Avant la soirée de samedi, une mise en bouche, l'interview de l'essayiste à propos de quelques traits de nos sociétés: conquête culturelle, sécession, début de lucidité politico-médiatique.
- D’où vient que tant de terrorisme, de persécutions et de discriminations pratiquées au nom de l’islam aient conduit à lui décerner le label de «religion pacifique et tolérante»? Quelle en est l’origine historique?
C’est vrai, plus on tue au nom de l’islamisme et plus on vante les mérites de l’islam et on disculpe les musulmans pour «ne pas faire d’amalgame». C’est le génie de l’islamisme! Mais comme je le montre dans mon livre, la genèse de cet «islamiquement correct» remonte en fait aux Lumières. Cette époque de modernité a produit des choses merveilleuses, fondées sur la raison et le progrès, mais aussi sur le rejet de l’Église catholique, sur une autocritique civilisationnelle radicale. Dégât collatéral de la modernité, la haine du christianisme a laissé place à l’amour de l’islam. De nombreux philosophes des Lumière ont créé le mythe de l’islam éclairé à partir de fantasmes exotiques. La détestation de soi a produit une surestimation de l’autre.
- Et la critique de l’homme blanc et de son passé n’a plus cessé…
Oui et ce processus a connu son apogée avec la critique de la colonisation, Aujourd’hui, les Occidentaux, après 50 années d’enseignement de haine de soi et de repentance, poursuivent ce processus jusqu’à son comble pathologique: pour ne pas reproduire les «heures noires» du passé, pour expier ses fautes coloniales, la Vieille Europe de l’Ouest présente sa submersion démographique et son islamisation comme une fatalité, mais aussi comme une garantie de ne plus être l’Europe-blanche-croisée et donc «raciste» qu’elle fut dans le passé.
Aujourd’hui, les Occidentaux sont culpabilisés jusqu’à la moelle!
- Quel intérêt à valoriser l’islam et les musulmans?
Un but économique: celui des multinationales et des élites anti-nationalistes. Elles visent la construction d'un Village global consumériste, la mutation de l’Europe en un laboratoire d’une société cosmopolite, antichambre d’une «suprasociété planétaire», sur les ruines des nations souveraines.
Pour faire accepter par les peuples l’immigration qui en découle et l’islamisation qui en est la conséquences, nos élites ont intérêt à présenter l’islam et les musulmans comme un bloc, victimaire, pacifique, bienveillant afin de réduire et même de faire taire les réticences des islamo-sceptiques. D’où mon long chapitre sur le mythe de la science arabo-musulmane et celui de l’Espagne musulmane arabe éclairée («Al-Andalous»), mythes fondateurs de l’islamiquement correct qui servent à discréditer, voire diaboliser ceux qui proposent de contrôler les flux migratoires.
Ce qu’oublient ces élites, c’est que le mythe de la supériorité de la «science et de la philosophie islamique», est non seulement faux, mais très dangereux. Il est le cœur du prosélytisme islamiste fondé sur le suprémacisme musulman.
Nous apprenons depuis des décennies à nos jeunes étudiants que nous serions moralement inférieurs à la civilisation musulmane qui aurait été dans le passé plus «tolérante», «évoluée», qui nous aurait «légué Platon et Aristote» et sans laquelle nous serions encore au moyen-âge…
- Selon vous, quelle différence y a-t-il entre islam et islamisme ?
Au départ, islamisme était synonyme d’islam. Aujourd’hui, l’islamisme est l’idéologie qui va aux racines, qui s’appuie sur le littéralisme et s’oppose à toute modernité séculariste. Je distingue islamisme et islam dans la mesure où il existe bien sûr des approches modérées, réformistes, tolérantes de cette religion. Mais elles sont qualifiées d’hétérodoxes, d’«hérétiques» par les sunnites officiels.
- Qu’est-ce qui vous rend pessimiste dans les évolutions d’aujourd’hui ?
J’en citerai trois. Celle du monde islamique: du Maroc aux Philippines, de la Turquie au Mali en passant par les Balkans et les «banlieues» de l’islam d’Occident, un phénomène de réislamisation extrême, une sorte de tsunami de radicalisme sunnite se produit.
Ensuite, en Europe, l’intimidation psychologique, intellectuelle et physique progresse à vitesse grand V dans des quartiers dont certains ont déjà fait sécession d’un point de vue civilisationnel. Dans ces zones, l’intégration à nos valeurs est présentée comme une trahison.
De ce fait, la frontière qui séparait durant des siècles les pays musulmans de l’Europe chrétienne n’est plus la Méditerranée, la frontière traverse nos villes et régions. J’appelle ce phénomène depuis mes premiers ouvrages (1997), le «limes intérieur», ou le «ghetto volontaire».
Enfin, le suprématisme islamique ne cesse de s’introduire dans notre culture. L’idée d’une «dette de l’Occident envers la civilisation arabo-musulmane» est devenue le cœur battant de la doxa politiquement correcte, et elle pénètre désormais les manuels scolaires et les livres d’histoire avec le mythe «d’Al Andalous» dont j’ai parlé. Cet «islamiquement correct» modifie peu à peu nos traditions et même nos fêtes, comme on le voit en Espagne où les fêtes locales liées à la reconquista sont désormais qualifiées «d’islamophobes». C’est conforme au suprémacisme cher à Al-Qaïda, à Daech et à tous les penseurs islamistes qui appellent à conquérir l’Europe.
Mais ce qui me parait encore plus grave, c’est l’hiver démographique de l’Europe, ce processus suicidaire qui suscite peu de prise de conscience.
- Et inversement, qu’est-ce qui vous rend optimiste?
L’islamisation de l’Europe peut de moins en moins être contestée dans les débats et les médias. Personne ne peut plus détourner le regard de ces quartiers en sécession et du péril tant islamo-terroriste que communautariste. Même l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb souligne le danger de guerre civile qui menace la France. Et même des journalistes du Monde, journal plongé depuis des décennies dans le déni, ont découvert l’eau chaude. Ils le racontent dans Inch Allah. Mais lorsque Bat Ye’or, qui habite chez vous et que je fréquente depuis des années, ou moi-même avons dit cela il y a bien longtemps, ces mêmes nous ont diabolisés et dénoncés comme «islamophobes». Ce que nous décrivons depuis 30 ans est récupéré par une partie de la presse mainstream parce que ses journalistes «autorisés», donc de gauche, l’auraient découvert. C’est assez pathétique, mais on ne peut que se féliciter de ces yeux qui s’entrouvrent, comme on le voit aussi en Allemagne avec des leaders de Die Linke qui se réveillent ou chez nous avec le phénomène de prise de conscience depuis Charlie. Il y a des prises de conscience, notamment à gauche, qui donnent de l’espoir.
- A ce propos, comment jugez-vous le qualificatif de populiste?
Le terme est assez juste s’il ne signifie pas extrême droite, mais s’il désigne comme l’explique mon ami Philippe de Villiers, le «réveil des peuples qui ne veulent pas mourir» face à l’immigration massive incontrôlée et à la mondialisation marchande destructrice d’emplois, de frontières et d’identité. Le philosophe et chercheur Pierre-André Taghieff, spécialiste du racisme et issu de la gauche, a bien montré la différence fondamentale, morale et idéologique, qui existe entre ce populisme et le totalitarisme nazi-fasciste. De manière générale, ces mouvements sont plus libéraux-conservateurs que d’extrême-droite, sauf rares exceptions, car ils ne sont pas antisémites, plutôt pro-Israël, plutôt anti-étatistes et attachés aux racines judéo-chrétiennes de l’Europe, donc adeptes d’une définition spirituelle et non raciale de l’identité, tout le contraire de l’extrême-droite.
Ces populistes sont par ailleurs adeptes d’une démocratie réelle, souvent référendaire, et ils représentent plus le désir de revanche du peuple face aux élites anti-démocratiques qu’un rejet de la démocratie. La réduction ad hitlerum à laquelle on aime les soumettre vise à les empêcher de prendre le pouvoir. Ces élites ont juste peur de perdre leurs places et leur monopole du pouvoir politique, culturel, médiatique et financier…. Cette question du pouvoir est trop souvent occultée.
- A votre avis, la Suisse peut-elle échapper à ce processus d’islamisation?
Je dirais oui et non à la fois! Non, dans la mesure où elle est intégrée à de très nombreux processus paneuropéens (UE, EEE, Conseil de l’Europe, OSCE, Schengen etc), accords, organisations internationales y compris islamiques (LIM, OCI, ISESCO, etc) qui diffusent cette idéologie de «pax islamica». Oui, si l’on considère son système politique, le seul qui se rapproche d’une démocratie réelle grâce aux consultations et contestations possibles à tous les niveaux, nationaux, cantonaux et municipaux, cas unique en Occident. Ce système ne garantit rien, car les peuples des pays «libres» n’ont in fine que les dirigeants qu’ils élisent et méritent, mais il donne aux citoyens helvétiques la possibilité de ne pas se laisser aspirer par toutes ces instances qui affaiblissent la souveraineté des Etats. Il leur donne la chance de pouvoir exprimer leur désaccord vis-à-vis de l’immigration et de l’islamisation qu’ils peuvent en partie stopper ou freiner s’ils le veulent... Et la prochaine votation à propos des «juges étrangers» me fait dire: que la question puisse être posée est déjà formidable! Ce n’est jamais le cas ailleurs, et en particulier chez nous, en France.
Recension de "La stratégie de l'intimidation":
Les coupeurs de tête font le lit des coupeurs de langue