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A l'origine de l'islam, la folle histoire des judéo-nazaréens

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Comment l’islam est-il né et a-t-il évolué jusqu’à la cristallisation de ses textes fondateurs? Le père Edouard-Marie Gallez développe une thèse érudite.

Le deuxième article (republié) de cette série historique est consacré à la thèse -au propre et au figuré- d'Edouard-Marie Gallez. Grâce à son vulgarisateur, elle a connu un remarquable succès.

Gallez a assemblé les pièces d’un vaste puzzle qui rejoint les travaux de nombreux autres chercheurs.* «Le grand secret de l’islam» écrit par l’un de ses admirateurs et amis, Odon Lafontaine (« Olaf ») vulgarise cette approche scientifique.

Il s’agit d’un ouvrage particulièrement complexe dont ce résumé est forcément sommaire. Il est simple d’en savoir plus: «Le grand secret de l’islam» est accessible en ligne, avec moult références et je mets aussi en ligne ici une de ses conférences.

C’est au début de l’ère chrétienne que se noue le fil de cette histoire. Jésus apparait en Israël vers l’an 27, dans une conjoncture marquée par le polythéisme et la présence déjà longue du judaïsme. Jésus est lui-même rabbin, il connait parfaitement la Torah et les Ecritures, et enseigne dans les synagogues. Mais son discours se révèle totalement nouveau, il plait, ses adeptes se multiplient.

A cette époque, les courants spirituels sont multiples, l’effervescence religieuse extrême et souvent meurtrière.

Avant et après la mort de Jésus, de plus en plus d’hébreux adhèrent à son message, ce sont les judéo-chrétiens. Mais les persécutions et la dispersion des apôtres rendent nécessaire une fixation par écrit du canevas de l’enseignement tel qu’il était récité par cœur à Jérusalem. C’est l’apôtre Mathieu qui s’en charge.

 

Conférence d'Olaf le 5 octobre 2016.

Selon Gallez, les judéo-nazaréens ont joué un rôle central dans la naissance de l’islam. Après l’an 70 (destruction du temple de Jérusalem et répression), ils partent en exil et y resteront, d’abord sur le plateau du Golan, puis en Syrie au nord d’Alep. Ils développent une nouvelle approche qui rompt radicalement avec le judéo-christianisme. Ils se considèrent comme les juifs véritables et comme les seuls vrais disciples de Jésus. Ils conservent la Torah, la vénération du Temple et de la Terre promise, se considèrent comme le peuple élu par Dieu. Pour eux, Jésus n’est pas d’origine divine, n’a pas été crucifié, il a été enlevé par Dieu vers le ciel. Il est le Messie qui viendra rétablir la vraie foi et le vrai culte du Temple à la libération -par les armes- de la Terre sainte et de Jérusalem. Avec lui à leur tête, les judéo-nazaréens sauveront le monde du mal.

Ce courant accuse les judéo-chrétiens d’avoir associé à Dieu un fils et un esprit saint: «je témoigne de ce que Dieu est un et il n’y a pas de Dieu excepté lui». (Paroles de l’apôtre Pierre dans les Homélies Pseudoclémentines). Une profession de foi que l’on a retrouvée gravée sur des linteaux de portes datant des 3e et 4e siècles en Syrie.

Mahomet, propagandiste judéo-nazaréen

Après une vaine tentative de reconquête, entre 269 et 272, la secte réalise que s’allier aux arabes locaux, combattants aguerris, garantirait des combats plus efficaces. Parmi ces arabes se trouve la tribu des Qoréchite installée à Lattaquié en Syrie.

Les judéo-nazaréens s’attellent à convaincre les groupes arabes nomades de leur projet de reconquête messianiste. Nous sommes au VIe siècle. Leur thème principal de prédication: «Nous sommes juifs et partageons le même illustre ancêtre, Abraham, fondateur de la vraie religion. Nous sommes cousins, nous sommes frères. Nous formons une même communauté, une même «oumma», nous devons donc partager la même vraie religion. Nous vous conduirons, et ensemble nous libèrerons Jérusalem et la Terre sainte. Le Messie reviendra alors et son retour fera de nous et de vous ses élus dans son nouveau royaume.»

Les propagandistes judéo-nazaréens, de langue syro-araméenne, forment des prédicateurs parmi eux, leur traduisent des textes. Ils produisent de petits manuels en arabe, des aide-mémoires, des livres qui présentent des lectures et commentaires de textes sacrés, les «lectionnaires». Ces aide-mémoire joueront un rôle capital. Ils étaient appelés qur’ân (coran). Le nom désignera plus tard le nouveau livre sacré des arabes.

Mahomet est un surnom, on ne connait pas son nom. Selon Gallez, il est probablement né en Syrie dans la tribu des Qoréchites. On ne sait s’il est né chrétien ou dans une famille judéo-nazaréenne, il a en tout cas été le propagandiste de cette doctrine et deviendra un chef de guerre à son service.

Controverse pour spécialistes

 

A la mort du prophète, l’islam n’est pas né

En 614, les arabes et les judéo-nazaréens aident les Perses conduits par le général Romizanès à prendre Jérusalem, mais le général cède le gouvernement aux juifs locaux et expulse les judéo-nazaréens et leurs alliés. «C’est sans doute à cette époque que le chef arabe gagne le surnom de Muhammad.»

Lorsque les Byzantins conduits par Héraclius reprennent le dessus sur les Perses, les Qoréchites et les judéo-nazaréens craignent leur vengeance. Ils s’enfuient à Médine, une oasis du désert de Syrie où une importante communauté judéo-nazaréenne est installée. Les membres de l’oumma s’appelleront désormais «les émigrés». Ce sera l’an 1 de l’Hégire selon l’histoire musulmane revue et corrigée. La communauté soumet d’autres tribus par les armes et se renforce. Des sources historiques relatent la prédication de Mahomet, elle s’oppose radicalement au récit musulman.

Mahomet envoie sans succès des troupes à la conquête de la «Terre promise» et meurt à Médine entre 629 et 634. Les sources musulmanes qui ont trait au prophète datent de près de deux siècles après sa mort.

Le premier calife, Abu Bakr qui règne durant deux ans, poursuit le projet judéonazaréen. Son successeur Omar conquiert la Palestine vers 637. Les vainqueurs rebâtissent le temple et attendent le Messie. Il tarde... Trois ans plus tard, les arabes ont compris: ils se sont fait berner. Ils se débarrassent des judéo-nazaréens. Mais les arabes possèdent un royaume et poursuivent leurs conquêtes. Une justification religieuse se révèle impérative. Les califes vont alors forger au cours des siècles un nouveau message destiné à légitimer l’extension de leurs terres et leur pouvoir.

Trier, supprimer, modifier…

L’islam, son prophète, ses hadiths, sa biographie se modèleront progressivement jusqu’à une cohérence approximative de la doctrine. Il faudra pour cela tordre l’histoire, effacer certains protagonistes, faire disparaitre de nombreuses traces, inventer des lieux et des événements. «Mais avant qu’elle ne prenne forme comme doctrine, il faudra plus de 100 ans et avant qu’elle ne s’impose et ne se structure définitivement, au moins deux siècles de plus.»

Pour la religion en devenir, les arabes sont désormais le peuple élu. Ses créateurs effacent le souvenir de l’alliance avec les judéo-nazaréens, et même la présence historique de la secte. Ils reformulent la promesse messianiste. L’objectif impose de rassembler les textes, notes et aide mémoires des prédicateurs, de modifier, supprimer, ajouter, réinterpréter. Et de faire disparaître le nom même des judéo-nazaréens qui deviendront dans les textes les chrétiens.

Feuillets British_museum.jpg

Ces manipulations ne vont pas sans incohérences. Elles suscitent des résistances et des contestations qui vont conduire à la première guerre civile (fitna) entre arabes. Elle ne cessera pas jusqu’à aujourd’hui.

L’effacement des judéo-nazaréens doit beaucoup au calife Otman (644-656). Les juifs et les chrétiens qui forment l’écrasante majorité du nouvel empire mettent en évidence les faiblesses des justifications religieuses des arabes. Eux possèdent des livres savamment organisés à l’appui de leurs croyances. La nécessité d’un livre pour les nouveaux élus se fait jour.

D’un calife à l’autre, l’histoire recréée

Les feuillets et les textes qui structurent la nouvelle religion sont collectés, et ceux qui ne la servent pas sont détruits. Otman organise un système de domination par la prédation: répartition du butin -biens et esclaves-, levée d’un impôt sur les populations conquises. Les territoires occupés jouissent d’une relative liberté religieuse tant qu’ils paient l’impôt. Les «Coran d’Otman» (sous la forme de feuillets) sont les premiers de cette religion. Ils ont disparu.

Le calife Muawiya (661-680) transfère sa capitale de Médine à Damas. La destruction et la sélection de textes se poursuivent. Il s’agit de créer un corpus plus pratique que les collections de feuillets.

Pour remplacer le rôle de Jérusalem et de son temple, Muawiya invente un sanctuaire arabe vierge de toute influence extérieure: ce sera La Mecque. Cette localisation est dès l’origine l’objet de nombreuses contestations. La Mecque est un choix absurde: elle est désertique, sans végétation pour les troupeaux, sans gibier. C’est une cuvette entourée de collines et de montagnes sujette à des inondations régulières. Elle ne se situe pas sur l’itinéraire des caravanes. Elle est censée avoir subsisté depuis Abraham, mais aucun chroniqueur, aucun document historique ou vestige archéologique n’atteste de son existence jusqu’à la fin du 7e siècle, soit plusieurs dizaines d’années après la mort de Mahomet.

C’est vers les années 680 que Mahomet est qualifié d’envoyé de Dieu. Un nouveau rôle lui est attribué. Ibn al-Zubayr qui établit son califat à la Mecque est le premier à se réclamer de lui. Des pièces à son effigie représentent le premier témoignage «islamique» de l’histoire à mentionner le prophète.

Le calife Abd Al-Malik (685-705) est le personnage-clé de l’unification de l’empire arabe et de la construction du proto-islam. Il récupère à son profit l’image de Mahomet et c’est sous son règne que la paternité du Coran est attribuée au nouveau prophète. Al-Malik intègrera La Mecque à sa doctrine religieuse, fera reconstruire le sanctuaire sous la forme approximative d’un cube. Il lie les éléments fondateurs du futur islam. La religion nouvelle commence à afficher une certaine cohérence pour la première fois depuis l’escamotage, en 640, du fondement judéonazaréen.

Une succession de manipulations

Les manipulations se succèdent, «chaque calife tentant à la fois de contrôler l’oumma par la force et de justifier son pouvoir par cette logique à rebours de la reconstruction de la religion et de l’histoire».

L’invention, probablement au 9e siècle, du «voyage nocturne» de Mahomet depuis la Mecque Mahomet_vovage nocturne.jpgpermet de témoigner du passage du prophète à Jérusalem, légitimant par là son statut de ville sainte et la dévotion rendue au Dôme du Rocher. Mahomet monte au ciel pour y recevoir la révélation qui justifie le caractère sacré et absolu du Coran. Un accord céleste permet de mentionner un livre préexistant à sa dictée à Mahomet, verset par verset.

La diffusion du Coran rend désormais difficile des ajouts. Il faudra construire autour du texte une tradition extérieure. Au long des siècles qui suivent vont proliférer d’innombrables Hadiths (paroles et actions du prophète) qui vont être triés selon les intérêts politiques des gouvernants et cristalliser cette tradition. Ils vont enjoliver, voire recréer le personnage historique et les évènements du proto islam. Ils expliqueront a posteriori un texte coranique souvent incompréhensible.

Parallèlement est écrite la Sira, la biographie officielle de Mahomet, de sa généalogie et de tous les événements de l’époque. Produite sous l’autorité du calife, elle donne des clés de lecture du Coran.

A la chute de la dynastie omeyade en 750, Bagdad est choisie comme capitale par la dynastie abbasside qui règnera jusqu’au XIIIe siècle. C’est durant la première partie de ce pouvoir, que l’islam tel que nous le connaissons aujourd’hui est modelé.

La doctrine se fossilise

La cristallisation de l’islam a lieu aux alentours du Xe siècle. Parallèlement aux Hadiths et à la Sira, la charia est élaborée «qui ressemble déjà beaucoup à ce qu’elle est aujourd’hui». Après le règne d’une série de califes de Bagdad qui ont favorisé le développement des arts, des techniques et de la pensée, trois décisions majeures sont prises au Xe siècle, qui vont fossiliser la doctrine: l’affirmation du dogme du Coran incréé; la doctrine de l’abrogation (pour supprimer les contradictions du Coran); la fermeture de l’effort de réflexion et du travail d’interprétation.

Avec la sacralisation absolue de Mahomet, la doctrine a très peu évolué. Sa pratique en revanche a varié au cours des époques et des lieux. Mais pour les musulmans pieux, le choix aujourd’hui encore consiste à choisir entre l’islam moderne du Xe siècle et l’islam rigoriste du VIIe (source du salafisme). «Cela revient à condamner chaque génération à refaire perpétuellement ce que l’islam pense avoir été, à répéter le fantasme construit par des siècles de manipulations.»

Le travail de Gallez qui s’appuie sur de nombreux autres spécialistes. Mais «il reste beaucoup à faire aux chercheurs pour démêler les différentes couches de réécriture et de manipulation des textes et du discours islamique. »

*Sa thèse a paru sous le titre "Le Messie et son Prophète", 2 vol., 2005-2010.

 

Prochain article: "Si Mahomet a existé, il est né à Pétra et non à La Mecque". (republié déjà dans le cadre des interviews de l'été passé, mais qui aussi a toute sa place dans cette série).

 

Commentaires

  • Laissez-nous rire... et soyez un peu sérieuse Madame Vallette!

    En prenant le temps de regarder et surtout d'écouter ce débat inter-religieux entre Olaf et Karim Al-Hanifi, la moindre de l'honnêteté intellectuelle est de reconnaître que la volonté de critique et la détestation de l'Islam ne doit pas légitimer de tomber aussi bas dans le mensonge et sa diffusion:

    https://www.youtube.com/watch?v=Y3-D5lKNLP8

    A chacun de pouvoir se faire une opinion avec un éclairage vraiment objectif.

  • Un débat interreligieux est sans intérêt. Ce qui serait plus pertinent, c'est un échange entre historiens, fondé sur la recherche et la présentation de faits. Certains commentateurs (aux pseudos à consonance arabe, disons-le) sur YouTube décrètent la victoire «écrasante» du musulman al-Hanafi sur son contradicteur. En réalité, le débat était biaisé pour plusieurs raisons.

    D’abord, le cadre. Ce fameux CRRC (Centre de Recherche en Religions comparées) est islamique! Il se présente lui-même comme étant «pour la communauté musulmane, une ceinture de sécurité [sic] face aux nombreuses attaques à l’encontre de cette communauté et sera également l’occasion pour les musulmans d’étudier dans les détails le saint-Coran, les hadiths, les livres islamiques et bien d’autres encore.» Il s’agit donc, sous une dénomination trompeusement neutre, d’une officine de plus dédiée au prosélytisme islamique. Elle n’est en rien objective et propice à un débat scientifique.

    Ensuite, le soi-disant «musulman lambda», catholique belge converti à l’islam, installé à Molenbeek, se définit lui-même «comme apologète, polémiste et chercheur en religions comparées depuis maintenant plus d’une dizaine d’années.» Il est en fait un dialecticien au service de la cause islamique, à la manière de Tariq Ramadan. Comme celui-ci, sa logorrhée et son aisance orale le font apparaître, à tort, comme dominant ses contradicteurs. Il mène un «djihad culturel». C’est analogue aux dialecticiens marxistes-léninistes auxquels on avait affaire en d’autres temps.

    Enfin, à une approche fondée sur la recherche de faits historiques s’opposait un exégète de textes, plus pointilleux que scientifique (sauf à admettre comme scientifique qui considère indiscutables, authentiques et vrais, les textes auxquels il se réfère lui-même). Il voulait démonter une thèse. En fin de compte, il n’a pu qu’émettre des thèses, des interprétations, des conclusions différentes, sans démontrer la fausseté de la thèse en question. Affirmer que «tout est faux» ne démontre rien du tout. Encore une fois, opposer une approche historique à une exégèse théologique, n’est pas pertinent.

    Le commentaire de Rochd n’avait pour objectif véritable que de s’en prendre à Mireille Vallette, qui a l’audace d’exposer sa "mécréance" en donnant de l’islam une image éloignée de celle de ses apologistes. Dans le cas particulier, elle se contente d’ailleurs de parler d’un ouvrage. En condamner la présentation et la "diffusion" est tout-à-fait révélateur d'un authentique islamiste «lambda». La «détestation» de Mireille «ne doit pas légitimer de tomber aussi bas dans le mensonge»,le dénigrement gratuit et l'appel à la censure, comme d’habitude sans autre argument qu’une opinion différente. Lamentable et risible, mais usuel pour Rochd.

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