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  • Formation pour imams: Ben Achour ou les limites de l’ouverture

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    En automne de cette année, la faculté de théologie de Genève ouvrira un cursus de formation continue pour imams à la demande «de nombreuses communautés musulmanes». Il est destiné avant tout, selon le recteur Yves Flückiger, à «intégrer les imams à la culture suisse». Le projet ne peut qu’être applaudi, c’est un joli défi.

    Au sommaire (provisoire): des cours de français ( ??? on aurait cru que Genève était pourvue), d’histoire, de droit, d’éthique. Mais aussi, indique le responsable de cette formation François Dermange, un probable cours de religion qui présentera «des théologies musulmanes qui soient compatibles avec les exigences scientifiques et académiques de l’université». Une intention téméraire à l’heure du littéralisme dispensé dans les communautés. On nous avait d’ailleurs promis une telle approche pour le Centre islam et société de Fribourg, les responsables ont rapidement remis les pendules à l’heure.

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    Le professeur et juriste tunisien Yadh Ben Achour sera l’un des intervenants. C’est l’occasion d’examiner quelques thèses (et limites) de cet homme ouvert, qui apprécie les apports de l’Occident.

    L’habituel ping-pong des critiques envers l’islam et celles de nos sociétés est garanti. De même que la pression à accepter des mœurs contraires aux nôtres, comme la dissimulation des cheveux et du corps des femmes. Ou des actions contraires à la laïcité -qu’il souhaite revisitée- comme le financement des mosquées.

    Ben Achour, Tunisien, est un progressiste. Il a activement participé à la nouvelle constitution tunisienne qui représente la forme la plus avancée de libération du poids de l’islam dans un pays musulman.

    Le professeur dévoile son approche dans une conférence donnée à l’université de Genève en octobre 2016. (1) C’est un humaniste très inspiré par l’Occident, qui estime que nos pays doivent faire beaucoup d’efforts pour intégrer les musulmans et ceux-ci quelques-uns pour modérer l’archaïsme de leurs convictions.

    Les musulmans (et l’islam) doivent changer: accepter l’autonomie personnelle, la sécularisation, la supériorité des lois humaines. « La religion islamique -en tout cas en Europe- doit faire l’effort d’admettre cette liberté qui n’est pas vraiment la sienne à l’origine ».

    Les Européens doivent faire leur autocritique

    Il faut ménager les susceptibilités musulmanes en valorisant l’islam, ce qu’il fait abondamment, en le dédouanant du terrorisme, en exagérant ses apports à l'humanité et en minimisant ceux de l'Occident. Pour lui, la présence musulmane en Espagne n’était pas une occupation, mais un bienfait: «Jusqu’au 14e-15e s l’Europe médiévale se voit culturellement dominée par la civilisation islamique ou arabo-islamique» ; «La barbarie est le fait de toutes les civilisations» ; « L’élément explicatif essentiel ne doit pas être recherché dans la religion elle-même ». Il insiste sur un soi-disant extrémisme occidental, considérant que la défense contre l’agression musulmane (dans l’histoire) est un repli sur soi et le rejet de l’islam (aujourd’hui) un racisme.

    Pas de critique du bouclier utilisé pour empêcher le débat sur cette religion, l’islamophobie. Il fait même de la lutte contre cette fourberie une priorité. Et dégaine contre les nationalistes et autres racistes: «Il faut maintenir la lutte ancestrale de l’Europe contre toutes les formes de nationalisme qui débouchent sur la haine de l’Autre et en particulier sur l’islamophobie» Il fait donc, comme tant d’autres, l’amalgame entre islamophobie (rejet d’un système politico-religieux) et racisme (haine d’êtres humains pour ce qu’ils sont).(2) Les discours comme celui de Benoît XVI à Ratisbonne, les ouvrages d’Oriana Fallaci, Bruce Bawer ou Thilo Sarrazin sont à ses yeux autant de fautes occidentales… auxquelles les éruptions de violence musulmane répondent logiquement.

    Les musulmans ne doivent pas changer

    Alors que les libéraux de son pays luttent farouchement contre la burqa, Ben Achour estime normal qu’elle puisse se déployer chez nous, de même que le burkini: «Ce ne sont pas quelques dizaines ou centaines de burqas ou de burkinis qui vont changer les configurations sociologiques d’une société.» «Il revient à l’Europe de reconnaitre les pratiques d’un certain islam, même si elles ne correspondent pas au goût ou à l’esthétique traditionnels des pays européens.» Il ne s’agit ni de goût, ni d’esthétique, mais de rejet des traditions sexistes. Et tous les prédicateurs radicaux portent ces revendications. Quel lien entre ces dernières et «l’islam des lumières» (que l’orateur a découvert chez des intellectuels francs-tireurs, mais pas au sein des associations musulmanes)?

    Occident/islam, c’est kif-kif

    Pour le professeur, l’antagonisme entre islam et Occident serait un phénomène largement créé par les médias: «antagonisme culturel tracé à l’avance, que les médias manipulent au gré des craintes réelles ou des peurs inventées» ; «L’islam a été en guerre très souvent contre l’Europe. Mais l’exploitation de cette réalité historique incontestable à des fins idéologiques est contestable et dangereuse» ; «L’excès de réalisme est aussi préjudiciable que l’excès d’idéalisme». L’excès de réalisme? Que voilà un intéressant concept!

    La sempiternelle «ignorance de l’islam» est au rendez-vous. Les Européens seraient réticents à accepter les valeurs et modes de vie islamiques parce qu’ils les connaitraient mal. Sont-ils ignorants aussi, tou(te)s ces ex-musulman(e)s qui ont exactement les mêmes  réticences, voire davantage?

    Les musulmans s’intègrent, mais bizarrement, il faut une offensive massive pour les y aider sur les plans culturel, politique et pédagogique «intervention conjuguée et coordonnée des ONG, universités, autorités locales, régionales, Eglises, autorités islamiques…» dans un «immense champ d’action politique». Une opération qui ne couterait que trois francs six sous...

    On intègre en finançant des centres musulmans et leur culte

    Le professeur est pour une «laïcité raisonnée adaptée au contexte de l’Europe actuelle qui n’est plus celle de 1905». Plus clairement dit: adaptée au contexte des dizaines de millions de musulmans qui ont fait souche, et surtout de leurs activistes.

    Les associations musulmanes doivent être subventionnées; pas par l’impôt, mais tout de même par de l’argent public (mais où trouve-t-on de l’argent public qui ne provienne pas des impôts?). «Il faut que l’Etat, puis toute la société civile (musulmans et non-musulmans), contribuent au financement de l’exercice des cultes ». On suppose qu’il inclut les nôtres, mais entre les besoins de nouvelles mosquées et les besoins de nouvelles églises, le financement sera dirigé vers l'islam.

    Pour Ben Achour, «la citoyenneté doit reconnaitre la liberté et le droit de la religion, de la Ben Achour2.jpgcroyance et du culte dans leurs manifestations légitimes»… Quelles manifestations sont légitimes ? A part le niqab et le burkini, il ne précise pas.

    Le conférencier cite en conclusion l’historien Jacques Le Goff: il s’agit de «faire passer le musulman de la situation d’Autre à celle de concitoyen à part entière». Si l’Autre cesse de nous imposer ses rites et ses mœurs rétrogrades au nom d’un livre et d’un prophète au statut immuable, pas de problème !

    Laurence, avec la collaboration de Mireille

    Les imams genevois sont invités à se frotter à notre culture par une formation continue universitaire. L’un des intervenants indique la voie qui se dessine.