et électrifiés (en tuant plus de 160 enfants pour les construire), des fabriques d’explosifs et de roquettes et des entrepôts et des centres de commandement dans et à proximité des hôpitaux, des écoles, des mosquées et des immeubles d’habitation. Résultat, il y a eu trois guerres: en 2009, 2012 et maintenant 2014.
«La guerre, c'est la paix»
Les milliers de roquettes et de missiles lancés sur les villes israéliennes n'ont qu’un seul objectif: provoquer la riposte. Leur utilité militaire et stratégique est proche de zéro. Même Mahmoud Abbas, le Président de l’Autorité Palestinienne, s’est ouvertement interrogé:
«Qu’est-ce que vous cherchez à faire en envoyant des roquettes?»
Le Hamas cherche à prouver au monde «l’inhumanité» des Israéliens. Il y parvient assez souvent. Les images de la guerre ont été uniquement celles de soldats et de matériel de guerre israéliens à l'œuvre, de civils gazaouis martyrisés et de destructions. Où étaient les combats, les combattants islamistes, les roquettes, les mortiers, les rues et les maisons piégées, les bunkers…?
Résultat, dans notre monde orwellien où les mots n’ont plus beaucoup de sens et les médias sont pavloviens, ceux qui veulent la guerre sont les victimes et ceux qui y sont entrainés les bourreaux. Pour paraphraser George Orwell dans 1984, «la guerre c’est la paix» et la «vérité c’est le mensonge».
Exceptionnellement encore, je n'ouvre pas les commentaires.
Dans le déchaînement de haine qui s'exprime lors de chaque guerre israélo-arabe contre les Israéliens et de plus en plus les juifs, les faits politiques, militaires et historiques ont peu d’importance. Les étranges alliances qui se constituent alors entre extrême gauche, islamistes et extrême droite s’appuient sur une vision du monde simpliste mais efficace. Il y a les bons et les méchants, les bourreaux et les victimes.