On ne boudera pas notre plaisir ! Après les calamités du Printemps arabe et le succès des Frères musulmans d’Ennahda, les constituants tunisiens nous réchauffent le cœur. Dans les cris et la fureur souvent, ils ont voté article par article, puis globalement, un texte empli de lumières séculières et humanistes, mêlé à quelques ombres menaçantes. La Constitution tunisienne reste la première à ne pas criminaliser l’apostasie.
Rappelons cette victoire majeure dans l’environnement intégriste: les constituants ont rejeté l’islam et le Coran comme source du droit. La liberté de conscience est garantie, donc la possibilité de changer de religion et de se déclarer sans. Mais le risque d’être condamné pour «atteinte au sacré» relativise cette avancée.
L’article 6 est emblématique de cet affrontement entre obscurantistes (majoritaires dans l’assemblée) et modernistes.
(On ne sait si cet étrange sabir est lié à la traduction): L’État est gardien de la religion. Il assure la liberté́ de croyance et de conscience et le libre exercice du culte et garantit la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane.
L’Etat s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, et à protéger les sacrés, interdisant toute atteinte au sacré.
Comme il s’engage à interdire les appels à l’accusation d’apostasie et l’incitation à la haine et à la violence, en s’y opposant.
Renforcer l’identité «arabo-musulmane»
Les concessions d’Ennahda ont permis le vote d’une constitution moderniste, la garantie des droits humains et la progression de l’égalité entre hommes et femmes. Mais tandis que les modernistes luttent là-bas contre les Frères musulmans, ici nos sociétés ne cessent de leur faire de la place.
(paru le lundi 27 janvier dans lesObservateurs.ch)