La maladie a vaincu après bien des espoirs et des désillusions que beaucoup d'entre nous ont partagés. J'ai connu Pierre très tôt, puis très tard. Nous avons grandi dans le même village, Soral, à vrai dire sans beaucoup de contacts. Je l’ai retrouvé des décennies plus tard à la LICRA, début d’un combat commun. J’en menais déjà un autre, contre l’islam obscurantiste. J’ai rejoint sa cause, il a rejoint la mienne.
Avec lui, j’ai fait de l’auto du futur et du chameau du désert, nous avons ensemble écouté les coyotes du Neguev. Je l’ai vraiment connu en 2011 durant ce voyage studieux et passionnant organisé par Suisse-Israël. A la première visite, au cimetière de Zichron Ya’akovm où reposaient sous une pluie battante les premiers pionniers, il m’a offert son parapluie. Et s’est retrouvé trempé jusqu’aux os. J’ai commencé à beaucoup l’apprécier.
Nous avons découvert ensemble les contrastes de cet incroyable pays, des vives collégiennes arabes aux sinistres ultraorthodoxes, de la multinationale Intel au resto-théâtre des sourds-muets, de la technologie du goutte à goutte à l’activiste sociale…
Durant une fraiche soirée, dans un camp écologique du Néguev.
Nous avons ri dans ce parc solaire où une fière animatrice tentait de nous montrer les potentialités d’un soleil qui n’a jamais voulu collaborer. Curieux de tout, polyglotte accompli, Pierre n’était jamais en mal de questions.
Israël… Il s’est lancé avec un engagement exceptionnel dans ce combat, le plus ingrat de cette sombre planète. Il a été magnifique! Son enthousiasme, sa faculté d’utiliser ses réseaux ont été des alliés précieux. Il a mis tout son pouvoir de conviction dans cette bataille, celle, me semble-t-il, qui lui était la plus chère. Il a été un relais précieux pour ce pays qui en a si peu. Les amis d’Israël lui ont mille fois témoigné leur reconnaissance.
Dans ce combat-là, trouvera-t-on un autre Pierre?
Au comité Suisse-Israël de Genève qu'il présidait, j’ai pu admirer son incroyable énergie, son amour des gens, de la vie, des rires partagés, sa générosité, sa faculté de prendre des décisions rapides et sûres. Sortant d’une commission pour entrer dans une autre, jamais avare de son temps et donc toujours en retard. Seul l’opéra ou le concert l’accueillaient à l’heure.
Modèle d’humanisme, tolérant, cultivé, toujours prêt à discuter, il aimait le combat sans l’hostilité, le débat sans l’insulte. Ce n’est qu’à la radio que je le trouvais parfois rigide. Dans la réalité, il cherchait toujours à concilier.
Nous nous sommes aussi rejoints lorsqu’il a lancé l’idée d’interdire le foulard islamique à l’école. Polémiques, documents rares, infos spéciales: nous avons comploté, entre sérieux et rires. Ce combat, il l'a mené avec son épouse Laura qui n’était pas la moins convaincue.
Pour lui, j’espère que nous la lancerons, cette initiative. Je me promets en tout cas qu’un de ces jours, je tenterai de mener cette lutte. Et j’aurais voulu que depuis sa nouvelle adresse, il puisse en savourer la victoire.
A Laura et à ses enfants, je souhaite beaucoup de courage dans ce terrible deuil. Ils ont eu un conjoint et un père exceptionnel, et en cela, malgré cette disparition prématurée, le destin ne les aura pas trop lésés.