Il est essentiel d’abord de connaitre les objectifs du CCIS. Créé en 2009 à Berne, et dirigé par le converti biennois Nicolas Blancho, le CCIS est une association de la nébuleuse salafiste. Son but principal est de rassembler tous les musulmans de Suisse afin d’ancrer, de propager et d’institutionnaliser l’islam radical dans notre pays.
Quant à Naim Cherni, le réalisateur de la vidéo et membre de la direction du CCIS, c’est un individu habitué à la duplicité. On trouve facilement sur YouTube les vidéos de ses reportages sur la guerre civile en Syrie où il est fréquemment filmé en train d’interviewer les rebelles combattant les troupes de Bachar el-Assad, et de porter secours aux victimes du conflit. Cependant, selon les dires de Saïda Keller Messahli, présidente du Forum pour un islam progressiste, Naim Cherni aurait aussi fréquenté des camps d’entrainement de terroristes à l’occasion de ses voyages en Syrie. D’après le journal Tagesanzeiger, il serait surveillé par les services de renseignements suisses.(1)
Interdiction des minarets toujours pas acceptée
Le film montre, sur fond de musique épique et prophétique, de jeunes musulmans provenant de différents endroits de Suisse qui, exaltés par leur foi et humiliés de ne pas avoir le droit de l’exprimer de manière plus ostentatoire, notamment à cause de l’interdiction de construire de nouveaux minarets, convergent vers un point de ralliement situé sur un alpage en bordure de forêt. Ils s’y rassemblent autour de leur porte-drapeau, personnage principal du film, afin de constituer une véritable brigade prête au combat. Une voix off en anglais (celle de l’internationale islamique?) ponctue la vidéo de déclarations victimaires, de récriminations et de revendications dont voici les sous-titres en français (j’ai gardé le français et l’orthographe d’origine) :
«Il fut un temps où notre espoir était juste une graine portée par le vend
faible, étant étrange, subissant des tortures, la douleur et l’humiliation
pour survivre, nous avons quitté nos patries
exposé à l’extinction
mais maintenant, nous ne sommes pas seulement devenus un arbre mais une forêt
fort et incassable
le début d’une révolution islamique qui a changé le monde
vous pouvez interdire nos minarets, nos voiles, nos niqabs, et même nos conférences
vous pouvez appeler notre religion violente, rétrograde et arriérée, ne faisant pas partie de la Suisse
mais sachez que nous sommes là et nous faisons partie de cette réalité
nous ne partirons pas
et nous n’abandonnerons pas notre lutte pacifique pour l’égalité des droits
nos libertés fondamentales et la tolérance sont tout ce que nous demandons
attendez-vous à nous à tout moment, n’importe où.
Les musulmans de Suisse. »
L’Etat Islamique inspire des vocations
Le code vestimentaire de l’acteur principal de la vidéo (habillé intégralement en noir, visage dissimulé par un foulard ne laissant voir que ses yeux) renvoie de manière explicite à la tenue des djihadistes de l’Etat Islamique actuellement à l’œuvre en Syrie et en Irak. L’emblème du drapeau brandi crânement sur les collines et montagnes de la commune de Kriens est le texte en arabe de la profession de foi de l’islam («Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et Mohammed est son messager»).
L’inversion des couleurs blanche et noire est la seule différence avec la bannière de l’EI. Ce drapeau est filmé à de nombreuses reprises, soit en mouvement pour montrer la dynamique conquérante de la jeunesse musulmane de Suisse, soit planté sur des points culminants pour signifier la volonté de domination de l’islam. Sa hampe, pourtant en bois, fait un bruit métallique inattendu et glaçant quand le porte-drapeau la retire soudainement du sol. Il s’agit d’accentuer le symbole guerrier de ce drapeau en rappelant les temps glorieux de la conquête musulmane des origines qui se fit par le sabre.
La première déclaration du film se termine par les mots «torture», «douleur» et «humiliation», et est presque immédiatement suivie d’une brève séquence de prises de vue ascendantes et vertigineuses du clocher de la collégiale de Berne. Le but du CCIS est ici de rappeler aux jeunes militants de l’islam l’intolérable surplomb religieux que représente le monumental édifice protestant de la capitale helvétique. L’appel à renverser l’ordre chrétien de la Suisse est évident.
L’idéologie extrémiste du CCIS et le contenu de cette vidéo associant des éléments visuels inquiétants (mise en scène à peine voilée d’une préparation au djihad contre la Suisse mécréante) à un ton général et des paroles clairement menaçants («le début d’une révolution islamique qui a changé le monde» ; «fort, incassable» ; «attendez-vous à nous à tout moment, n’importe où»), ne devraient laisser planer aucun doute sur le sens profond de cette sinistre production médiatique: il s’agit d’une déclaration de guerre à la Suisse non musulmane.
Stratégie de communication efficace
Pour celles et ceux d’entre nous qui tenteraient de faire une lecture globale de cette vidéo, la combinaison d’éléments belliqueux d’une part, et de déclarations se voulant rassurantes d’autre part («lutte pacifique pour l’égalité des droit », «Les libertés fondamentales et la tolérance sont tout ce que nous demandons») pourrait sembler paradoxale. Les apparentes contradictions du film n’ont pourtant pas constitué d’obstacle à son impact médiatique, à en juger par son nombre élevé de vues sur YouTube (plus de 128.000 en un mois). L’indéniable succès de la vidéo s’explique par une stratégie efficace de communication basée sur un calibrage de trois messages distincts visant trois groupes cibles différents.
Par sa mise en scène et son ton ouvertement comminatoires, la vidéo envoie un premier message, destiné aux Suisses qui ont osé voter contre la construction de nouveaux minarets en 2009. Tout d’abord, le CCIS cherche à les culpabiliser d’avoir soi-disant restreint la liberté religieuse des musulmans vivant en Suisse. Il les met également en garde s’ils devaient continuer à s’opposer au développement de l’islam dans leur pays. Le groupe de Blancho veut leur faire comprendre que l’inéluctable révolution islamique, destinée à conquérir et changer le monde -Suisse comprise-, poursuivra sa marche victorieuse et qu’il serait vain de s’y opposer.
Le film veut aussi transmettre un deuxième message, principalement conçu à l’intention de la communauté musulmane vivant sur notre territoire, et tout particulièrement à ses forces vives, les jeunes hommes. Le CCIS leur intime leur devoir religieux de soumission de la Suisse, toujours située dans le camp du Dar-al-Harb (ensemble des pays non gouvernés par les musulmans), afin d’y établir l’ordre islamique et de la faire ainsi passer dans le domaine du Dar-al-Islam (groupe des pays régis par les lois de l’islam). Incarnation de la vengeance divine qui punira les infidèles ayant soutenu l’insupportable votation de 2009, cette jeunesse de l’ombre, puissante si elle se mobilise, est exhortée à se rassembler afin de lutter sans relâche pour la juste islamisation de la Suisse. Par ailleurs, le choix de l’anglais pour la voix off de la vidéo signale une volonté d’interpeller et d’électriser, au-delà des frontières helvétiques, la jeunesse musulmane vivant dans tous les pays du Dar-al-Harb, afin de lui rappeler cette exigence de renversement des pouvoirs non islamiques.
Piège tendu à nos élites
La vidéo contient aussi un troisième message. Utilisant habilement les codes du politiquement correct, il est avant tout destiné à nos élites politico-médiatico–culturelles, dont il s’agit d’entretenir l’islamophilie et l’ardeur à étouffer toute critique de l’islam, même dans ses manifestations les plus agressives et liberticides. Ce message participe de la dénonciation convenue de l’islamophobie régnant en Suisse, et suggère une douloureuse situation de victimes des musulmans vivant dans notre pays. Il fait part des légitimes récriminations de ces derniers, et porte à notre connaissance leurs honnêtes revendications dont ils entendent obtenir satisfaction par des voies exclusivement pacifiques.
Ce message conforte dans ce que Philippe Muray appellerait leur vision confuso-onirique de l’islam tous les journalistes, sociologues, politiques et autres experts qui s’expriment à propos de cette vidéo dans les médias officiels. Ces derniers se refusent à dénoncer le film de Cherni et insinuent que l’islam est bien une religion de paix et d’amour injustement stigmatisée par la majorité de la population suisse, laquelle est malheureusement bien trop rétrograde, ignorante et fermée à l’Autre pour le comprendre.
Négligeant ou minimisant les deux premiers messages de la vidéo, parlant d’ambigüité entre ses images et ses déclarations, évoquant la représentativité limitée du CCIS, niant que des limites pénales justifiant des poursuites aient été franchies par le film, nos prétendues élites s’empressent de conclure à l’unisson qu’il s’agirait d’une «dénonciation maladroite de l’islamophobie qui pourrait nourrir cette dernière», propos tenus par la sociologue des religions Mallory Schneuwly Purdie sur la RTS et qui résument bien le consensus de notre classe parlante.
Dans l’univers mental de ceux chargés par le pouvoir médiatique de nous éclairer sur le CCIS en particulier et sur l’islam en général, le seul véritable scandale dont il faut parler est bien l’islamolucidité qu’ils nomment islamophobie pour la dénigrer en la psychiatrisant. Ce que l’islamolucide peut percevoir, comprendre et critiquer de l’islam ne doit en aucun cas être pris en considération et est évacué du débat. Le vieil adage chinois semble plus que jamais d'actualité : « Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt».
Fourvoiement de la classe bienpensante
Force est de constater que nos élites sont à présent incapables de percevoir l’hétérogénéité et la négativité du monde révélées par la dynamique de l’islam. Que ces dernières éclatent bruyamment dans le fracas du choc guerrier, documenté par l’Histoire, de la civilisation musulmane contre toutes les autres cultures qu’elle a rencontrées. Ou qu’elles s’expriment dans le bruissement de l’islamisation rampante, à l’œuvre depuis plusieurs décennies, d’un nombre grandissant de territoires européens. Cette islamisation devrait pourtant les interpeller car elle conduit à la subversion progressive des valeurs fondatrices de nos démocraties que sont l’égalité entre les individus et le droit à l’autonomie.
Ceux-là mêmes qui, de par leurs postes d’observation de la société, leurs formations et leurs savoirs, devraient être les premiers à nous mettre en garde contre le changement de civilisation subreptice que nous vivons, sont inaptes à en saisir les manifestations, à l’étudier avec clairvoyance, et à nous en rendre compte. Dans leurs discours, un travestissement irénique de la réalité s’est substitué à son analyse distanciée et objective. Le logos de notre expertocratie n’est plus la raison incarnée par le langage au service de la vérité. Il s’est transmué en une répétition de fausses évidences servant l’ordre bien-pensant totalitaire qui nous gouverne.