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  • Abnousse Shalmani remporte le prix du courage et de la clarté

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    Présidente du Prix de la laïcité, Iranienne d'origine et Française par choix, elle brosse un portrait acide et lucide de certains maux de nos sociétés et du monde, dont l'islamisme et... notre laisser-aller. 

     

     

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    «Les paroles s'envolent, les écrits restent». L’adage est peut-être encore vrai.  Voici donc en images et en mots le discours formidable de la présidente du Jury de la laïcité. J'ai ajoué des intertitres.

     

     

    "Laïcité. C’est étrange comme ce mot résonne aujourd’hui. Laïcité. Ce mot qui devrait être un refuge pour tous, parce qu’il garantit la liberté pour chacun de vivre sa foi ou son athéisme au grand jour, sans crainte d’arrestation, de torture, de mort…Ce mot qui autorise l’expression de n’importe quelle idée blasphématoire dans les limites du droit. Laïcité. Ce mot qui fait l’honneur de la France et qui dans la guerre culturelle mondiale devient un fardeau. Ce mot qu’on doit dorénavant défendre alors qu’il nous défendait il n’y a pas si longtemps, qu’il nous protégeait, nous consolait, nous rassurait.

    Laïcité. Ce mot qui se retourne en une insulte dans la bouche des ennemis de la liberté et de la France. Sans ce mot, je ne serais pas devant vous ce soir. Sans ce mot, mes parents n’auraient pas fait le choix de la France. Sans ce mot, il n’y a plus de refuge nulle part pour les amoureux de la liberté et les persécutés de l’obscurantisme. Respirer l’atmosphère de la laïcité après les voiles noires du fanatisme et les barbes tufu de la haine retrouver la possibilité du choix de la parole à voix haute, de la sécurité, fut une nouvelle naissance pour moi comme pour tant d’autres exilés au fil du temps.

    «Nous voilà réduits à défendre la liberté et la laïcité»

    La France, ce pays où il était moins grave d’avoir faim, car on était assuré de trouver la liberté totale. C’est Chaïm Soutine, après une enfance prisonnière de l’intégrisme religieux qui lui interdisait de dessiner les figures humaines, qui choisit la France pour être libre, pour être peintre. Tant pis pour la faim, le froid, la misère. La liberté sonnait alors comme une victoire.

    Aujourd’hui, nous voilà réduits à défendre la liberté et la laïcité, nous voilà réduit à nous défendre de n’être ni raciste, ni colonialiste, ni islamophobes avec les guillemets de rigueur. Nous voilà sur la défensive. Car défendre la liberté et la laïcité, car l’un ne va pas sans l’autre dans le pays de Hugo, de Zola, de Baudelaire, de Pierre Louis, du Marquis de Sade et de Marcel Proust, dans le pays de Charlie hebdo est devenu dangereux.

    Imperceptiblement, la liberté n’est plus le phare de toute l’humanité, elle est devenue louche, entachée du passé historique de l’Occident, elle est devenue la marque du dominant alors qu’elle était à juste titre le but de tout désir d’émancipation, l’espoir inébranlable de tout opprimé sur terre.

    L’islamisme est un totalitarisme qui produit des êtres de haine et de destruction

    Par lâcheté, par peur, par paresse, par culpabilité mal placée, l’Occident, l’Europe, la France se sont laissé dériver vers une tolérance qui laisse s’épanouir l’intolérance. Il est un cas où la tolérance peut devenir funeste à une nation, c’est lorsqu’elle tolère une religion intolérante.

    Ecrivez Helvétius à propos du catholicisme. Ce pourrait s’appliquer à toutes les religions etprix laïcité aujourd’hui, maintenant, surtout à l’islamisme qui est aussi l’islam. Qui est son cancer, mais aussi la conséquence de son refus buté de se réformer, de se penser, de se réfléchir au miroir de la modernité. Au nom d’une tolérance dangereuse, nous avons collectivement laissé prospérer l’intolérance qui tue. Le sang a coulé en France. Le sang des journalistes, de caricaturistes, de policiers, de juifs, d’enfants juifs, de professeurs et de juifs encore.

    Le sang a coulé au nom de l’islamisme qui est un totalitarisme. L'islamisme réduit les hommes et les femmes à n'être que des agents de haine et de destruction. L’islamisme est un antisémitisme, un anti féminisme, une homophobie, un anti républicanisme, un anti humanisme, une fabrique de malheurs, un incubateur de ressentiments imaginaires, la promesse de ténèbres pour tous.

    Le camp d’en face ment et trahit l’humanisme

    Chaque fois comme une litanie morbide, nous avons répété «plus jamais», allumé des bougies, respecté des minutes de silence, affiché des « je suis… » qui sonnaient de plus en plus creux. Et puis, par lâcheté, par peur, par paresse, par culpabilité mal placée, nous avons oublié, nous avons continué de baisser la tête jusqu’au prochain attentat, au prochain assassinat, au prochain mort.

    Nous les laïcs universalistes, humanistes, sommes accusés de défendre la liberté et la laïcité. Nous sommes accusés de ne pas respecter les minorités, de ne pas être tolérants, d’être de vieux cons en somme!

    Et pourtant, le camp d’en face ment. Le camp d’en face ment monumentalement. Il ment et trahit l’humanisme le plus élémentaire, celui qui refuse de réduire l’homme à sa naissance, qui refuse de l’abandonner aux boulets de l’essentialisme.

    Les nouveaux racistes excusent l’antisémitisme, l’homophobie, la misogynie

    Le renversement de valeurs est vertigineux! Nous voilà coupables de défendre la possibilité de l’émancipation et de l’autonomie, nous voilà coupables de désirer que cet enfant puisse faire un choix, un choix qui ne soit pas réduit à être la suite sans imagination de son ascendance. Nous voilà coupables de considérer tous les hommes égaux, nous voilà sommés de montrer patte blanche antiraciste face aux nouveaux racistes qui défendent la naissance comme identité, l’identité comme unique revendication, la couleur de peau comme personnalité, finalité, destinée, la religion des opprimés comme excuse à toutes les dérives, pire, comme un laisser-aller, laisser-dire, laisser-faire. Le voilà le néo colonialisme qui est reproché aux défenseurs de la liberté, de la laïcité, de l’universalisme et de l’égalité.

    Sous ses airs d’amour pour tous, de tendre la main aux opprimés, les nouveaux antiracistes pêchent par paternalisme. Ils excusent l’antisémitisme quand il émane de la religion des opprimés. Ils excusent l’homophobie et la misogynie quand elles sont dites par des cultures non occidentales. Ils applaudissent l’antidémocratie et le séparatisme parce qu’il arrange leur agenda politique et électoraliste qui les réconforte d’être dans le bon camp, le camp du bien, alors qu’ils sont téléguidés par l’idéologie islamiste.

    Je refuse de considérer l’exilé, l’immigré, le musulman comme inférieur

    Ils ont oublié tout cela, que le chaos civil qu’ils espèrent et nourrissent n’a jamais accouché que de la prise de pouvoir de l’extrême droite. Je refuse de considérer l’exilé, l’immigré, le musulman comme inférieur. Je ne lui dois pas plus de respect qu’un autre, il est humain à mes yeux et je m’adresse à lui d’égal à égal sans considération aucune pour le passer à hauteur de présent, à hauteur d’homme. Je n’aimerais pas qu’on me regarde comme une pauvre exilée iranienne. Je ne suis pas Franco-Iranienne, je n’ai pas la double nationalité, je suis Française née par hasard il y a 46 ans à Téhéran. Quand vous me croisez, ne baissez pas la tête par respect, considération ou pitié, vous m’insultez. Merci d’avance.

    Mais si vous voulez on peut parler du passé. L’Empire perse a-t-il été plus tendre que l’empire britannique ? L’Empire ottoman a-t-il été moins meurtrier que l’Empire français ? Et pourquoi devrait-on dénoncer l’ignoble traite atlantique et non la non moins ignoble, plus longue et plus barbare encore, traite arabo-musulmane? Ça suffit! Le passé ne condamne ni n’absout, l’histoire n’est pas bonne ou mauvaise, elle est. Le passé occidental n’est pas plus honteux que l’oriental. Et au contraire du monde oriental qui refuse toute remise en question, l’Occident a aboli l’esclavage et inventé les droits de l’homme.

    «L’islamisme tue»

    Ça suffit! Soyons conscients des erreurs honteuses du passé et fiers des avancées humanistes. Mais cessons de retenir notre cri face à l’horreur de l’islamisme par crainte d’être attaqué par des fossoyeurs de la liberté.

    L’islamisme tue. Il tue des musulmans athées au Pakistan, des étudiants iraniens, des femmes indonésiennes, des petites filles afghanes, des hommes malaisiens, des catholiques nigériens, des mécréants partout, des Occidentaux, des juifs encore partout.

    L’islamisme est un ennemi du genre humain. Soyons un peu plus courageux et peut-être la prochaine fois aurons-nous un peu moins l’impression d’avoir du sang sur les mains. Et profitons de notre chance, de notre immense chance de vivre en France où nous avons accès à une littérature érudite et brillante qui étudie et réfléchit l’islamisme sous toutes ses coutures.

    Ces valeurs que nous ne voyons même plus

    Soyons reconnaissants à Gilles Kepel, à Bernard Rougier , à Florence Bergeaud Blacker que nous récompensons ce soir avec enthousiasme, soyons reconnaissants d’avoir la chance de vivre dans un pays où il est possible de débattre, de confronter des idées, de n’être pas d’accord et de ne… presque pas mourir pour ça. Nous n’avons aucune excuse, nous avons accès au savoir et ce savoir nous explique en long, en large et en travers en quoi l’islamisme est un totalitarisme.

    Heureusement, heureusement, il existe des Ukrainiens, des Birmans, des Iraniens, des Hongkongais, des hommes et des femmes partout dans le monde qui se battent pour nos valeurs à nous, que nous ne voyons même plus tant nous sommes confortablement vautrés dedans.

    Nous pouvons remercier ceux qui se battent et qui meurent là-bas pour défendre ce qui n’est plus unanimement partagé ici, par lâcheté, par peur, par paresse, par culpabilité mal placée.

    Alors, soyons un tout petit peu à la hauteur des Iraniens qui au prix de leur vie défient l’obscurantisme de la mollarchie. Soyons conscients et admiratif devant les démocrates révoltés du sud-est asiatique qui avec une folle inventivité défient la Chine uniformatrice pour imposer leur singularité, leur liberté, comme en témoigne ce génial hashtag - ça ne m’arrive jamais de défendre un hashtag:

    «Le milk NT Alliance revendique: les uns de boire du thé froid très sucré comme en Thaïlande, les autres avec des graines de tapioca à la mode taïwanaise et cela avec du lait à la hongkongaise. Le tout contre l’unique thé noir de Chine.»

    Soyons à hauteur des sacrifices de ceux tout autour du monde qui meurent pour respirer l’oxygène qui nous est si naturel à nous ici.

    Pas de prix à un socialiste?

    Pour finir, en tant que présidente du prix de la laïcité, et cela n’engage que moi, je n’entraîne pas mon jury là-dedans, je ne donne pas de prix à un socialiste. Je les laisse se flinguer dans leur moratoire à la con, à savoir si le Hamas est terroriste ou pas, s’il a commis des pogroms ou pas, ou s’il faut rompre ou pas avec ceux qui disent le contraire, propagent l’odieux mensonge, le négationnisme.

    Je donne un prix à un homme politique plus courageux que d’autres pour reprendre la formule de Cocteau «il n’y a pas de laïcité, il n’y a que des preuves de laïcité». Pour l’instant, l’homme politique en question a fait le job. Mais comme je suis méfiante, je ne lui donne rien, je lui prête. Trop de politiques, trop de politiques ont trahi la laïcité. Je peux compter dans mon dos le nombre de poignards au nom de socialistes de gauche qui ont sombré dans le camp des islamistes. Et ça je ne leur pardonne pas depuis mon enfance iranienne et depuis la révolution islamique de 79 qui a vu la gauche et les islamistes se lier. Donc au contraire de beaucoup, j’ai choisi mon camp: chez moi, c’est ni oubli, ni pardon.

    Nous avons choisi de donner le prix international non pas à l’indignation facile et confortable de notre canapé face à la tellement jolie révolution perse et ses morts, ces hommes et ces femmes qui non seulement sont courageux, mais d’évidence sont génétiquement assez performants et qui devraient juste nous faire un petit peu honte face à notre odieuse paresse, nous qui sommes incapables de défendre rageusement en attaquant par les mollets ce que eux paient au prix de leur vie.

    «N'en doutons pas, il y aura un après mollarchie en Iran»

    Non, nous avons choisi de donner un prix à l’avenir, aux lendemains sans mollahs… après la mollarchie. Nous donnons un prix à quelques-uns ici qui malgré les douleurs du passé ont choisi de regarder vers la Perse de demain quand le grand cadavre à la renverse qu’est la mollarchie, comme le dit très justement Marjan Satrapi, sera enterré pour de bon. On leur donne ce prix pour qu’ils puissent traîner devant la cour pénale de justice tous les assassins d’aujourd’hui qui tuent l’avenir en Iran. Ils réfléchissent déjà, ceux-là, à réconcilier les Iraniens demain, après, car n’en doutons pas, il y aura un après mollarchie.

    Et rien, rien ne saurait être sans la culture, sans la transmission par le drame et le rire, sans transcendance en somme. Peut-être que cette transcendance que nous cherchons, qui nous manque, c’est dans la culture qu’il faut aller la chercher.

    Nous avons choisi de dire merci et bravo à de sacrées femmes, brillantes, qui transmettent dans la joie et l’intelligence le bonheur d’être libres et laïques.

    Je voudrais terminer – ça c’est le moment dur… – je vais terminer en dédiant cette cérémonie aux 1400 victimes des pogroms du 7 octobre 2023. Et aux 240 otages, bébés, enfants, femmes, hommes, vieillards détenus par les sanguinaires terroristes du Hamas."

    Lauréats: 

    Prix national à Michaël Delafosse, maire de Montpellier

    Prix Science et laïcité à Florence Bergeaud-Blackler

    Prix Culture et laïcité à la Troupe du Pompon.

    Prix spécial à Robert et Élisabeth Badinter.

    Voir aussi: «Israël-Palestine: deux poids, deux mesures?» Abnousse Shalmani avec Alain Finkielkraut, animé par Eugénie Bastié.