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Le critère de la race est-il légitime dans les admissions universitaires?

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La Cour suprême des Etats-Unis a mis fin le 4 juillet dernier à 50 ans de discrimination positive dans les campus. Un débat complexe.

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L'université Columbia de New-York organise une remise de diplomes pour chaque minorité: Noirs, Asiatiques, LGBT… 

Une majorité d’Américains approuvent la suppression de la race dans les processus d’admission, une décision qui conclut une longue bataille et des débats nourris. 

C’est en en 1961 que John Kennedy promulgue un décret destiné à favoriser l’égalité entre les Noirs et les autres communautés. L’embauche par l’administration devait se faire «sans considération de race, de religion, de couleur ou d’origine nationale». Dans les campus, la couleur prendra par la suite une importance majeure.

Au cours des années 1970, l’action positive est étendue à d’autres populations jugées discriminées, sur le plan sexuel, de genre, social. Font partie des bénéficiaires de ces mesures les femmes, les Hispaniques, les Amérindiens.

Cette discrimination positive a plusieurs fois été contestée auprès de la Cour suprême. Suite à la plainte d’un étudiant blanc, celle-ci condamne par exemple les quotas décidés par la faculté de médecine de l’Université de Californie (arrêt Bakke). Par deux fois, en 1996 et 2016, les Californiens confirment cette décision par référendum. La discrimination positive sera interdite dans les universités publiques de l’Etat.

Les Asisatiques protestent

Certains groupes ethniques s’élèvent contre la discrimination «inversée» qu’ils subissent, en particulier les Asiatiques, dont une partie importante est très brillante.

Le dilemme: est-il légitime de mettre fin à une forme de discrimination pour en imposer une autre?

Le fait est qu’au sein des universités, l’action affirmative va prendre la forme de places réservées à certaines communautés. Certaines, dont Yale et Harvard, abaissent les exigences d’admission pour les membres de certaines communautés, dont les Noirs.

Cette politique sera très efficace, la proportion d’étudiants Noirs dans ces universités passera rapidement de 3% à 10%, c’est-à-dire à peu près la proportion de la population noire aux États-Unis. Des Noirs accèdent désormais à la plupart des postes de la vie publique et privée (administration, policiers, pompiers, banquiers, hôpitaux, grands cabinets d’avocats, etc.)

Toujours est-il que cette inégalité devant la loi qui contredit certains amendements de la Constitution suscite de nombreuses contestations. En 1978, la Cour Suprême donne raison à un étudiant blanc refusé deux fois, alors que des candidats Noirs aux scores plus faibles avaient été admis. La Cour Suprême juge la méthode discriminatoire et ordonne l’inscription de Bakke.

La diversité entre en action

Mais les juges considèrent que la diversité du corps estudiantin est un objectif majeur et que pratiquer l’action affirmative pour parvenir à cette diversité est légitime.

«Du coup le mot « diversité » devint instantanément le “vocable” de tous les campus américains.» (Causeur) La priorité des campus doit d’abord être le reflet de la diversité de la société américaine plutôt que la formation de l’élite intellectuelle du pays.  

Dans les universités puis dans les administrations, des postes occupés par des diplômés qui se définissent par leur identité se multiplient. Parallèlement, l’action affirmative défavorise des étudiants blancs et asiatiques qui ne se revendiquent d’aucun sous-groupe particulier.

Des Afro-Américains opposés

Le débat est aussi animé par des intellectuels noirs opposés à l’Action positive. C’est leSowell Thomas.png cas de Clarence Thomas un des deux juges noirs actuels de la Cour suprême. Pour lui, cette Action donne l’idée d’une victimisation de la communauté noire qui ne peut pas s’en sortir sans un traitement de faveur. Du coup, les groupes «défavorisés» (blancs, asiatiues, etc) ressentent inévitablement un sentiment d’injustice et un ressentiment qui fracturent la société.

Thomas Sowell (cf image), brillant intellectuel aujourd’hui nonagénaire, a montré par des travaux empiriques très riches les effets pervers de l’Action affirmative. Elle a par exemple été une aubaine pour les Noirs favorisés, mais peu ou pas du tout pour les Noirs qui ne l’étaient pas.

Cette faveur liée à la race devrait-elle durer éternellement? C'est l'avis bien sûr d'une majorité de ceux qui en bénéficient. Pour Sowell, «lorsque les gens s’habituent à un traitement préférentiel, l’égalité de traitement est bientôt considérée comme de la discrimination.» 

Et discriminer positivement un groupe de personnes implique nécessairement discriminer négativement un autre groupe, d’où entre autres une dégradation des relations sociales.

Par ailleurs, cette pratique pousse la population aidée à se reposer sur ses avantages. Il donne en exemple les Portoricains, bénéficiaires de l’action affirmative qui s’en sont moins bien sortis que les autres Sud-Américains non aidés. Ou des Irlandais qui sans mesures particulières ont rattrapé les autres communautés.

Autre effet pervers : inscrire des étudiants qui n’ont pas les compétences requises dans des programmes trop élitistes les conduisent à l’échec et à la frustration, alors que s’ils avaient suivi des études moins ambitieuses, ils auraient très bien réussi. C’est ce que les observateurs ont constaté en Californie depuis l’interdiction de 1996. Les inscriptions de membres de minorités dans les écoles les plus prestigieuses ont diminué, mais les inscriptions de Noirs dans des universités publiques, plus accessibles, ont considérablement augmenté, de même que leur pourcentage de réussite.

Remise en cause

En 2003, la Cour Suprême a pourtant réaffirmé que la diversité est un objectif louable, mais dans une «application limitée» une expression qu’elle n’a pas précisée.

 Huit autres États, républicain ou démocrates ont banni ces pratiques dont le Michigan, la Floride, l’Arizona et le Nebraska.

 En 2014, une plainte est déposée contre Harvard (université privée) et l’Université de Caroline du Nord (publique) dénonçant la place accordée aux critères raciaux dans les processus d’admission. C’est sur cette plainte que la Cour Suprême -qui comprend deux magistrats afro-américains et une hispanique- vient de statuer.

L’identité raciale d’un candidat ne pourra plus être prise en compte comme critère d’admission. L’idéal d’une société «aveugle à la couleur» (M. Luther King) a fait un petit pas dans une conjoncture qui lui est complètement défavorable.

Nos médias, as usual…

Les quelques exemples cités montrent que le sujet de l’action affirmative est complexe. Mais donner dans la nuance, se demander si par extraordinaire elle aurait quelque effet pervers, bref se livrer à une analyse de fond est un exercice impossible pour nos médias. Tous ne parlent que «nouveau recul», tendance des juges, vilain Trump et gentil Biden, affreux conservateurs et sympathiques démocrates. Une vision manichéenne dont ils ne se lassent pas.

Le Temps par exemple reprend un papier de Libération qui représente un des sommets de cette idéologie.

Pierre Schweitzer  a fait traduire et publié «L’Amérique des ethnies» de Thomas Sowell à L’Age d’Homme en 1990.

Universités américaines : la fin de la préférence raciale , Causeur (abonnés)

Le Temps (abonnés)

Commentaires

  • "Mais donner dans la nuance, se demander si par extraordinaire elle aurait quelque effet pervers, bref se livrer à une analyse de fond est un exercice impossible pour nos médias..." lis-je en conclusion. Dommage que vous n'appliquez pas cette affirmation au lynchage systématique d'Israël dans lesdits médias. Voir https://www.tdg.ch/dans-les-colonies-israeliennes-la-promotion-du-tourisme-est-en-plein-essor-332088679974 cet article en ligne est déjà mis depuis trois jours bien en évidence sur leur site

  • Sur ce coup-là, je vous donne entièrement raison. Mais la manière dont les médias traitent ce pays et ce qui s'y passe est tellement ignominieuse qu'il faudrait des livres pour rétablir un semblant de vérité à chaque épisode. Je n'en ai pas l'énergie, bien que je suive cette actualité dans dvers sites dont celui, remarquable, qu'a créé Jean-Patrick Grumberg,
    https://israel247.org/

  • La soi-disant "discrimination positive" est une régression à tous points de vue, démocratique, intellectuel, philosophique, social, antiraciste, et j'en passe! A bannir! Bravo la Cour Suprême!

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