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Rechercher : L'Allemagne s'islamise

  • Bon pour la tête: un cours gratuit en ligne, «Violences et religions»

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    Michel Grandjean, capture d'écran, Géopolitis, 21.02.2016

    La Bible, dont le Nouveau Testament, prône-t-elle la violence? Et le Coran? Comment s’est-elle manifestée dans leur histoire? L'université de Genève propose des éléments de réflexion sur la plate-forme en ligne «Coursera», par un cours gratuit de six semaines intitulé «Violences et religions». Michel Grandjean en est le maître d’œuvre.

    Un ami m’a signalé ce cours, je m’y suis plongée. Avec passion. Il apprend beaucoup, y compris sur le judaïsme, peu traité mais aux riches exposés. Ce cours pousse irrésistiblement à la réflexion, et donc à la critique. L’exercice est encore plus stimulant lorsqu’une partie importante de la matière vous est familière. Et pour moi, alors que j’ai hanté les églises jusqu’à l’âge de 18 ans, c’est l’islam.

    Du christianisme, j’ai donc beaucoup appris. Il est enseigné ici sans retenue sur les failles des textes, les fêlures des hommes et les fureurs de l’histoire. Pour l’islam, c’est une autre histoire.

    Le grand manitou de ces 55 vidéos d’une dizaine de minutes animées par deux douzaines d’intervenants de divers horizons, (table des matières en fichier attaché) est le professeur Michel Grandjean, professeur à l’université de Genève, spécialiste de l’histoire du christianisme et co-auteur d’un précédent MOOC («Massive Open Online Course»), consacré à Calvin. Un théologien ouvert, amoureux du débat. Les étudiants sont d’ailleurs invités à s’exprimer sur des forums de discussion, et les profs, dont Grandjean surtout, répondent volontiers, y compris lorsque leurs thèses sont contestées. C’est loin d’être le cas de tous ces cours online.

    Impossible de passer en revue ce riche programme, je me contenterai de quelques modestes aperçus. Pour l’anecdote, voici une des violences attribuées à Jésus. Ce dernier raconte qu’un roi a livré un serviteur aux tortionnaire, et il menace: «C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur!» Et en guise de «violence physique», on nous ressert les étals des marchands du Temple. Voilà une violence, celle du Nouveau Testament, plutôt rassurante. D’autant que la mort de Jésus sur la croix, rappelle Michel Grandjean, consacre le fait que Dieu renonce à répondre à la violence humaine par une violence divine. L’histoire montre que le pacifisme des textes n’a pas empêché les barbaries commises en leur nom.

    L'heureuse condition de dhimmi

    Le traitement de l’islam, hautement radioactif, est autre. Mon impression au terme de ce cours, c’est que le grand manitou et ses compères ont très envie de montrer aux musulmans que leur religion comprend des facettes remarquables, et ceci afin de les encourager à emprunter le chemin émancipateur du christianisme. Pour quelle autre raison les vidéos seraient-elles sous-titrées en arabe? Michel Grandjean, que j'ai brièvement rencontré, ne conteste pas cette hypothèse: «Si des musulmans découvrent la méthode historico-critique utilisée par les chrétiens, ils pourraient se dire que cette méthode peut être appliquée au Coran.» Et il est quelque peu déçu qu’il n’y ait pas davantage d’adeptes du prophète parmi les étudiants: «Pour l’instant un seul pays arabophone apparait dans les statistiques, le Maroc. Mais tout le monde n’indique pas sa provenance, le droit à l’anonymat est garanti.»

    Une des caractéristiques valorisées par les spécialistes: le statut de dhimmi principalement réservé aux chrétiens et aux juifs. Il ne s’agit pas pour les intervenants de racket, de discriminations et d’humiliations mais, selon les termes de la Tradition musulmane, de "protection" en échange d’un impôt spécial. Et d’une "tolérance" que les spécialistes comparent au sort tragique des juifs d’Europe. Cette approche a été vivement critiquée sur les forums qui ont détaillé les affres impliquées par cette condition. Michel Grandjean a-t-il été convaincu? «Si nous modifions certains aspects de ce cours, je compte revoir cette question.»

    «…comme pour n'importe quel texte, pour bien comprendre le texte biblique il s'agit de le replacer dans le contexte historique dans lequel il a été produit», nous explique dans le cours le théologien. Il oublie de signaler que pour le musulman, c’est l’inverse. Le Coran est censé être la parole de Dieu, ahistorique, et l'exégèse consiste depuis des siècles à expliquer ce que veulent dire les versets pour être sûr qu’on enseigne la doctrine au plus près et non de contextualiser ou de relativiser. La parole de Dieu est intouchable. Rien à voir avec la Bible qui a été écrite durant plusieurs siècles -le Nouveau Testament entre le milieu du Ier et le début du IIe- par des dizaines d’auteurs, pas toujours d’accord entre eux, ce qui facilite l’interprétation.

    Dans l’ensemble, les spécialistes de l'islam s’efforcent de minorer la violence des textes que mettent en évidence les Occidentaux critiques et de nombreux ex-musulmans. C’est le cas de la sourate 9, soit 129 versets dont celui «de l’épée»: «Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade.» Cette sourate est souvent appelée «Le Repentir». Là encore, outre qu’ils en atténuent la violence, les spécialistes reprennent l’auto-congratulation de l’islam orthodoxe (ou de l’islam tout court): il faut admirer cette religion car Allah, ainsi que le Coran le répète à de multiples reprises, est «miséricordieux». C'est-à-dire que dans sa grande bonté, il pardonne  au coupable d’avoir cru à autre chose qu’a lui... s’il se repend de ce grave péché et (re)vient dans son sentier.

    Nous apprenons aussi l’importance du «grand djihad» (effort sur soi) déjà implicitement cité par des pionniers tels le mufti Ibn al-Qayyim (XIVe siècle), disciple d’Ibn Taymiyya l’inspirateur des terroristes, et par Ibn Rushd (Averroès). Ce qui nous chiffonne, c’est qu’à côté de ce «grand djihad» tant vanté figure toujours le «petit» qui consiste à nous exterminer.

    «Y a-t-il un problème de violence dans le Coran ? A mon avis non», affirme Bruce coursera,violence,christianismeFudge, professeur d'arabe à l'université genevoise, qui poursuit paradoxalement son intervention en montrant combien elle y est présente. On plonge cependant dans la stupeur lorsqu’il traite du massacre des hommes (600 à 900) de la Tribu juive des Banu Qurayzah (les femmes et les enfants sont vendus en esclavage): «…il est sans doute vrai que, d'un point de vue politique, Mohamed a pris la bonne décision et qu'il ne pouvait pas faire confiance aux tribus juives. S'agit-il d'une situation où la fin justifie les moyens? Oui, peut-être. Vraisemblablement.»

    Quant au terrorisme, les intervenants adhèrent logiquement à la théorie rassurante d’Olivier Roy -qu’il a resservie lors du massacre du Marché de Noël de Strasbourg-, ce ne sont pas des musulmans qui se radicalisent, ce sont des radicaux en proie à une profonde frustration qui s’islamisent. Mais il ne s'agit pas d’une radicalisation religieuse. Une thèse contestée avec colère par Gilles Kepel.

    Malgré ces étranges soutiens à l’islam tel qu’il se voit, les vidéos qui lui sont consacrées contiennent leur lot de fertiles découvertes.

     

    Beaucoup essaient, peu persévèrent

    Aujourd’hui, quelque 1100 étudiants ont regardé au moins une séquence de ce cours, 32% en Suisse, 29% en France. C’est un résultat appréciable selon son initiateur. Les USA, le Canada et le Mexique figurent au palmarès des dix pays les plus représentés. Michel Grandjean: «Je regrette qu’il n’y ait pour l’instant qu’un seul pays arabophone qui apparait dans les statistiques, le Maroc (réd : quatrième au hit parade). Mais ça peut changer. De plus, tout le monde n’indique pas qui il est, le droit à l’anonymat est garanti.»

    Seuls une centaine d’amateurs ont suivi avec succès l’entier du cours. Il faut dire qu’il est chronophage, et que les tests qui concluent chaque module ne sont pas un jeu d’enfants.

    Pour vous faire votre propre opinion, aiguiser votre réflexion et vos arguments, je ne peux que vous recommander de vous plonger dans ce thème en fusion.

    https://www.coursera.org/learn/violences-religions

     

    Au fil d’une cinquantaine de vidéos, l’université de Genève invite tout un chacun à s’initier à un sujet brûlant. Où l’islam est un peu trop bien traité.