Vous êtes invités à assister au débat le plus faisandé du moment. Quatre débatteurs soutenus par un modérateur vont s’atteler à démolir les thèses du livre du pasteur Shafique Keshavjee.
Pierre Gisel, théologien protestant et organisateur de la soirée, a proposé un débat à Shafique Keshavjee. Condition implicite: le pasteur serait face au minimum à deux adversaires. Devant le refus de l’intéressé, pour le principe, Gisel a proposé d’autres configurations, toutes aussi déloyales: 2 contre 4 adversaires, puis 1 contre 3. Et les invités proposés par l’auteur (Michel Onfray, Sami Aldeeb, Saïda Keller-Messahli, Djemila Benhabib) ne convenaient pas à Gisel.
Keshavjee a aussi proposé que ne soient invitées que des personnalités qui ont écrit au moins un livre sur l’islam. Damned ! C’est tout le casting de Pierre Gisel qui s'effondrait! Logique refus.
Ils seront donc 41/2 le 29 avril contre 0, sans la présence de l’accusé.
Quelles formations se sont unies pour soutenir cette condamnation de la maltraitance d’Allah et de son prophète? Exclusivement des chrétiens et principalement des protestants : Le dialogue interreligieux-Eglise catholique et Eglise réformée, l’Office Eglise et société(EERV), le Dpt de Formation et accompagnement des adultes (Eglise catholique). Réformé.ch a publié l’article le plus assassin envers Keshavjee.
Le succès d’un livre (plus de mille exemplaires vendus) qui cible les textes fondateurs de l’islam appelle ces bienpensants à leur nouvelle grande mission évangélique: défendre Allah et ses dévots.
En résumé, qui est invité à « décrypter » les écrits du théologien?
Wissam Halawi
Pour Halawi, «L’islam conquérant» est «un ouvrage désolant, fantaisiste qui aurait dû passer inaperçu». Manque de chance, il n’a pas passé inaperçu. Cet enseignant à l’uni de Lausanne s’est donc fendu d’un contre-feu ma foi assez confus sur la RTS.
Son arme imparable pour contredire tous les aspects que le pasteur, mais aussi des spécialistes musulmans et non musulmans reprochent à l’islam: le contexte. Chaque fois que des versets ou des injonctions vous choquent, prenez un livre d’histoire et remettez dans le contexte. Par exemple, le suprématisme de l’islam, le jihad ou la mort pour apostasie … Et sachez que toutes ces choses ont été contestées par des juristes de l'islam.
Halawi nous rappelle que l’on ne sait pas grand-chose de Mahomet, que les hadiths ont été fixés longtemps après la mort du prophète et que même ceux de Muslim ou Bukhari peuvent être remis en question, ce que d’ailleurs des "savants" font. Idem pour la Sira (biographie du prophète). Et la charia. De plus, il y a dans ces textes fondateurs plein de contradictions. On peut trouver de la violence et des choses parfaitement humanistes. Si quelqu’un prend le Coran et le lit littéralement, déclare même l'enseignant, «il ne saura rien»… Sauf s'il étudie parallèlement les conflits des empires, des tribus, des régions, bref les contextes de l’époque.
Dur-dur pour un musulman lambda et même pour un imam, de savoir ce qu’il lit, ce qui ne dépend pas du contexte, ce qu’ont vraiment dit son Dieu et son prophète…
Sandrine Ruiz
Elle est présidente de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM. Elle s’exprime peu sur des questions de fond. Sur la forme, son équipage donne une idée du genre d’islam auquel elle adhère et il nous dit surtout qu’elle adhère à l’islam. Et pourtant, elle ne comprend pas pourquoi on la considère d’emblée comme musulmane plutôt que comme n’importe qui...
Philippe Gonzalez
Il est sociologue. Après avoir vainement tenté de nous convaincre du redoutable danger de l’évangélisme, il s’est tourné vers la défense de l’islam, nettement plus prometteuse pour sa carrière. Il est membre de la commission du Conseil d’État vaudois qui traite les demandes de reconnaissance des communautés religieuses.
Michel Kocher
Journaliste et théologien, directeur de Médias-Pro (Conférence des Eglises réformées romandes), membre de la rédaction RTSreligion. Il a réalisé une des meilleures interviews de Keshavjee et peut-être n’est-il pas farouchement opposé à ses thèses. Mais un journaliste se doit d’être extrêmement prudent sur cette question s’il tient à garder son job.
Michel Grandjean, professeur de théologie du christianisme sera le modérateur, pardon «le président» de la soirée. Il caricature les propos de Keshavjee -qui en sait infiniment plus que lui sur l'islam- dans l’article cité de «Réformés» qui exécute en quelques lignes ce livre si dangereux pour les amoureux d’un islam imaginaire.
Je suis curieuse d’assister à cet événement original et j’encourage ceux qui le peuvent à m'imiter. Les propos de ses opposants sont toujours plus instructifs que ceux de ses partisans.
Bref, dommage que cette petite coterie de chrétiens et musulmans montre ainsi son incapacité à débattre. De leur côté, après comme avant ce 29 avril, Keshavjee et son livre poursuivent leur bonhomme de chemin: demandes de conférences, multiples contacts et remerciements, traductions en anglais et en allemand. Des exemplaires ont été envoyés à des responsables d’Églises africaines victimes de discriminations et de persécutions et qui n’arrivent décidément pas à remettre ce qui leur arrive dans le bon contexte.
P.S. Le jeudi 9 mai à 20heures, le pasteur présentera son livre à l’Eglise Saint-Laurent de Lausanne. Deux intervenants ouvriront le débat: Marie- Hélène Miauton, chroniqueuse au Temps, et Jacques Neirynck, ancien conseiller national.
Des organismes chrétiens organisent une soirée destinée à torpiller le livre du théologien Shafique Keshavjee.