La semaine dernière, le service égalité de l’université organisait l’une de ces fêtes du foulard en compagnie des progressistes du Bureau de l’intégration (BIE) et d’une professeure d’arabe. Dame, il s’agit de rentabiliser une opération fort onéreuse pour les pouvoirs publics. Dans l’aula, de nombreuses universitaires musulmanes, dont quelques dizaines voilées, qui qualifient volontiers les critiques du foulard de racistes.
Une des manipulations favorites de notre élite, suivie par des médias enthousiastes, ce sont les expositions. On
célébrait ce soir-là la dernière en date, que les services cantonaux d’intégration s’arrachent déjà, «Face à elle». La précédente, «Voile et dévoilement», poursuit sa triomphale tournée depuis 2013. Elle part de l’Antiquité pour nous expliquer à quel point le foulard n’est pas une affaire musulmane et nous inculquer l’apprentissage de la différence.
La nouvelle frôle le néant: le photographe Denis Ponté a tiré le portrait de 54 musulmanes, dont la moitié voilée. Les photos sont parfaites, mais on se demande bien ce que ce défilé de visages veut nous dire: que les femmes musulmanes sont «comme vous et moi»? C’est ce que suggère un diaporama muet où défilent les portraiturées avec de passionnants sous-titres tels que: «J’aime aller me baigner à la piscine de Lancy», «J’aime les arts martiaux», «Je suis éducatrice»…
…Comme vous et moi ? Oui, avec juste une petite différence, elles sont musulmanes. Le photographe qui dit ne pas s’être intéressé à la religion, mais avoir tout de même fait œuvre militante, n’éclaire pas cet obscur débat. Heureusement, de multiples satellites sont prévus autour de cette planète, dans les services de l’État et de la Ville, qui explicitent les objectifs: valorisation de la diversité, lutte contre les préjugés et ce soir-là, croisade pour l’emploi des femmes voilées.
Pour faire avaler le couvre-chef islamique, des comparaisons chocs
La professeure Silvia Naef définit le foulard comme «un morceau de tissu couvrant les cheveux». Elle n’a pas encore remarqué que le corps lui aussi est recouvert. L’une de ses manies est de cracher sur nos mœurs (et sur celles d’autre sociétés) pour minimiser le sort que réserve l’islam depuis 14 siècles aux femmes: «Le christianisme est le seul monothéisme à avoir imposé le voile par écrit.» «Trouverait-on le voile gênant s’il était le fait de bouddhistes?» «Nous ne voyons pas à quel point le monde musulman a évolué», «L’infanticide féminin est interdit en islam, mais pratiqué en Inde et Chine.»
Dédouaner l’islam est sa mission. Elle la traduit ainsi: «Le rôle de l’uni est d’aider le grand public à décrypter les phénomènes actuels.»
Le grand public heureusement ne s’en laisse pas conter et les visiteurs de ces grandes œuvres se recrutent dans les mêmes milieux que ceux qui les produisent. Mais si les citoyens ont le choix d’y aller ou non, ils n’ont pas celui de les financer ou pas.
Ni notre professeure, ni personne lors de cette soirée ne se demandera pourquoi la religion d’Allah réclame le port du foulard. Personne ne fera la moindre allusion à la doxa, ne citera toutes ces féministes musulmanes pour lesquelles la dissimulation du corps et des cheveux n’a qu’un but, depuis toujours: aider les hommes à réfréner leurs pulsions.
C’est l’enseignante et militante infatigable du foulard Lucia Dahlab, chaleureusement remerciée, qui a suggéré au BIE cette opération. Elle ne rappelle pas ce qu’elle disait à un média avant d’avoir appris à «communiquer»: «J’ai lu le Coran et c’est devenu une évidence: il fallait que je me couvre.» A ses yeux, précisait la journaliste, la règle ne souffre aucun relâchement: elle doit se couvrir devant tout homme pubère, dans la rue et au moment des cinq prières. Et en classe? «Dans notre école, nous travaillons souvent avec les portes ouvertes. Des hommes peuvent me voir en passant dans le couloir. C’est pourquoi je préfère garder mon foulard sur la tête.» (L’Illustré 23.10.1996). Elle est allée jusqu’à la Cour européenne de Strasbourg pour exiger de garder son fichu en classe. La Cour l’a déboutée.
«Nous redécouvrons l’islam!»
Personne ne se demandera non plus à quelles autres injonctions islamiques se soumettent ces femmes. A l’occasion d’une intervention mentionnant le regroupement familial, origine suggérée de l’apparition du foulard, une étudiante observe, un rien méprisante: «Mais c’était il y a 50 ans. Ces femmes portaient un foulard, parfois léger, par tradition. Nous, nous redécouvrons l’islam!»... Qui prévoit aussi, entre autres, l’obligation de faire cinq prières par jour à heure fixes ce qu’à notre connaissance, les entreprises n’autorisent pas. Pourquoi ne pas mettre cette nouvelle lutte contre les discriminations à l’agenda?
L’offensive de la soirée se poursuit avec Badia El Koutit qui tente, avec peu de résultats se plaint-elle, et malgré les subventions de la Ville et de l’Etat, de convaincre les entreprises d’engager les protégées en foulard de son association. Même sa grande manifestation avec Hani Ramadan en faveur de la cause n’a rien donné!
Le Délégué à l’intégration, le socialiste Nicolas Roguet, rappelle ses deux missions: intégrer et lutter contre les discriminations. Pour lui, le refus du foulard en est une. Il raconte avec fierté l’un de ses combats: il a tenté de faire plier les pharmaciens qui refusaient des stagiaires voilées. La souffrance de ces étudiantes l’a beaucoup ému, «certaines pleuraient». Mais les pharmaciens craignaient un effet secondaire majeur: une perte de leur clientèle qui n’est pas toute féministe, de gauche ou simplement «tolérante». Pas avare de nos sous, le délégué s’est dit prêt effectuer un sondage qui permettrait de vérifier la fidélité des patients devant l’étendard musulman. Tractations, forte résistance… Un pharmacien a proposé le port d’un voile léger, mais les imams consultés ont été clairs: pas question de laisser apparents «le cou et les oreilles»!
Comme le gourou des sunnites Youssef Al Qaradawi le rappelle: «La femme doit se voiler devant les hommes qu’elle peut épouser et devant les femmes non musulmanes. Ses parties intimes correspondent à la totalité de son corps, sauf le visage et les mains.»
Brigitte Mantilleri, grande prêtresse de l’égalité des sexes à l’université et animatrice de la soirée, est un peu fâchée que son collègue ne l’ait pas appelée à la rescousse pour les pharmaciennes-stagiaires. Mais elle se rachètera: l’une des victimes pharmaceutiques est dans la salle, elle cherche depuis une année un stage. Brigitte va s’en occuper toutes affaires cessantes.
Lors du débat, aucune voix discordante ne se fera entendre. Une intervenante dissidente était prévue, Saïda Keller Messahli, qui pour raison de santé a dû se désister. «Le message qu’elle voulait délivrer, tient à informer Brigitte Mantilleri, c’est que l'islam pacifique est majoritaire». Il ne fallait pas casser la belle harmonie. En fait, Saïda est surtout une adversaire résolue du voile. De tous les voiles!
Nicolas Roguet, découragé par l’inefficacité des semaines antiracistes, entend faire un pas de plus: «Proposer une politique publique de lutte contre les discriminations dès 2016».
2016? L’année où sera traité le projet de loi du gouvernement genevois sur la laïcité. Il prévoit d’interdire aux fonctionnaires en contact avec la population «d’afficher leur appartenance religieuse, que ce soit par des signes ou par des propos». Comme les pharmaciens en somme.
Nos militants entendent-ils néanmoins poursuivre leur offensive? Leur employeur pourrait tiquer, bien qu’il ne soit nulle part annoncé qu’il va cesser de financer ces multiples entreprises de manipulations en faveur du communautarisme et de l’obscurantisme.
Théâtre Saint Gervais jusqu’au 20 décembre. La librairie arabe de l’Olivier et les Bains des Pâquis s’associent à l’événement par des expositions et d’autres manifestations.
L’offensive des intellectuels intégristes et progressistes pour le foulard bat son plein. Au moment où un groupe valaisan gaucho-musulman monte au front pour imposer les filles voilées à l’école, une nouvelle exposition genevoise tente de nous faire perdre tout esprit critique vis à vis du couvre-chef islamique.