Aujourd'hui, les fondamentalistes soufflent sur les braises d'une l'intolérance religieuse qui se déploie dans un terreau fertile, forgé depuis 14 siècles, soit depuis la conquête de l'Egypte chrétienne. Les interdits traditionnels (épouser un chrétien pour une musulmane, se convertir au christianisme, faire du prosélytisme non-islamique, etc.) sont scrupuleusement respectés.
Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, qui fut journaliste au Monde, apporte un remarquable éclairage sur l'histoire des coptes dans «Le radeau de Mahomet» (1983). C'est de lui que les citations qui suivent sont tirées.
L'auteur remarque que Mahomet, qui reçut en cadeau une concubine copte, a selon les hadiths défendu ce peuple. Les coptes ont été malgré tout traités par la majorité musulmane comme les autres religions, en "dhimmi".
Durant plus 14 siècles de soumission et d'humiliation, les coptes ont vécu dans une insécurité permanente. Leur traitement a constamment dépendu de l'humeur du maître du moment. Un exemple: «Un calife fatimide, Aziz (976-996), le plus bénéfique sans doute de cette dynastie, voulut même réaliser l'égalité entre chrétiens et musulmans dans son empire. Il fit personnellement construire des églises (...) Mieux encore, le calife refusa de punir les musulmans de naissance ou de choix passant ou repassant au christianisme. Les coptes respirèrent. Ils crurent les épreuves terminées. Aziz mourut. Lui succéda son fils, Hakem, âgé de onze ans. (...) il inaugura sa majorité, nous rapporte le mémorialiste Ibn Qalamisi, en confirmant dans leurs postes les fonctionnaires dhimmis (...) Le jeune calife s'attacha comme secrétaire un copte. Puis un beau matin, il le fit assassiner. La roue avait tourné. La suite est une horreur.»
Les discriminations vont de l'impossibilité à occuper des postes administratifs aux obstacles souvent insurmontables en matière de rénovation ou de construction d'églises. La mention de la confession sur les papiers d'identité facilite les mauvais traitements. Le moindre différend dans des quartiers ou immeubles mixtes peut dégénérer et la justice étant exclusivement entre les mains des musulmans, il n'est pas rare que les victimes soient déclarées coupables.
Je me souviens des récits que racontait à la radio un professeur copte de Paris il y a quelques années, notamment le meurtre d'une copte par des musulmans parfaitement connus et qui s'est conclut par la condamnation de coptes de la famille. Au milieu de l'interview, ce professeur s'était mis à pleurer.
Les coptes ont tenté deux fois, en 1911 et 1978, de demander l'abolition des discriminations qui les frappent. Sans résultat. Depuis 1972, sous l'influence des Frères musulmans et des salafistes, les attentats ont repris: églises brûlées, vols, insultes, assassinats. Les coptes ont accusé Sadate, qui donnait des gages aux islamistes, de ne rien faire pour les protéger. L'Occident si prompt à prendre la défense des peuples persécutés et des génocides culturesl, a toujours montré la plus grande indifférence face à cette population.
En juin 1981, un incident déclenche une bataille, puis un carnage atroce commis par des musulmans contre des coptes durant plusieurs jours, sous les yeux de forces de l'ordre impassibles. Ce fut une « Saint-Barthélemy de l'Orient », affirme le journaliste. Le 6 octobre suivant, Sadate est assassiné. Moubarak ne fera rien pour effacer les discriminations.
Pour l'heure, le Printemps égyptien, qui a permis la sortie de prison de tant de Frères musulmans (certains il est vrai victimes de procès sommaires), n'a pas annoncé d'avenir plus souriant pour les coptes.
Pourtant, après cette dernière manifestation meurtrière, de multiples réactions de l'intérieur ont appelé à la pacification.
Peut-on aller jusqu'à espérer que les paroles se traduisent en actes et qu'un Printemps des coptes éclose, soit l'égalité des droits entre religions?
Pour d'autres infos: voir Contre-Chant
08:49 Écrit par Mireille Vallette | Lien permanent | Commentaires (11) | Envoyer cette note | Tags : coptes, egypte, persécutions | | del.icio.us | Digg | Facebook | |
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Commentaires
"Pourtant, après cette dernière manifestation meurtrière, de multiples réactions de l'intérieur ont appelé à la pacification."
Oui, c'est récurent, comme après la boucherie de Louxor, comme après la tuerie d'Alexandrie de Noël passé et comme certainement après le prochain pogrom. Dans l'intervalle, je crains que dans leur exode programmé, les Coptes ne retrouvent en Shenouda III non pas l'âme d'un Moïse mais plutôt celle du joueur de Hamelin.
Écrit par : Giona | 11/10/2011
Ces pogroms anti coptes sont une honte pour l'Egypte et pour l'Islam en général !
Que font les dirigeants politiques égyptiens, que font les hauts dignitaires religieux qui donnent le ton du haut des minarets d'Al-Azahar ? Rien !
Je ne parlerai même pas du silence assourdissant d'Hani Ramadan, proche des Frères musulmans, petit-fils du fondateur de cette secte et Genevois d'adoption.
On aimerait entendre s'exprimer à ce sujet le Directeur du Centre islamique de Genève, on aimerait l'entendre condamner haut et fort ces massacres et ces discriminations d'un autre âge, avec la même force avec laquelle il avait défendu la lapidation des femmes adultères dans une tribune libre publiée dans "Le Monde" (10 septembre 2002) "La charia incomprise" :
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=771330
http://www.comores-online.com/mwezinet/religion/charia.htm
Que cessent ces discriminations et stigmatisations des coptes !
Écrit par : Jean d'Hôtaux | 11/10/2011
@Jean d'Hôtaux
Espérer que les défenseurs locaux de l'Islam, qui se plaignent depuis des décennies du sort affreux qui leur est réservé chez nous, élèveront la vois pour se démarquer de certaines pratiques discriminatoires violentes sanctionnées par le Coran (ou du moins la lecture qu'en font les autorités religieuses les plus retrogrades) c'est faire montre d'un très grand optimisme. Mais cela, vous le savez certainement.
Écrit par : Mère-Grand | 12/10/2011
Comment voulez-vous que les frères Musulmans et Tariq et Hani Ramadan en autres s'élèvent contre ces attaques ignobles? Ils sont dans le déni.
Comment voulez-vous qu'ils reconnaissent la vérité? Ils préfèrent l'ignorer. Et pourtant ils la perçoivent comme tout un chacun.
Une personne sensée, intelligente ne peut que s'élever contre la barbarie: massacre des coptes, lapidation, terrorisme au nom de l'islam et s'indigner lorsque que Mahomet RECOIT EN CADEAU une concubine copte.
Les frères Ramadan préfèrent à la réalité les contes et légendes terrifiants, ils se noient dans l'imaginaire pour échapper à leur conscience. Ils se taisent sur les crimes perpétrés (le réel))par la communauté religieuse alors qu'ils se taisent aussi sur l'improbsbilité d'un au-delà. (irréel)
Écrit par : Noëlle Ribordy | 12/10/2011
"Alors que la communauté copte d'Egypte pleure ses morts après des affrontements avec les forces de l'ordre, le pape Benoît XVI a appelé mercredi 12 octobre les Egyptiens à "sauvegarder la coexistence pacifique" entre les communautés et soutenu "les efforts des autorités civiles et religieuses" pour la préserver."
L'envoyé permanant de la TSR en Egypte parlait, hier, lui, d'une certaine tolérance à l'égard des chrétiens au sein de la classe sociale élevée musulmane mais que cette tolérance se transforme en franche hostilité plus bas dans l'échelle sociale c'est à dire au sein de l'écrasante majorité du peuple Egyptien.
Bref, entre Shenouda III qui rêve, Benoit XVI qui nie la réalité et l'occident qui s'en tape, les Coptes m'ont l'air, pour le moins, assez mal barrés.
Écrit par : Giona | 12/10/2011
@ Mère-Grand :
Si j'ai cité Hani Ramadan, c'est avant tout parce qu'il est Suisse, musulman et de surcroît d'origine égyptienne, qu'il défend sur son blog toutes les causes de l'Islam en Occident et notamment la cause palestinienne, une cause certes louable en soi.
Mais que meurent des Egyptiens de confession chrétienne, écrasés par les chars de l'armée ou tirés comme des lapins, que les Coptes soient discriminés dans la société égyptienne, traités de citoyens de seconde catégorie, empêchés de pratiquer librement leur religion, alors là c'est silence radio, pas un mot, rien, Hani Ramadan ne se sent pas concerné, il ne s'exprime pas sur un sujet qu'il est pourtant censé connaître parfaitement.
Par conséquent j'en déduis que M. Hani Ramadan cautionne le régime égyptien et sa discrimination à l'égard des Coptes.
Cette posture est lâche et ne l'honore pas !
Écrit par : Jean d'Hôtaux | 12/10/2011
@Jean d'Hôtaux
J'espère que vous avez compris que j'étais entièrement d'accord avec vous.
Écrit par : Mère-Grand | 13/10/2011
Je vous ai parfaitement compris Mère-Grand ! ;o)
Écrit par : Jean d'Hôtaux | 13/10/2011
"et notamment la cause palestinienne, une cause certes louable en soi."
Elle ne sert qu'à attiser la haine et à faire bouillir la marmite propagandiste. Ces extraits vous édifieront peut-être :
(....)
"L’expert d’origine iranienne Amir Taheri* estime(extraits ; références et source en bas de page)
(.....)
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Amir Taheri : Dans le cas de la Palestine, le problème est à la base. De création récente, l'Etat moderne est l'expression politique de l'existence d'une Nation. Il faut qu'il y ait d'abord une Nation, pour que l'on cherche ensuite un Etat qui exprime son existence. La Palestine est-elle une Nation, dans le sens moderne du terme tel qu'il est décrit par Johann Gottfried Herder a la fin du 18ème siècle ? Cette question pourrait surprendre, voire fâcher. Pourtant, pas un seul parmi les douzaines de partis politiques ayant revendiqué la représentation des Palestiniens au cours de ces 70 dernières années ne s'est jamais présenté comme national. Des termes comme "Nation" ou "national" ne figurent pas dans la désignation de mouvements tels le Fatah ou le Hamas. Ces mouvements, ainsi que plusieurs autres, plus petits, préfèrent plutôt l'utilisation d'adjectifs comme "islamique" et "populaire". Il est sous entendu que les Palestiniens sont, au mieux, un "peuple", mais pas une Nation. Ils sont perçus comme faisant partie, soit d'une plus grande et mythique "Nation" arabe, soit d'une Oummah islamique, autrement plus problématique. Epousant des idéologies gauchistes ou islamistes, les formations politiques palestiniennes ont systématiquement rejeté le concept d'une Nation, pierre angulaire de l'Etat moderne. Le contraste avec les mouvements modernes de libération nationale de par le monde est révélateur. Pour eux tous, le terme de "Nation" est à la clé de leur identité. Nous avons ainsi le Congrès National Africain en Afrique du Sud, et le Front de Libération Nationale en Algérie. Et quoique dominé par le communisme, même le Viêt-Cong s'est déclaré être un front de libération nationale.
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Amir Taheri : Islamistes ou gauchistes, les mouvements politiques palestiniens traitent la Palestine comme une "cause", plutôt qu'un projet politique. Mais quelle est donc cette "cause" ? Celle-ci a été clairement présentée par le dirigeant du Hamas, Khaled Mechaal, dans un discours à Téhéran le 3 octobre. "Notre but, indique-t- il, est de libérer toute la Palestine, de la Rivière à la Mer". En d'autres termes,le but n'est pas de donner un Etat aux Palestiniens mais de détruire Israël. Ramadan Abdallah Shallah, dirigeant du Jihad Islamique pour la Palestine, était encore plus explicite. "Lorsque nous prendrons le pouvoir, nous ne permettrons pas au régime sioniste de vivre un seul instant", a-t-il déclaré à Téhéran. D'après le quotidien Kayhan, daté du 4 octobre, les deux hommes ont rendu hommage au "Guide Suprême", Ali Khamenei, en tant que celui qui aura le dernier mot sur la Palestine. "Le vénérable Commandeur de la Révolution Islamique, l'Imam Khamenei, est notre guide et notre leader", a dit Mechaal. "Ses désirs seront la cause des Palestiniens. Khamenei est notre souverain et maître". Bien entendu, ce n'est pas la première fois que des dirigeants palestiniens mettent "la cause" aux enchères. Il fut un temps ou l'on se répandit en obséquiosité à l'égard de Nasser, "guide et maître". En 1991, Yasser Arafat avait vendu "la cause" à Saddam Hussein. Quelques années plus tard, à Oslo, il l'a revendue à Shimon Peres. Dans son discours, Khamenei a promis qu'une fois Israël détruit, il organiserait un référendum dans lequel les Palestiniens du monde entier et quelques citoyens d'Israël décideraient du sort de la "Palestine libérée".
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Amir Taheri : Les mauvaises langues à Téhéran racontent, qu'une des options pourrait être le rattachement de la "Palestine libérée" à l'empire de l'Imamat de Khamenei. Ce n'est pas une vue de l'esprit. Après tout, Nasser(ndmg - à l’époque où il était Chef d’Etat égyptien) avait, lui aussi, espéré annexer la "Palestine libérée" à sa République Arabe. Saddam Hussein rêvait de transformer la Palestine en "comptoir méditerranéen" de l'Irak, un plan qui aurait également impliqué la destruction de la Jordanie en tant que pays indépendant. Hafez el Assad avait fantasmé d'intégrer la Palestine dans une "Grande Syrie". La flagornerie de Mechaal et de Shallah à l'égard de Khamenei signifie qu'il n'y a pas de "Nation" palestinienne. Une Nation souveraine ne demanderait pas qu'un dirigeant d'un pays étranger décide de son avenir. La quête d'un Etat palestinien commence chez les Palestiniens eux-mêmes. Ils doivent décider s'ils sont une Nation moderne, ou bien un fragment d'une entité plus large, échappant à leur contrôle. Une fois parvenus à une conscience propre d'une Nation, ils pourraient chercher une expression étatique dans des territoires ou ils sont majoritaires (ndmg - l’auteur mentionne surtout le Hamas, mais il en va de même du Fatah, dont « l’Autorité palestinienne » et le « Président » Mahmoud Abbas ne sont que la façade). Cela n'exclurait pas des revendications territoriales contre des voisins (la plupart des membres de l'ONU ont des revendications semblables vis-à-vis un ou plusieurs de leurs voisins). Cependant, en tant que membre de l'ONU, un Etat ne peut adopter la destruction d'un autre Etat membre comme sa "cause". La Palestine doit choisir ce qu'elle veut être : une "cause" ou un Etat, conclut Amir Taheri.
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* Amir Taheri est né à Ahvaz, dans le sud-ouest de l'Iran, et a fait ses études à Téhéran, Londres et Paris. Il était rédacteur-en-chef exécutif du quotidien Kayhan, à Téhéran (1972-1979). Entre 1980 et 1984, il est rédacteur pour le Proche Orient au Sunday Times. Entre 1984 et 1992, il est membre du comité exécutif du International Press Institute (IPI). Entre 1980 et 2004, il rédige article
« Dans l'œil du copte, il y a quatorze siècles d'incertitude et d'anxiété. » J.-P. Péroncel-Hugoz
Que va faire le nouveau pouvoir égyptien à l'égard des femmes et des coptes, deux populations jusqu'ici discriminées dans les faits et dans la législation? Les coptes en tout cas ont de quoi s'inquiéter. Depuis 30 ans, l'avancée des Frères musulmans va de pair avec une augmentation du harcèlement et des attentats. Une église égyptienne a été incendiée la semaine dernière. Et samedi, lors d'une manifestation de protestation contre cette attaque, 25 personnes, toutes coptes semble-t-il, ont été tuées par la police. Notons que c'est grâce à une contre-manifestation de musulmans que les violences ont cessé.
Depuis le début de l'année, c'est le troisième incident meurtrier visant les chrétiens. Le 7 mai dernier, 15 personnes ont été tuées et 200 blessées lors de l'attaque de deux églises par des fanatiques musulmans. Et le jour du nouvel an, un attentat contre une église d'Alexandrie avait fait 21 morts et 79 blessés.