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  • Meddeb et les croyants le prouvent: il faut rendre au Coran son humaine création

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    Je l’aimais bien, Abdelwahab Meddeb. Il s’est envolé il y a quelques jours vers les cieux qu’il a tant scrutés. Ses propos volaient haut. Il était d’une érudition admirable. Il aurait sûrement préféré poursuivre son œuvre de poète, cultiver ses ardeurs d’amoureux des cultures d’islam plutôt que descendre dans l’arène. Mais le désespoir qu’il ressentait en observant la médiocrité de sa religion telle qu’elle est propagée aujourd’hui, et les violences qu’elle engendre, a dévié sa trajectoire.

    J’aime sa capacité de critiquer sa religion et ses théoriciens, l’Occident et les siens, j’aime son optimisme quand il fait un «Pari de civilisation». J’aime sa faculté de rendre la complexité des choses et des textes.

    Je ne l’ai hélas jamais vu cité, encore moins invité par l’un de ces imams occupés à faire rabâcher aux croyants les versets du saint Coran et les dires de son parfait prophète dans l’ombre des mosquées et sans l’ombre d’une critique.

    Pour Meddeb, le Coran a été créé par des humains, même s’il est inspiré par un souffle divin. Cette reconnaissance rendrait tant de choses possibles entre musulmans et non musulmans. Il est impératif de «briser le tabou coranique», estimait-il. «Vous n’avez pas à ériger votre livre saint en intouchable vecteur d’une parole divine incontestée, éternelle, incréée…» Il est nécessaire d’étudier scientifiquement l’histoire de ce livre. Et de renoncer aussi à l’idolâtrie de Mahomet: «Nous avons affaire à un prophète qui a été violent, qui a tué, qui a appelé à tuer.»

    Neutraliser les passages qui appellent à la guerre

    L’islam doit évoluer, estime-t-il. «Or la condition sine qua non de cette évolution est le renouvellement du tout au tout de l’exégèse coranique.» Pour lui, «l’humanité a évolué et le stade anthropologique de certaines prescriptions coraniques appartient à une étape antérieure de l’évolution humaine.»

    Le germe de la violence étant contenu dans le texte, il importe de «neutraliser les dispositions qui, dans sa lettre coranique, appellent à la guerre».

    Pour que la barbarie ne triomphe pas, Meddeb proposait quatre modulations de l’islam. D’abord, séparer le temporel et le spirituel. Ensuite, abroger le jihad, concept mésinterprété pensait-il, mais qui «recèle un potentiel de violence et une force de perversion tels qu’on ne peut les neutraliser qu’en anéantissant la notion même de djihad». Et encore: goûter «la saveur de l’altérité des femmes»… dans l’égalité des droits, ce qui implique le renoncement au foulard, signe d’asservissement et d’infériorisation: « … le mal qui atteint les sociétés islamiques est des plus graves ; peut-être même est-il quasi incurable. Et je pense plus que jamais que la question du voile en est le symptôme le plus voyant.»

    Enfin, quatrième mutation : que le musulman admette qu’il n’est pas porteur d’une vérité entière qui lui épargnerait «l’arpentage d’autres parcelles du monde où se recueille le vrai».

    Dans cet esprit, les musulmans devraient aussi «déclarer l’irrecevabilité de la charia», dont de nombreuses dispositions s’opposent aux droits humains, afin d’assurer les libertés d’opinion, de croyance, de conscience. En attendant, lorsque charia et droits de l'homme sont en contradiction, prééminence doit toujours être donnée, selon Meddeb, aux droits de l'homme.

    L’écrivain rêvait d’un rapprochement entre l'Europe des Lumières et un monde arabo-islamique débarrassé de ses archaïsmes et adepte de la laïcité. Il appelait les musulmans à cesser de juger les actes et les paroles sur le mode du châtiment et de la récompense, de l'Enfer et du Paradis, un «marchandage de bazar» qui renforce la censure du groupe. Inversement, il estimait que la liberté individuelle et l'intégrité du corps constituent deux acquis précieux de la modernité que l’islam doit impérativement adopter.

    Rejeter l’idée du Coran incréé

    Je pensais avec nostalgie à ce puits de science et d’humanisme en relisant les multiples commentaires suscités par mon texte : « Dix-sept fois par jour, les musulmans pieux rejettent juifs et chrétiens ». Je ne prétends pas réclamer aux mahométans qu’ils fassent d’emblée le cheminement souhaité par Meddeb, mais au moins un pas -immense il est vrai: rejeter l’idée que le Coran est parfait et intouchable, et que chacun de ses mots vient de Dieu. C'est la seule base qui permettrait le dialogue et la possibilité de rassurer ceux que l’expansion de l’islam féroce angoisse. Et qui ouvrirait comme le dit Meddeb, «l’infini du sens où résonnent les interprétations».

    Pour l’heure, la volonté d’occulterla part de violence et de discrimination des textes islamiques est quasi systématique chez les musulmans dévots. Illustration.

    Deux musulmans s’expriment dans les commentaires du texte cité. Leurs pseudos:  Liberté chérie et Omar. Ils nient une première réalité, la signification de la Fatiha qui conduit chaque croyant à demander tous les jours à Dieu de les empêcher de figurer parmi les égarés ou ceux qui ont encouru la colère de Dieu. Sami Aldeeb prouve ce que tout musulman éduqué sait, à savoir que ces peuples fourvoyés sont les chrétiens et les juifs. Coran et dires de Mahomet à l’appui, les exégètes sont presque unanimes.

    Dénis de réalité

    C’est une évidence que Liberté chérie nie sans arguments: «Vous souhaiteriez que je soustraie la "Fatiha" de mes prières, pourquoi tant d'ingérence et de mépris? Vous dites qu'elle contient des versets haineux contre les Gens du Livre, les juifs et les chrétiens, vous ne dites que mensonges … » «Je réciterai la noble Fatiha dans mes prière et en tout temps et tout lieu car j'ai besoin d'être de tout mon cœur parmi les justes, en priant Dieu pour vous afin qu'Il fasse entrer la paix dans vos cœurs car la haine finira par vous anéantir si vous continuer à haïr vos semblables humains.»

    Et notre croyant ajoute un autre déni de réalité: «Dans le Coran, les Gens du Livre, les Juifs et les Chrétiens sont mentionnés de manière respectueuse et il est demandé aux musulman(e)s d'avoir un rapport courtois et aimable à leur égard. Les respecter fait partie de la foi.» Qu’il désire que ce soit ainsi, c’est probable. Mais taire la face obscure du texte fondateur à une époque où les chrétiens, parmi d’autres, sont persécutés et souvent tués, devient hautement suspect. Et les interrogations sont immanquables: le mensonge est-il destiné à préserver l’islam? Cette religion est-elle si fragile que faire céder cette digue menacerait de tout emporter? Bien pire: ceux qui lisent ces versets sont-ils choqués par leur contenu, ou encore… y adhèrent-ils? 

    Des non-musulmans qui en nombre ont voulu connaitre ces versets et les hadiths qui les appuient répondent à leur manière, souvent peu amène, aux affirmations des croyants et de leurs défenseurs. Ils connaissent aussi la règle de l’abrogation qui efface les passages respectueux du Coran au profit des plus intolérants. Ils savent que la biographie officielle de Mahomet relate nombre de forfaits du prophète, imités aujourd’hui par les jihadistes.

    Entendre nier ce qu’ils ont lu à moult reprises les échauffe. Et là, terminus, tout le monde s’insulte. D’un côté, à l’endroit des musulmans, les accusations de fanatisme, de nazisme, les références à Boko Haram, à l’EI, à Hitler, etc. De l’autre la réplique: «C’est toi qui l’es». Liberté chérie: «Hitler était un abominable personnage antisémite, mais à lire ce que vous déversez comme haine à l'égard des musulman(e)s vous ne valez pas mieux espèce d’ignobles islamophobes...L'islam vous survivra et vos mensonges n'y pourront rien pauvres détracteurs... C'est vous les fanatiques » «Boko haram, ces monstres criminels pensent comme vous et ils n'ont rien à voir avec l'islam...Les djihadistes de l’EI, ces barbares sordides pensent comme vous et ils n'ont rien à voir avec l'islam...Etc. Nous musulman(e)s nous aimons la paix et nous voulons le bien de tout être humain.»

    Omar: «Pour vous, un "bon" musulman est forcément violent, et le deviendra un jour ou l'autre. Vous nous comparez aux nazis, alors que vous empruntez le même chemin, petit à petit.»

    Un air qu’entonne aussi Vincent, le fidèle compagnon de route: « … je pense moi que c’est vous les «nazis» du 21ème siècle avec votre besoin de stigmatiser, insulter et mépriser systématiquement tous celles et ceux qui ressemblent de près ou de loin à des musulmans. Exactement ce qui se passait dans les années 30 avec les juifs…»

    L’exaspération face à la négation de l’évidence

    Et c’est ainsi que basé sur le mensonge répété d’un contenu exclusivement positif de leurs textes (Liberté chérie: «Plus vous vociférez sur l'islam, plus l'islam me parait éclatant dans sa beauté et dans sa compréhension de l'humain et du monde.»), les musulmans bloquent toute possibilité de dialogue et exaspèrent leurs contradicteurs.

    C’est que l’enjeu est de taille: la violence de certains passages n’est pas simplement chuchotée au cœur des mosquées, elle a été proclamée par d’innombrables prêcheurs de haine et fédère de plus en plus de de groupes féroces. Comment expliquer cette réalité et rassurer ceux qu’elle épouvante en se basant sur le mensonge? Plus grand monde n’est convaincu par le délavé «ça n’a rien à voir avec l’islam».

    …Sauf pour les compagnons de route pour qui l’écrasante majorité de nos musulmans ne pensent pas un instant que le Coran est parfait et incréé. Ainsi Vincent: «Alors que la majorité des musulmans se moque de suivre le Coran à la lettre, c'est nos antimusulmans primaires de service qui leur rappellent à quel point il est primordial de s'en tenir aux textes (…) Ce n'est quand même pas de ma faute, si votre nouveau prospect (ô combien prometteur) gâche un temps et une énergie folle à chercher dans des archives et autres textes musulmans des démonstrations des aspect dangereux et belliqueux de cette religion alors que pendant ce temps, la grande majorité des musulmans se fout royalement de tout ça.....en ne demandant rien d’autre que vivre en paix et en sécurité.»

    Vincent nous reproche par ailleurs notre «conviction de détenir la vérité». Il est l’un des rares humains qui ne pense pas que ce qu’il dit est la vérité. Vu qu’il se refuse obstinément à la chercher, nous lui accordons volontiers cette exception.

    A. Meddeb : La maladie de l’islam, 2002 ; Sortir de la malédiction, l’islam entre civilisation et barbarie, 2008 ; Pari de civilisation, 2009. Article de Libération, 23.09.2006 et du Nouvel Observateur, 21.01.2008.

    Si Abdelwahab Meddeb était écouté, si les musulmans ne niaient pas les contenus intolérants de leurs textes, un dialogue pourrait s’ouvrir. Nouvel exemple d’une impasse tenace.