La baisse de la fécondité va toucher une immense partie du monde. Sans main d’œuvre suffisante pour les faire fonctionner, les nations risquent de plonger. Quelques réflexions.
L'Allemagne compte sur le Brésil afin d'engager du personnel qualifié, dans une perspective "win-win". Le ministre Hubertus Heil est en visite.
La démographie est une discipline scientifique, mais ses prévisions sont presque toujours démenties par des phénomènes imprévus. Aujourd’hui: le dérèglement climatique, la guerre en Ukraine, les conséquences de l’intelligence artificielle... Et demain?
Le manque de bras et de cerveaux est devenu critique. Dans tout le monde occidental, mais dans d’autres pays aussi. Des prévisions annoncent une diminution de la population mondiale très rapide. James Pomeroy, économiste chez HSBC. «La probabilité que la taille de la population mondiale commence à se réduire dans les vingt prochaines années est bien plus élevée que ce que nous avions prévu.»
Une équipe internationale de scientifiques a calculé que le déclin commencera dès 2064 et que le nombre d'êtres humains passera de 9,7 milliards à environ 8,8 milliards à la fin du siècle. Les pays d’Asie les plus développés sont déjà en déclin, les autres ne devraient pas tarder à suivre.
L’indice de fécondité ne correspond déjà plus au renouvellement de la population (environ 2,1 enfants par femme). Chiffres de 2021-2022 :
Monde 2,3, Europe (UE) 1,5, US 1,7, Chine 1,2, Inde 2. Suisse 1,5.
Fécondité en berne, espérance de vie en hausse, boom des seniors et des soins liés à cette période de la vie et partout un manque de main d’œuvre qui devrait assurer le futur. Ces réalités menacent l’équilibre de tous les continents, hors une partie de l’Afrique. Pour l’instant, l’Occident est le plus touché, mais l’Inde et la Chine sont déjà en manque.
Les remèdes envisagés: embaucher ou débaucher chez les voisins, former les immigrés déjà sur place, en engager d’autres, si possible qualifiés, inciter les femmes à travailler à plein temps (en Suisse, elles sont quelque six sur dix à occuper un emploi à temps partiel).
La chasse est ouverte
Depuis quelques années, c’est chez les voisins que l’on cherche les perles rares. La concurrence est rude. La Suisse poursuit sa longue pioche chez les Français, qui eux-mêmes sont en manque criant de personnel dans de nombreux secteurs. Elle a séduit de nombreux médecins allemands sous le regard réprobateur de leur mère patrie. Elle puise encore dans les pays de l’Est qui proposent des soignants relativement formés.
Les immigrés
Une solution était omniprésente en 2015 lors de la crise de l’immigration: financer le développement des pays du Sud afin que les démunis puissent mieux vivre et… rester chez eux. Une idée absurde, pourtant partagée à l’époque par l’ensemble des pays développés, malgré le versement depuis des décennies d’innombrables milliards dans cette «aide au développement» qui n’a pas développé grand-chose.
Aujourd’hui, nouvelle stratégie: Rechercher des immigrés, de préférence qualifiés. En fait, saigner l’élite des pays pauvres.
Le ministre social-démocrate du travail Hubertus Heil: «Nous avons l’objectif de mettre en place la législation la plus moderne d’Europe pour concurrencer les autres pays qui cherchent, eux aussi, des talents à l’étranger.» Il les cherche aussi au Brésil qui pourrait fournir notamment du personnel de soin.
Une partie des immigrés répondront présents. Pas sûr qu’ils nous remercient. Accroître les difficultés de leurs pays en siphonnant leurs forces vives risque de poser quelques cas de conscience à une Europe qui pratique avec ardeur la culpabilisation. Gageons que notre bout de planète se rachètera une vertu en accueillant aussi des non diplômés, voire des «migrants» analphabètes, et des victimes du réchauffement climatique.
Le coût moral et matériel de ce remède sera très élevé et n’atteindra pas l’objectif démographique.
La politique familiale
Pour que la population se renouvelle, les femmes devraient en moyenne avoir environ 2,1 enfant.
Depuis longtemps, on se lamente en Suisse que tant de femmes travaillent à temps partiel, 58%. La raison avancée : il n’existe pas assez de places de garde et les enfants coûtent cher. C’est une réflexion typique de notre société. On oublie dans cette vision que l’enfant apporte des bienfaits peu comptables. Les femmes -et bientôt les hommes aussi- aiment la relation affective et intellectuelle qu’apporte l’enfant, qui vaut le sacrifice d’une diminution de rémunération.
L’habitude de travailler à temps partiel est aussi addictive pour la qualité de vie. Et pour la première fois, on observe que les hommes n’ont plus envie de tant travailler.
Pour faire augmenter le taux d’activité des femmes, favoriser l’égalité des sexes et réduire les inégalités entre enfants, la Suède a mis en place un système spectaculaire dès 1988: longs congés parentaux (16 mois), services d’accueil préscolaires et extrascolaires de qualité et en suffisance, allocations diverses, «bonus égalité» qui incite les pères à prendre une plus grande part du congé parental, etc.
Résultat : c’est le pays du monde qui compte le plus de femmes au travail, entre 75% et 80%. Mais l’indice de fécondité, plus grand qu’ailleurs, ne dépasse pas 1,7, loin du renouvellement de la population. La Hongrie n’y arrive pas non plus alors qu’elle a introduit des mesures fortes. L’indice a tout de même passé de 1,2 à 1,55 ces dernières années. C’est le seul pays d’Europe dont le taux augmente.
Familles nombreuses: une situation si mystérieuse que des programmes TV filment leur quotidien.
Une autre évolution n’est pas favorable: le souhait d’une meilleure qualité de vie au travail: flexibilité des horaires, télétravail, temps partiels, etc.
Une solution : devenir Afro-Européen
Le Pacte sur la migration de l’Union européenne prévoit une batterie de mesures destinées à faciliter les régularisations de ces demandeurs d’asiles et clandestins, dont l’instauration de dispositifs de «solidarité obligatoire» entre pays de l’UE. Mais que faire des immigrés refusés ? L’UE négocie avec la Tunisie pour les lui envoyer moyennant finance. Un peu comme voudrait le faire le Royaume Uni avec le Rwanda.
Il existe un accroissement démographique majeur. Il se trouve en Afrique. Les pays subsahariens notamment vont devenir la région la plus peuplée de la planète.
Un spécialiste de l’Afrique, Stephen Smith, rappelle qu’il sera impossible pour ces pays, encore moins qu’aujourd’hui, d’assurer aux nouvelles générations l’accès à l’emploi, la protection, l'éducation, la santé, etc. Aller chercher fortune sous d’autres cieux, les nôtres, restera la solution la plus rationnelle. Mais tout de même très chère pour les pays d’accueil (formation, logement, regroupement familial, etc.
Smith prédit que «plus de 100 millions d'Africains sont susceptibles de traverser la mer Méditerranée» au cours des deux prochaines générations et qu'un quart de la population européenne sera composée d'Afro-Européens.* Selon un sondage réalisé dans 17 pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient par l’agence ASDA’A BCW basée à Dubaï, près de la moitié des jeunes Arabes et Maghrébins (40%) veulent aussi émigrer, soit 30 millions de jeunes.
Si l’on considère que la plupart des pays manqueront tôt ou tard de main d’œuvre, même cet apport sera insuffisant.
Au niveau planétaire, la menace existentielle des pays et civilisations pourrait être moins l’écologie, l’inégalité, les Frères musulmans, la cancel culture, que…. le vieillissement.
- Stephen Smith, La ruée vers l’Europe, La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent, Grasset, 2018
Commentaires
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