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« On veut être tranquilles! »

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Article paru ce mardi 15 février dans le journal BIEL/Bienne distribué à tous les ménages de la région Bienne-Jura bernois-Seeland-Granges.

Par Mohamed Hamdaoui, journaliste et député.

"Alors que l'imam controversé Abu Ramadan devra bientôt comparaître devant la Justice, de plus en plus de fidèles boudent la mosquée biennoise qu'il fréquente. Au point qu'elle pourrait bientôt faire faillite.

«Il ne faut plus qu'il vienne dans notre mosquée!», exige Saïd (*). «Avec ses prêches, il a fait du mal à toute la communauté et jeté le soupçon sur l'ensemble des fidèles», poursuit Ahmed (*). Sous couvert d'anonymat, «car je ne veux pas avoir d'ennuis», les langues commencent un peu à se délier auprès de certains musulmans pratiquants habitués à aller prier dans cette mosquée située non loin de la place de la Croix, à Bienne.

Boycott. Ce n'est sans doute pas un hasard si tous deux ont contacté Biel Bienne pour témoigner aujourd'hui. L'imam libyen très controversé Abu Ramadan devra en effet bientôt comparaître devant la Justice, notamment pour incitation à la haine raciale. Ce procès (il devrait se dérouler en fin d'année ou au début 2023) sera sans doute très médiatisé. «Je ne veux plus vivre le cauchemar que nous avons connu quand l'affaire avait éclaté, en 2017. Il y avait des journalistes partout. J'avais le sentiment d'être tout le temps épié», se souvient Ahmed. «Or moi, si je vais à la mosquée, c'est uniquement pour prier. Et si j'allais dans cette mosquée et pas dans une autre, c'est parce que j'y retrouvais des compatriotes.»

Mais depuis quelques mois, Ahmed ne met plus les pieds dans ce lieu de culte et de réunion installé dans une ancienne usine du quartier populaire et multiethnique de Madretsch. «Avec d'autres habitués, nous ne nous y sentons plus à l'aise. Il y a deux clans: ceux qui soutiennent encore Abu Ramadan, et les autres qui le boycottent.» Car d'après les témoignages que Biel Bienne a pu recueillir, il vient régulièrement y prier. «C'est bien sûr son droit», complète Saïd. «Mais il est arrogant et se montre même parfois agressif.»

Procédure pénale. En 2017, une procédure pénale avait été lancée contre cet imam autoproclamé à la suite d'une dénonciation l'accusant d'avoir tenu des propos haineux envers des personnes de certaines ethnies et religions, notamment les juifs, les chrétiens et les chiites. Il avait démenti avoir tenu de tels prêches et affirmé que ses citations en arabe «auraient été mal traduites». Mais les dirigeants de la mosquée Ar'Rahman avaient tout de même affirmé qu'il n'avait plus le droit d'y prononcer des sermons. Salah ben Salmen (c'est son vrai nom) avait été aussi accusé d'avoir abusivement perçu de l'aide sociale (environ 600 000 francs).

Autres accusations: ce réfugié politique libyen était à plusieurs reprises retourné clandestinement dans son pays, et lors de l'enquête, il n'avait pas coopéré avec l'autorité pénale et refusé de répondre aux questions sur ses revenus. Au point que cet ancien footballeur professionnel s'était vu retirer son statut de réfugié politique. En cas de condamnation, il risque de perdre son permis C et d'être expulsé.

Hamdaoui, Abu RamadanPersona non grata. À l'époque, le scandale avait fait la une de nombreux médias. «Arena» (SRF 1) et «Infrarouge» (RTS Un) en avaient longuement débattu. L'affaire avait même pris une tournure politique, puisque les autorités de Nidau (commune où vit Abu Ramadan), de Bienne et du Canton avaient été interpellées. Le Conseil-exécutif avait alors reconnu qu'il disposait d'une faible marge de manœuvre. «Il n'existe pas de bases légales permettant aux autorités chargées de la sécurité de contrôler régulièrement des prêches en l'absence de tout soupçon.» D'autant que «dans le cas présent, son travail se trouve compliqué par le fait que les prêches sont prononcés dans une langue étrangère. Une personne experte doit d'abord en traduire le contenu, puis une autre doit en apprécier la teneur».

«Puisque la Justice ne peut pas faire grand-chose, il faut que nous, les Musulmans, fassions nous-mêmes de l'ordre!», s'emporte Saïd. «Nous devons cesser de rester silencieux et avoir le courage de dire publiquement quand il y a un problème», ajoute Ahmed. Cette démarche est encore assez rare, mais elle peut déployer ses effets. En 2019, par exemple, la mosquée Dar Assalam de Kriens (LU) s'était séparée avec effet immédiat de son imam irakien, les fidèles ayant dénoncé un de ses prêches dans lequel il avait osé recommander d'infliger «des coups légers aux épouses afin de les discipliner»... Depuis, il y est persona non grata.

Charte religieuse. «Nous ne voulons plus que de tels imams, qui ne connaissent d'ailleurs souvent rien à la religion, disent ici en Suisse des choses qui ne sont même plus acceptés dans leurs pays d'origine», s'indigne Ahmed. «Il faut vraiment relancer le débat sur la formation des imams», complète Saïd. «Si je vais à la mosquée, c'est pour des raisons spirituelles, pas pour faire de la politique.»

Berne n'est pas un canton laïc. Les trois églises «historiques» (catholiques, réformées et juives) sont officiellement reconnues. Mais certains représentants d'autres religions, en particulier des mouvements évangéliques et musulmans, plaident en faveur de la création d'une charte religieuse. Elle ressemblerait à une sorte de contrat de prestation leur accordant droits et devoirs. Le Gouvernement bernois en soutient le principe: «Elle pourrait faire office de "certificat de bonne conduite" témoignant d'une importante reconnaissance sociale et établissant une alliance entre tous les signataires.» Cette idée séduit Saïd. «Les gens auraient moins peur de nous, puisque les mosquées ayant signé un tel document n'oseraient plus tolérer la présence d'imams douteux.»

Contacté à plusieurs reprises, Abu Ramadan n'a pas répondu aux questions de Biel Bienne. Ou plutôt si: il a tenté de monnayer sa parole! En vain, bien sûr. «Ça ne m'étonne pas!», rigole Ahmed. «Comme de moins en moins de personnes se rendent dans cette mosquée, ils peinent à trouver de l'argent pour en payer le loyer. Je pense même qu'ils vont bientôt devoir fermer leurs portes!» La Justice n'a pas toujours besoin de lois pour triompher.»

(*) Prénoms d'emprunt



Je rappelle trois épisodes de cette saga qui connaîtra peut-être un premier dénouement cinq ans après le premier scandale.

Août 2017.
Le journaliste Kurt Pelda révèle les propos incendiaires d’Abu Ramadan contre les non musulmans. L’imam tient des sermons à la mosquée Ar'Rahman de Bienne (canton de Berne). Le titre de mon article qui relaie ces informations: «Un pari: l’imam extrémiste restera en Suisse». Pour l’instant on ne peut me donner tort. Et l’âge de l’intéressé ou des problèmes de santé pourraient bien lui valoir l’indulgence des autorités.
D’origine libyenne, Abu R. arrive en 1998 comme requérant d’asile, il obtient le statut de réfugié, puis le permis C à la vitesse de l’éclair. L’aide sociale suit: il recevra au total quelque 600’000 francs pour lui et sa famille. Et ne se donnera jamais la peine d’apprendre le français ou l’allemand, ni de travailler. En 2012 la commune de résidence Nidau demande au Secrétariat cantonal de la migration de retirer l'autorisation de séjour d'Abu Ramadan en raison des aides sociales du Lybien. Le Secrétariat l’envoie sur les roses.
Abu R. se rend plusieurs fois en Lybie depuis 2013, ce qui est interdit sous peine de perdre le permis de réfugié. Il ne le perd qu’en… 2017, mais le permis C lui permet de rester en Suisse.

Février 2020. Kurt Pelda dévoile, enregistrements à l’appui, que l’imam poursuit ses sermons et sa guerre sainte contre les chrétiens . Il vante la lapidation comme sanction des adultères. Je révèle à cette occasion, ce qui n’intéressera aucun de mes confrères, que l’imam a été invité à de nombreuses reprises par des associations islamiques tout ce qu’il y a de plus modérées, dont l’Association culturelle des musulmans de Neuchâtel, la plus grande du canton. Mais aussi le CCML, grand complexe vaudois (voir 24 Heures). Hani Ramadan était souvent de la partie. Le silence des médias a dispensé ces associations de toute explication sur l'invitation d'un tel extrémiste.

Septembre 2020. Le député Mohamed Hamdaoui reçoit la réponse du Conseil d’Etat bernois à l’intervention parlementaire qu’il a déposée à l’occasion des dernières révélations. Les réponses de l’Exécutif, bien qu’il se cache derrière l’existence d’une plainte pénale, sont édifiantes. Le Ministère public, qui agit aussi lentement que nécessaire, «rassemble des indices» qui pourraient «présumer que certains prêches enfreignent notre ordre juridique». Exercice d’autant plus ardu qu’«il n'existe pas de bases légales permettant aux autorités de contrôler régulièrement des prêches en l'absence de tout soupçon.» Et le travail du Ministère public «se trouve compliqué par le fait que les prêches sont prononcés dans une langue étrangère...»

Mohamed nous apprend donc aujourd’hui qu’Abu fréquente toujours la mosquée, mais qu'elle devrait fermer par manque d’argent. L'imam pourra sans problème en fréquenter une autre. Quant aux musulmans offusqués et anonymes, ils nous apprennent que la peur règne dans leurs rangs même lorsqu'il s'agit de dénoncer un imam haineux.




Commentaires

  • Obliger les lieux de culte à produire une traduction des prêches en langue étrangère. Nous ne faisons que nous ridiculiser par notre propre impuissance.

  • La peur règne... N'est-ce pas une constante dans l'islam? Peur de sortir du rang, peur de réfléchir et de poser des questions, peur de l'enfer, peur d'Allah, peur du qu'en dira-t-on...
    Bravo aux habitués de la mosquée qui rompent le silence. Il y a de très bonnes personnes parmi les musulmans, tout comme parmi tous les groupes humains, mais le système lui-même est mauvais car il s'appuie sur des travers humains: goût du pouvoir pour certains, conformisme pour d'autres.

  • Quand il y a des soupçons et des motifs valables, c'est une excellente idée. Le reste du temps, ça ne sert strictement à rien et ça stigmatise inutilement. C'est le genre de mesures qui ne peut pas se prendre aléatoirement sur des suppositions arbitraires et sans fondement.

  • C'est vrai ca, pas d'amalgames. Une moitie de fideles souhaitent le depart de l'imam haineux.. Ce qui signifie donc que l'autre moitie n'a pas de probleme avec la charia. Mouhahaha

  • Comme l'écrit si bien Laurence, la peur motive toutes les soumissions aux religions, que ce soit la peur des autres croyants et de leurs "guides" ou la peur des punitions "promises" dans l'au-delà.
    Car pour ce qui est de la vie éternelle, comment peut-on un instant y voir quoi que ce soit de souhaitable?

  • Effectivement Laurent, pas d'amalgames et d'aileurs à aucun moment il n'est mentionné que la moitié des fidèles soutiennent l'imam autoproclamé. Comme beaucoup d'autres, si vous agissiez avec moins d'arrogance, vous pourriez en apprendre beaucoup mais sachant qu'on n'aura "jamais de respect ni de compassion" de votre part et qu'il faudra s'y habituer quoiqu'on fasse (vos paroles, pas les miennes), je ne m'attendais pas à autre chose de vous que l'outrance et le sarcasme enfantin habituel.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/01/nous-musulmans-les-pratiques-de-l-islamisme-radical-nous-revulsent-nous-attristent-et-nous-choquent_6111847_3232.html

  • "Avec d'autres habitués, nous ne nous y sentons plus à l'aise. Il y a deux clans: ceux qui soutiennent encore Abu Ramadan, et les autres qui le boycottent."

    "Les langues commencent un peu à se délier auprès de certains musulmans pratiquants habitus".

    Pour moi cela fait au minimum une moitie mais vous pouvez toujours ergoter et tortiller du seant.

  • Bizarre! J'ai l'impression que c'est ce que nous sommes en train de vivre depuis deux ans avec une autre religion: un SCIENTISME mâtiné d'EUGENISME.

  • Laurent, oui pour vous, justement. Ce n'est absolument pas une preuve que les avis sur Abu Ramadan sont partagés de manière égale entre les fidèles de cette mosquée, ça c'est votre souhait personnel. Vous pouvez continuer de japper votre haine si ça vous fait plaisir, c'est tout ce que vous savez faire ici car quoique des musulmans fassent vous vous plaindrez de toute façon.

  • "Obliger les lieux de culte à produire une traduction des prêches en langue étrangère."

    Non, obliger tous les discours tenus dans les mosquées à se faire dans une des langues nationales.

  • Juste pour rappel, une citation:

    "Sans l'assassinat des Apostats, l'islam n'existerait plus." Cheikh Al Qaradawi.


    https://gloria.tv/post/QfPauN2ZdgN92rrrQWGhWfruD

  • Et ça va donner quoi au juste?

  • Tarik, je ne jappe pas. C'est mon fidèle compagnon qui le fait lorsque je rentre chez moi. Je sais, il est interdit d"avoir un chien de compagnie chez soi selon Allah le majestueux.
    Un délire de plus dans les commandements du Miséricordieux

    Sur le reste de l'article vous désiriez rajouter un truc ?

  • Laurent, au lieu de prétendre qu'on est tous des islamistes de toute façon et qu'on est tous en accord avec des gens comme Abu Ramadan, vous deviez avoir le courage et la bonne foi de reconnaitre qu'il y a beaucoup de musulmans, preuves à l'appui, qui s'opposent à ce genre de personnes. C'est tout ce que je voulais dire. Les preuves vous les avez, à vous de les voir.

  • Voir ces hommes en robes longue, vociférer en suisse allemand qui va pouvoir garder son sérieux 5 minutes?

  • @Tarik, comment savoir s’il y a vraiment « beaucoup de musulmans » qui s’opposent à l’extrémisme islamique ? Il faudrait connaître leur proportion et ce n’est pas une tribune signée par ces 15 « Français musulmans engagés », montant au créneau pour défendre l’islam, qui va nous y aider. Je veux bien croire qu’ils sont plus nombreux que cela à souhaiter débarrasser l’islam de ses tendances extrémistes, mais alors pourquoi se cachent-ils ? Je ne vois qu’une explication : par crainte des représailles, ce qui n’est pas un très bon point pour l’islam « religion de paix ».
    Autre question : toutes ces personnes nées musulmanes mais vivant en Occident, qui sont mal à l’aise avec les principes de l’islam mais qui sont en recherche sincère de spiritualité, pourquoi ne se convertissent-elles pas en masse au christianisme ? C’est une question sérieuse. Le christianisme est la religion d’ici et il offre tout ce dont un croyant a besoin, alors pourquoi s’accrocher à une religion en décalage avec l’esprit du pays et en proie avec des problèmes récurrents de violence et d’oppression ?

  • Vous allez le savoir en parlant avec eux au lieu de parler d'eux sans eux et en leur prêtant des intentions avec des accusations par association au moindre désaccord. Rien que ça serait déjà un bon début et permettrait probablement à plus de musulman(e)s de se sentir en sécurité pour s'exprimer. Le climat social actuel et récent en Europe ne le permet pas. Pour vous donner un exemple de comment on parle d'eux sans eux, en octobre 2019 pendant une semaine un journal français a recensé 85 débats sur le voile, 286 invitations et aucune femme voilée présente lors de ces discussions. Ça illustre parfaitement ce que j'essaie de vous dire.

    Ils ne se cachent pas, ils ont autre chose à faire que de constamment se mettre en avant pour expliquer et contextualiser. Je les comprends d'ailleurs, ça devient lassant à la longue et ils ont l'impression que quoiqu'ils fassent on ne les écoute pas et on ne les écoutera pas de toute façon. Je l’ai moi-même remarqué ici.

    Le christianisme n'est absolument pas la "religion d'ici", une expression qui ne veut strictement rien dire. L'Europe a toujours été un continent multiconfessionnel et à la base le christianisme est une religion du Moyen-Orient comme la plupart des religions. Je plaide pour que chacun puisse changer de religion librement selon ce qui lui convient.

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