« La femme en islam: quelle dignité ? ». Hani Ramadan conviait les amateurs samedi dans sa mosquée à découvrir l’immense respect des femmes dans l’islam. Une invite à laquelle je n’ai pas résisté. C’était aussi un premier anniversaire: depuis le 8 avril 2o17, l’imam est interdit d’entrée en France. Il se rebiffe sans trêve contre cette injustice. Le sujet du jour faisait d’ailleurs partie d’une série intitulée «Non à la confiscation de la liberté d’expression!» La conférence a été retransmise sur Facebook.
Ce soir-là, on prend du retard : le public fait ses ablutions, puis sa prière. Enfin, le «cheikh» fait son entrée. Il commence par lire un communiqué de la famille de Tariq. On apprend que « neuf médecins spécialisés » ont attesté que l’inculpé souffre bien d’une sclérose en plaque. Sa santé se détériore. Il a partiellement perdu la mobilité de ses membres inférieurs et d’un bras. Il souffre de douleurs insupportables. Il ne reçoit pas de soins adaptés. Un sort assimilé à « une forme de torture ». Le communiqué a été fort peu repris par la presse, alors qu’elle se répand, ce samedi où une quatrième plainte pour viol est révélée, en « calomnies » et « mensonges ».
Hani reprend les arguments qu’avance « le Ministère » pour refuser son aimable présence. Et conteste argument après argument son contenu. Fastidieux. Il affirme que la femme peut demander le divorce. Et pas de polygamie imposée : dans le contrat de mariage islamique, obligatoire, la mariée peut stipuler qu’elle ne veut pas de deuxième épouse.
La femme qui passe d’une main à l’autre telle une pièce de deux euros le poursuit implacablement, elle est aussi invoquée par le Ministère. Mais la mère d’élève qui a raconté ses propos a menti. Une Tribune du Temps le publiée 15 ans auparavant montre ses vraies convictions:
« Des cultures orientales nous enseignent que lorsque l'on possède une perle précieuse, il faut la conserver avec attention. Une perle précieuse, cela s'enveloppe dans du velours. Et l'écrin où soigneusement et délicatement on la pose n'a pas pour fonction de la briser, mais bien d'en protéger l'éclat et la splendeur. Plus une perle a de la valeur, plus on la tient à l'abri des regards indiscrets. Elle n'a pas de prix; elle est inestimable. Et la maisonnée qui la possède voit en elle se refléter la jeunesse, la famille et l'avenir de la communauté. Elle ne se découvre que dans la stricte intimité du couple où elle brille et resplendit de mille feux. Ce qui n'est pas interdit. La pudeur favorise ainsi un réel épanouissement sur le plan sexuel, qui n'a rien à voir avec la morne lassitude de gens gavés par le grand déballage de l'érotisme contemporain. On exhibe au contraire une pièce de cent sous sans trop y songer. Elle passe de mains en mains et l'on finit par n'en ressentir aucune gêne. Ternie par ce commerce, elle perd hélas, de façon si précoce, la grâce de l'innocence. » La perle ternie: une pièce de cent sous au lieu d’une pièce de deux euros…
La perle ne gardera son éclat que si la fille ou la femme accepte quelques obligations et interdits (foulard, virginité, fidélité, etc.) L’homme n’est en rien une perle. C’est lui, faible mâle, qui profite de la liberté sexuelle, alors que les femmes en sont les victimes, affirme Hani. Raison pour laquelle l'homme est récompensé par l’appui de ses sœurs qui dissimulent avec enthousiasme leur corps à ses yeux.
Le Coran et son prophète étant parfaits, Hani choisit les versets ad hoc à l’appui de ses dires. La femme est donc merveilleusement traitée, et la question de savoir pourquoi depuis quatorze siècles, les mœurs comme les lois islamiques la discriminent restera sans réponse.
Hani Ramadan s’élève donc avec véhémence contre cette liberté d’expression que la France lui confisque. Mais que fait-il pour tous ces ex-musulmans qui utilisent la leur et doivent être protégés par la police contre ses coreligionnaires ? Al-Husseini en est un. Il me disait récemment combien il était dur de devoir chaque mois changer de logement, avoir des rendez-vous tous les quinze jours avec la police pour faire le point sur les menaces. Être venu de Palestine où il était persécuté pour ses idées religieuses et arriver dans une démocratie qui lui fait payer sa liberté d’expression au prix fort... Cette réalité reçue ici en pleine figure m’a rendue mûre! Et je remercie le Ministère d’empêcher un de ces liberticides de mettre le pied dans son verger… Qui en compte déjà beaucoup trop. Notons à ce propos qu’un des thèmes de la série de Hani était consacré à la gloire du cher grand-père Al-Banna.
Enfin, conclusion de l’orateur : « La femme est respectée entièrement en islam. On devrait engager un dialogue de civilisation. » Mais l’heure de la prière approchant, le dialogue est remis à plus tard, les croyants sont priés de « se préparer ».
Bref rien de neuf dans le monde ramadanien. Heureusement, il y avait un dessert : une discussion improvisée avec des disciples convaincus. Nous voilà donc six à huit sur le pas de porte de la mosquée, après la conférence. Comme d’habitude les thèmes se mêlent (moi-même j’en ai tant à soulever). Après le traditionnel : vous êtes chrétienne? on passe aux questions-réponses, dans le désordre.
Moi à un jeune homme : êtes-vous pour la polygamie ?
- Ma religion ne m’oblige pas à être polygame. Ce n’est pas une exigence.
Mais elle oblige les femmes à n’avoir qu’un mari…
- Les femmes peuvent faire noter dans leur contrat de mariage qu’elles ne veulent pas de deuxième épouse … Mais, moi je veux me marier, vivre tranquille avec ma femme… je n’en ai pas besoin d’autres… »
Une femme intervient : «Moi, je lutte contre la polygamie. » Plusieurs autres s’élèvent : « Moi je suis pour », « Moi aussi… » Un argument pris au vol : « ça évite que des femmes se retrouvent seules, sans mari… »
Moi : « En lisant le Coran j’ai été frappée que toutes les trois pages, les non musulmans sont condamnés à l’enfer… »
- Comment ? Citez-moi un seul verset…
Manque de chance, je n’en connais aucun par cœur. Ma mauvaise foi est prouvée.
A propos de lapidation je leur montre un livre de Hani que j’ai pris avec moi, La Miséricorde en islam. « Dans ce livre, Hani Ramadan raconte deux lapidations ordonnées par Mahomet … Les coupables avaient avoué… » Mahomet et leur bienaimé cheikh pris la main dans le sac: ils n’en reviennent pas, ils ne peuvent me croire… Surtout que Hani avait encore rappelé que vu les règles de l’islam « la lapidation est pratiquement inapplicable».
- Montrez… Vous n’avez lu qu’une phrase… Qu’est-ce qu’il y a avant ?... Il faut mettre dans le contexte. »
Bon, ce sera tout pour aujourd’hui. Mes interlocuteurs concluent que je ne veux pas comprendre. Trop encombrée par mes préjugés. Le plus fou, c’est cette impression qu’ils sont sincères. Qu’il est inimaginable pour eux que le Coran, le prophète et l’islam en général disent la moindre chose répréhensible.
Mais comment lisent-ils ?
L’imam ne supporte pas d’être privé de conférences dans l’Hexagone. Il consacre une série d’interventions à cette injustice.