Le 19 mars dernier à Genève, les artisans du boycott d’Israël (BDS) étaient toute ouïe -j’imagine, car je n’ai pu m’y rendre. Entendre Richard Falk, ex-rapporteur spécial du Conseil pour les droits humains en Cisjordanie lancer sa charge contre Israël devait avoir la saveur des vins vieillis en fûts. Frère en BDS, l’orateur a durant six ans affiché son extrémisme partisan, et a été condamné tant par le Secrétaire général de l’ONU que par l’ambassadeur de Palestine à l’ONU. Il soutient les partisans du complot du 11 Septembre et a justifié les attentats de Boston. Mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse!
Sylvain Thévoz était-il de la partie? Je ne sais pas. Mais depuis quelques mois, lorsque je lis «pro-Palestinien» ou «boycotteur», c'est sa figure qui surgit. Invité à Ramallah, ce militant socialiste, écrivain, poète et blogueur dans cette même Tribune de Genève, a écrit une dizaine d’articles sur ce voyage.
Humaniste, amoureux de la justice et du progrès, il symbolise pour moi le grand mystère de ces intellectuels aux solides œillères. Je l’avoue, je m’étais demandé au début de ma lecture ce qui dans ses griefs contre Israël était exact. Naïveté coupable! L’auteur ne cherche à aucun moment à décrire une réalité, il alimente un acte d’accusation.
Dans la chaudière satanique
Notre poète propose une longue chevauchée dans l'univers du satanisme. Les enfants par exemple, nous dit-il, sont souvent la cible de l’armée israélienne. Les violences palestiniennes se manifestent «en réaction à la mort d’un gamin assassiné», l’armée «pourchasse les gamins (…) les tue aussi (…) par ennui…».
Une gêne en forme de croissant s’amplifie au fil des pages de Sylvain et finit par étouffer : c’est l’absence du Hamas, de l’Autorité palestinienne et de la théocratie islamiste qu’ils promettent de substituer à l’horreur israélienne.
Boycotteurs et militants ne disent rien du Hamas qui promeut le terrorisme et le meurtre au nom d’Allah. Ni de la télévision qui incite aux assassinats, pas davantage des centaines de «camps de vacances» qui entraînent des enfants au maniement des armes et leur enseignent l’incomparable joie de Dieu à voir couler le sang juif. (Images: camps d’entrainement à la guerre d’enfants palestiniens) Par ces nouvelles versions de Radios des Mille collines, on forme au génocide. On torture et on liquide sans procès. Les autorités religieuses appellent à l’exécution des homosexuels à la télévision. Les femmes ont été couvertes, la mixité s’efface…
Et cette nouvelle toute fraîche vient de nous parvenir: le Hamas voudrait faire passer une loi qui sanctionne les voleurs par la mutilation et d’autres crimes par le fouet. Et qui faciliterait les exécutions. Mais là, gageons que les fanatiques vont un peu vite: les mouvements frères vont faire pression pour un report de ces mesures, les amis et financiers occidentaux pourraient tousser.
Oui, certains des actes du Hamas sont des crimes contre l’humanité. Mais les boycotteurs ne voient, semble-t-il, que des actes de résistance. Ou ne veulent rien voir qui les détournerait de leur inculpé exclusif.
L’Autorité palestinienne milite pour Dieu
L’Autorité palestinienne n’est pas aussi directe. Elle ne dit pas -aux Occidentaux- qu’elle vise à supprimer Israël pour occuper son territoire. Mais elle gomme ce pays des livres d’histoire et des cartes de géographie. Les médias et les livres scolaires endoctrinent à la haine raciale.
Allah est omniprésent. Un ministre des cultes rappelle que les préceptes coraniques interdisent tout accord de paix. En mai 2012 sur Al-Rahma, télévision de l’AP, un «enfant prédicateur» annonce que la nouvelle couleur de sa cause sera «la couleur du sang, avec la détermination de celui qui marche vers le Paradis», pour libérer Jérusalem des «frères des singes et des porcs». Une approche répétée récemment avec des lumières dans les yeux par une petite fille de 3 ans. Une fille que l’on pourra par ailleurs marier dès 15 ans, selon la loi. C’est important : Allah veut beaucoup de petits musulmans. Tout juste nés, certains sont étiquetés "réfugiés de 1948" et à peine sevrés réclament leur «droit au retour».
La libération de prisonniers par Israël est l’occasion pour l'Autorité palestinienne d’accueillir triomphalement des hommes aux mains couvertes de sang. Elle remet des certificats aux tueurs et dédie des squares à la mémoire des plus méritants, responsables du meurtre de civils, dont des enfants. Nos amoureux du Bien ne remarquent pas cette étrange morale: tuer un enfant palestinien est une abomination, tuer un enfant israélien une gloire.
Les apostats persécutés
Des renégats de l’islam en nombre croissant doivent fuir la Cisjordanie après avoir souvent connu la prison. Ils sont accueillis en Occident. Ils le seraient en Israël, «Etat d’apartheid» qui accorde à sa population arabe des droits qu’aucun pays musulman n’accorde à ses minorités.
Mais après tout, pourquoi refuser sa libération à une population imbibée des préceptes d’Allah et de son prophète? Deux Palestiniens sur trois sont favorables à la peine de mort pour apostasie, 81% à la lapidation pour adultère, 72% à des châtiments tels que le fouet ou la mutilation pour les vols.
Les Sylvain nous content des sourates qui vantent les droits, l’égalité, la justice… De quel Etat? Totalitaire, épuré de toute présence juive, sans liberté religieuse, pressé d’asservir les femmes. Déjà, les lois réduisent la peine de ceux qui invoquent «l’honneur» comme mobile du meurtre d’une femme. La Cisjordanie, arrosée de milliards d’aide, est d’une corruption rare.
Mais le «peuple palestinien» est-il le souci premier de ces militants qui ne voient pas la moindre contradiction entre justice et terreur? Victor Dumitrescu, ex-blogueur de la Tribune de Genève, observe que c’est «la seule cause à travers le temps et l’espace où l’on épouse plus la haine de l’adversaire que l’empathie pour l’allié».
D’un peuple à libérer… à l’autre
Cette volonté de ne voir que Satan d’un côté et le Christ de l’autre fait invariablement penser à tous ces peuples dont la gauche a farouchement soutenu la «libération» et qui aussitôt libérés sont tombés sous le joug de régimes tyranniques. De l’URSS au Cambodge en passant par la Chine et l’Erythrée, la liste est longue. Hier, on pouvait encore croire aux lendemains qui chantent des mouvements marxistes. Aujourd’hui, ni le Hamas, ni l’AP ne font mystère de lendemains qui prient et châtient.Pour condamner sans appel l’État juif, il importe de fermer les yeux sur la nature des régimes palestiniens. Pourtant, les contours de la théocratie à laquelle ils aspirent se précisent. Le Hamas réclame déjà le fouet, les mutilations et les exécutions prévus par la charia.
Raymond Aaron.«Une fois pour toutes, les intellectuels d’Occident ont posé qu’il y avait les «bons» camps et les mauvais, les camps que transfigure la sainteté de la cause et d’autres qui ne sont que ce qu’ils sont. La plupart des intellectuels, en Occident, commettent à un degré ou à un autre cette faute, toujours enclins à découvrir des raisons pour excuser ou excommunier. Les intellectuels qui se disent de gauche la commettent avec plus d’éclat, à la mesure même du goulag qu’ils ont nié le plus longtemps possible, le plus énorme de tous, dissimulé dans l’ombre du régime qui se déclare le plus humain de tous.» (Le Figaro, 18 avril 1975).