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  • Frédéric Encel autopsie le Printemps arabe

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    L'auteur est politologue et docteur en géopolitique, professeur à l’ESG Management School et maître de conférences à Sciences Po Paris.

    fencel.jpgEncel rappelle les faiblesses structurelles des Etats arabes: autoritarisme politique, corruption systématisée, absence des femmes aux postes à responsabilité, analphabétisme, violence comme mode de régulation des rapports entre Etats ou entre individus, etc. En 2010, rien n’a changé, mais internet met les Arabes, les jeunes en particulier, au contact des progrès de l’humanité, ce qui engendre frustration et désespoir.

    De 1945 à 2010, le nombre de dictatures a diminué dans le monde, sauf dans les pays musulmans. D’où un sentiment de marginalisation non seulement par rapport à l’Occident, mais au reste du monde. Et l’auteur de citer les créations culturelles et techniques qui traversent la planète, dont aucune ne provient des pays arabes. Idem au XXe siècle pour les idéologies combattues par les conservateurs –communisme, démocratie, fascisme, laïcité confondue avec athéisme, droits de l’homme. La place de la femme dans la société est un autre échec de ces Etats, encore qu’il faille distinguer monde arabe et pays musulmans non arabes comme la Turquie ou l’Iran.

    Les religieux dénoncent les conspirations qui, selon eux, humilient le monde arabe et sont responsables de ses malheurs. C’est toujours la faute des Etats-Unis, d’Israël, de l’Occident en général. «…le conspirationnisme explose avec l’assentiment ou la complicité de certains idéologues occidentaux, généralement d’extrême gauche ou d’extrême droite, eux aussi idiots utiles d’un nouveau totalitarisme».

    Les printemps arabes sont perçus par les conservateurs comme un complot judéo-américain visant à éliminer les présidents en place, les attaques du 11 septembre comme un complot visant à salir les Arabes et l’islam, etc. Ces explications aberrantes ne sont pas seulement le fait des islamistes, mais aussi des dictatures en place qui tentent ainsi de masquer leur incurie socio-économique.

    L’auteur met en exergue la décadence arabe à partir du XIIIe siècle en raison de l’école hanbalite qui impose une interprétation rigoriste de l’islam, toute innovation étant considérée comme impie. Aujourd’hui, la région est caractérisée par les rivalités entre Etats, les clivages idéologiques, religieux et économiques, la schizophrénie des foules et des gouvernants arabes, l’animosité, voire la haine des Etats-Unis, avec qui 18 Etats arabes sur 23 sont pourtant liés par des accords militaires.

    Frédéric Encel analyse le Printemps arabe comme la contestation des pouvoirs en place à l’intérieur des frontières nationales, une révolte contre la misère et le népotisme des dirigeants, l’exaspération des jeunes. Il pose une question fondamentale: pourquoi les premières élections ont-elles donné le pouvoir aux islamistes ou à des mouvements conservateurs? Les raisons sont nombreuses: absence de désir de retour à la monarchie, de courant marxisant ou social-démocrate, absence d’espace politique et syndical. Seule la mosquée représente un espace de réflexion… sous le contrôle des religieux! L’auteur souligne aussi l’importance du rôle social des confréries religieuses.

    Il détaille le Printemps arabe, pays par pays, avec un luxe de détails et une rigueur dans l’analyse qui font de son ouvrage une référence. Et de conclure que la victimisation à connotation anti-occidentale et le conflit israélo-palestinien peuvent de moins en moins être le ciment de la politique des pouvoirs arabes autocrates à l’endroit de leurs populations.

    Voilà un ouvrage qui suscite le débat et aiguise la réflexion. Son auteur a reçu le Grand prix de la Société de géographie de Paris (près de 1000 membres).

    Encel dédicace ce livre «A toutes ces femmes musulmanes courageuses qui exaspèrent à la fois les nationalistes arabes tyranniques, les islamistes fanatiques, et les idiots utiles occidentaux qui soutiennent les uns ou les autres».

    PUF, 225 pages

    Par Camille, lecteur de ce blog

    Partant du constat que tant les cyniques qui «considèrent que les Arabes ne sont pas faits pour la démocratie», que les complaisants «qui nous préparaient à un pouvoir durable des islamistes» ont commis une erreur d’appréciation, Frédéric Encel analyse le Printemps arabe de manière rigoureuse et pondérée, faisant appel aussi bien à l’histoire qu’à la situation contemporaine.